Chanel, toute une histoire

Publié le 20 mars 2008 par Ia076
Crédit photo : Monique Hofland/FlickR 

Chanel… Ces six lettres nous ont tant fait rêver… Gabrielle Chanel, N°5, la rue Cambon, le Ritz, Karl Lagerfeld, la petite robe noire, les lunettes fumées, l’éventail, le luxe, les égéries…

Chanel, c’est une légende qui perdure, grâce à un passé riche d’inspirations et à un présent visionnaire, entre branchitude et classicisme.

On aurait aimé que cette magie Chanel soit uniquement due aux talents de Coco Chanel et de Karl Lagerfeld, que ce soit le destin qui eut la riche idée de faire succéder un dandy éclectique et visionnaire à une jeune modiste en avance sur son époque, créant ainsi une alchimie inédite et propice à rendre éternelle une maison de couture… Et pourtant, si doués soient les protagonistes créatifs de la saga Chanel, rien n’aurait pu avoir lieu - ou tout du moins perdurer - sans l’intervention d’une famille, celle des Wertheimer, qui depuis 1924 joue les éminences grises huilant les rouages Chanel.

Mais ce qui va mettre Mademoiselle Coco à l’abri des affres des modes qui se démodent et des fluctuations économiques, ce n’est pas une de ses créations, mais une rencontre. Nous sommes en 1923, lorsque lors d’une course de chevaux, Gabrielle Chanel rencontre les frères Wertheimer, Pierre et Paul. Passionnés par les courses hippiques, les deux frères sont également des hommes d’affaires réputés pour leur flair infaillible. Coco Chanel y voit une opportunité de diffusion inespérée, et le 4 avril 1924, leur union commerciale donne naissance aux Parfums Chanel.

En 1926, Coco aurait pu être sacrée reine de l’année, tant ses apports à la mode sont conséquents, symboliques et emblématiques.

La petite robe noire voit ainsi le jour, déclinant une élégance empreinte de chic et de sobriété. Si la France adoube cette petite révolution en matière de dress code, de l’autre côté de l’Atlantique c’est un véritable embrasement. Les rédactrices de mode ne jurent que par cette petite robe, qui pour elles est la quintessence de la modernité.

Pour ses collections, Coco Chanel s’inspire de ses voyages, des hommes qui peuplent sa vie et de cette liberté qu’elle revendique. Elle crée ainsi des vêtements pour une femme émancipée et emprunte au vestiaire masculin un bon nombre d’éléments, tel que le tweed, les ganses d’uniformes, les pantalons ou les larges boutons…

La dame de la rue Cambon, qui affiche alors cinquante printemps, se trouve au sommet de sa gloire. Elle a su imposer les bijoux fantaisie, dessiner un total look Chanel, mettre au goût du jour le jersey et le tweed, élargir ses créations aux cosmétiques et révolutionner la garde-robe de l’époque. Dans les années 30, elle est à la tête d’un véritable empire, qui vend 30 000 pièces par an, possède une bonne partie de la rue Cambon et emploie plus de 4000 personnes. Cependant, les aléas de l’Histoire vont contrecarrer cette gloire sans partage.

En 1939, la Deuxième Guerre mondiale éclate. Mademoiselle Chanel ferme sa maison et se fait discrète dans ses appartements de la rue Cambon, puis finit en 1944 par s’envoler vers la Suisse. Cette période offre une vision un peu plus sombre de Gabrielle Chanel, qui apparaît peu encline aux bons sentiments et au patriotisme lorsqu’il s’agit de monnaies sonnantes et trébuchantes.

Lorsque Mlle Chanel revient en 1954, les conflits entre elle et ses associés à propos de la gestion de la société se sont apaisés. Ce sont même les Wertheimer qui permettront à Chanel de ne pas sombrer. En effet le temps à passé, la mode est à Dior et au New Look et le premier défilé de Chanel déçoit. Les Wertheimer rachètent alors l’ensemble de la maison, injectant des capitaux et permettant à Coco Chanel de préparer une seconde collection.

Coco Chanel retrouve alors grâce auprès de la population grâce au soutien infaillible de Hélène Lazareff (rédactrice en chef du magazine Elle) et de l’admiration que lui vouent les Américaines. Coco est à la création, tandis que Jacques - un des fils Wertheimer - dirige la maison d’une main de fer et s’allie à Jacques Helleu ‘récemment décédé), qui fera de la communication l’une des forces de Chanel. À la mort de Coco Chanel (en 1971), la maison habille les grandes de ce monde, mais a perdu son impudence novatrice et révolutionnaire.

Alain Wertheimer n’a jamais voulu céder aux sirènes des franchises ou déléguer l’élaboration de ses parfums à des laboratoires étrangers. Il ne veut pas tromper sa clientèle et mise tout sur l’excellence : rien n’est trop beau pour Chanel.

Cette magie est encore possible, car la société est gérée d’une main de maître. Elle est divisée en trois parties : la mode, les parfums et cosmétiques, et la joaillerie horlogerie. Trois sections qui, si elles sont indépendantes, ne cessent de communiquer afin d’offrir une cohérence stylistique.

De plus, Chanel ne laisse rien au hasard et conserve un œil sur tout. La création se passe rue Cambon, les laboratoires sont à Neuilly, tandis que les points de vente ne souffrent pas la médiocrité, Chanel n’étant distribué que dans des écrins luxe et haut de gamme. Le groupe dispose de cinq centres névralgiques dispatchés sur le globe, afin de gérer au mieux son expansion internationale, avec un accent sur l’Asie.
 

En terme de communication, jusqu’en novembre 2007 Chanel possédait un homme hors pair qui depuis 50 ans réglait « les problèmes de goût » de la maison. C’est ainsi à Jacques Helleu que l’on doit les plus belles campagnes Chanel et les visages de stars assimilées au n°5. Ce grand esthète, amoureux de l’élégance, ne choisit que le meilleur pour Chanel, qui est devenu l’une de ses raisons d’exister. Il collabore ainsi avec Richard Avedon, David Bailey ou Ridley Scott, fait du tournage d’un spot publicitaire une aventure cinématographique, et ne lésine sur rien pour rendre hommage à la frivolité.

Au final, Chanel perdure, entre capitaux privés, Haute Couture (éternel gouffre financier), chic intemporel, adéquation parfaite avec l’air du temps et un couturier plus jeune que jamais, en dépit de ses 70 ans passés. Chanel reste un mystère - né d’une petite Auvergnate - qui a su au fil des années se développer sans perdre de sa saveur, grâce à la volonté de certains hommes hors du commun…