Magazine Cinéma
La Cigale120, boulevard de Rochechouart75018 ParisTel : 0 892 68 36 22Métro : Pigalle / Anvers
Ecrit et interprété par Cyril Garnier et Guillaume SentouMis en scène par Patrice SoufflardLumières de David Chaillot
Infos : Ce soir, 19 juin, le rideau rouge de la Cigale tombera pour la dernière – a priori – des représentations parisiennes du duo Garnier & Sentou. Pour assister à leur spectacle, il faudra désormais soit vous rendre en Avignon où ils se produiront du 7 au 28 juillet au théâtre des Béliers, soit guetter leur passage chez vous lors de leur tournée prévue en province de septembre à décembre 2013. Mais, entre temps, vous pourrez vraisemblablement les retrouver dans une pièce de théâtre qu’ils devraient jouer à Paris à la rentrée 2012…
Mon avis : Pour être honnête, Garnier et Sentou, je les connaissais peu et mal jusqu’à ce que je les découvre dans une pièce, A deux lits du délit, dont ils partageaient la vedette avec Arthur Jugnot. Dans ce vaudeville moderne particulièrement trépidant, ils m’avaient emballé par leur brin de folie, leur dynamisme et leur sens du rythme. Non seulement ils se révélaient excellents comédiens, mais ils étaient sidérants d’énergie. Sous la baguette de Jean-Luc Moreau, ils métamorphosaient parfois cette pièce en un véritable cartoon mâtiné de film burlesque des années 30… Et puis, je les ai retrouvés avec un plaisir sans cesse renouvelé dans leurs prestations télévisuelles dans l’émission de France 2, On n’ demande qu’à en rire, dont on ne sera jamais assez reconnaissant à Laurent Ruquier de l’avoir imaginée puis fait grandir jusqu’à créer une formidable troupe.
C’est donc avec une certaine gourmandise que je suis allé les voir dans LEUR spectacle à eux, à la Cigale. J’avais envie de les voir sur la longueur. Pour cette première soirée de leurs dernières parisiennes, ils recevaient le soutien de certains de leurs juges (Catherine Barma, Eric Métayer) et arbitre (Laurent Ruquier), ainsi que de leurs pairs (Nicole Ferroni, les Kicékafessa). Quant au public, il est patent qu’il est presque entièrement composé de téléspectateurs fidèles de l’émission. C’est un public différent de celui des habitués des salles de théâtre car il se croit toujours dans son salon face au petit écran. C’est-à-dire, qu’il est plus réactif, moins policé donc plus turbulent. C’est un public chaud qui n’hésite pas à faire ses réflexions tout haut et à donner son avis. Ce public-là est né avec la Star Academy. Il faut donc apprendre à le gérer et savoir pratiquer l’interactivité. Chose que Garnier et Sentou maîtrisent à la perfection.
Lorsque, un peu plus haut, j’utilise les mots de « cartoon » et de « film burlesque », je crois que ce sont les deux piliers sur lesquels Garnier et Sentou on construit leur univers. Déjà, leur entrée en scène est surprenante. C’est celle de deux gymnastes qui se livrent à quelques exercices d’échauffement. Quand on se prête à ce genre d’acrobaties, c’est signe que l’on fait entièrement confiance en son partenaire, qu’il saura vous tendre la main et vous renvoyer la balle au bon moment. Entente physique donc et entente spirituelle. Car ces deux là s’entendent comme larrons en foire. Leur complicité est jouissive et communicative. Pourtant, ils commencent leur spectacle avec un différend d’ordre artistique qui les amène à une sévère dispute. Tout cela pour nous amener à leur premier sketch, celui de « La Baignoire ». On entre de plain-pied dans l’absurde. Ça ne veut absolument rien dire, ça n’a ni queue ni tête, mais les images que ça engendre sont savoureuses et les jeux de mots qui l’émaillent sont d’un très, très bon niveau. C’est un exercice de style qui nécessite une grande virtuosité dans le timing…
Les dix sketchs qui suivent nous entraînent dans un monde qui leur est propre. Il y a de la musique et des chansons avec des détournements de tubes sur le thème de la maladie dans lesquels on découvre le vrai talent vocal de Sentou (voix chaude et mélodieuse). Il y a le goût du travestissement avec une certaine Stéphanie Garnier enjôleuse, entreprenante et bêtasse à souhait. Il y a une page scientifico-saugrenue avec le mode de fonctionnement en coupe des cordes vocales qui donne lieu à un numéro très visuel. Comme ils sont très physiques, le visuel est primordial dans leur spectacle, il compte autant que les mots… Ce qui les amène tout naturellement à une séquence chanson de gestes. Un simple panneau leur suffit derrière lequel ils se livrent à une série de gags exclusivement visuels (nous y revoici), puis qui se transforme en un urinoir propice à une rencontre croquignolette entre un fan et une star du sifflement… Toujours aussi visuel, suit un sketch entre un pseudo ventriloque et sa marionnette aux désirs d’indépendance, ce qui, une fois encore, permet à Sentou de faire preuve d’une incroyable souplesse et maîtrise corporelle… Ce qui est épatant avec eux c’est que, même quand leur texte est moyen, ils réussissent à la sublimer par leur jeu, leur loufoquerie, leur prodigualité… Après avoir joué aux petits soldats chargés de surveiller la salle tout en se livrant à des réflexions à volonté intellectuelles sur l’art ou sur d’autres thèmes, ils nous proposent un de leurs trois meilleurs sketchs (avec la Baignoire et la 3D), celui que l’on pourrait baptiser « le coming-out ». C’est Pagnol qui quitte le Château de sa mère pour le Stade Vélodrome, c’est César qui est devenu supporter de l’Ohême. Un grand moment de comédie pure, dans lequel on boit de la petite (cane)bière… Pour le dernier numéro, place aux filles ; deux nunuches plus vraies que nature qui se préparent pour le mariage de leur copine Cléo en égrenant un chapelet de niaiseries et de banalités et répètent leurs chorégraphies en prévision de la soirée dansante.En guise de rappel, ils terminent leur show avec ce qui est déjà devenu un véritable tube, la 3D. On l’a vu sur France 2 et au Casino de Paris et on ne s’en lasse pas tant c’est original, inventif et cocasse.
Et c’est une salle spontanément debout qui remercie ces deux énergumènes autant pour leur humour et leur générosité que pour la sympathie qu’ils dégagent.Garnier et Sentou s’inscrivent dans la tradition des duos comiques français comme Roger Pierre et Jean-Marc Thibault, les Frères ennemis, Chevallier et Laspalès… Ils ont chacun leur personnalité, leur registre. Ça fonctionne parfaitement. Et ils sont tellement complices et heureux d’être ensemble qu’on peut parier qu’ils sont là pour un sacré bout de temps. D’autant qu’ils n’ont pas fini de grandir… et de nous surprendre.