L'aveuglement se poursuit en Europe avec le traité TSCG

Publié le 19 juin 2012 par Raphael57

Les dirigeants politiques de l'Union européenne s'obstinent à mettre en place une austérité généralisée, seule à même de sauver la construction européenne selon eux. Dit autrement, la grande saignée débouchera sur un renouveau de l'Europe car les citoyens retrouveront confiance dans cette Union européenne désendettée et mise au pas par les traités.

Malheureusement, tout ceci relève de la fable et le nouveau Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG, dit Pacte budgétaire) s'annonce déjà comme un instrument qui portera l'estocade à la zone euro... J'en avais rendu compte dans ce billet où j'expliquais qu'il s'agirait d'un accord intergouvernemental - imposé par la France et l'Allemagne - engageant les 17 États-membres de la zone euro et quelques volontaires kamikazes.

Il s'agit encore une fois du mauvais diagnostic (dette publique, quand tu nous tiens...), ce qui nous conduira toujours plus loin dans les mauvais remèdes et donc vers le précipice ! Pourtant, même le célèbre fossoyeur de la livre sterling, George Soros, ne cesse de répéter comme dans cet article paru dans Le Monde que "la politique des dirigeants actuels mène à un désastre. L'euro menace de détruire l'Union européenne et avec les meilleures intentions, les dirigeants sont en train de mener l'Europe à sa perte en essayant de préserver et d'imposer des règles inappropriées".

Qu'est-ce que le TSCG ?

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), également appelé pacte budgétaire européen, doit permettre de préserver la stabilité de la zone euro. Signé le 2 mars 2012 par les chefs d'État et de gouvernement, il entrera en vigueur le 1er janvier 2013 si au moins 12 membres de la zone euro le ratifient. Il fait suite au précédent sommet-européen-de-la-dernière-chance qui avait débouché en novembre 2011 sur un Pacte de stabilité et de croissance renforcé comprenant 6 actes législatifs, le "six-pack", qui prévoit un contrôle très rigoureux des budgets nationaux et des sanctions automatiques en cas de non respect des engagements.

Concrètement, le TSCG doit renforcer la discipline budgétaire au sein de la zone euro avec pour objectif d'aboutir à l'équilibre des budgets nationaux. Pour y parvenir, le traité prévoit l'instauration d'une règle d'or budgétaire dans chaque État : le déficit structurel (dont la mesure est très difficile) ne devra ainsi pas dépasser 0,5 % du PIB, objectif dorénavant gravé dans la Constitution ! En cas de manquement, la Cour de justice de l'Union européenne sera autorisée à prendre des sanctions pouvant atteindre 0,1 % du PIB.

Le TSCG prévoit également une coordination et une convergence des politiques économiques qui passera par l'obligation faite aux États de "communiquer leurs plans nationaux d'émissions de dette publique et de s'assurer que les grandes réformes économiques qu'ils envisagent d'entreprendre soient débattues au préalable et, au besoin, coordonnées". C'est tout simplement une perte de souveraineté mais sans volonté de créer un véritable fédéralisme européen.

Quels sont les pays qui ont déjà ratifié le TSCG à ce jour ?

Au mois de juin 2012, les signataires sont la Grèce, le Portugal, la Slovénie, la Suède, le Danemark, la Lettonie, la Roumanie, et très récemment l'Irlande par voie référendaire. Cliquez sur la carte ci-dessous pour l'agrandir :

[ Source : www.touteleurope.eu ]

Quelle est la position française ?

Lors de la campagne présidentielle, François Hollande avait annoncé sa volonté de renégocier le Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) pour y ajouter des dispositions relatives à la croissance. Mais cela soulève plus de questions qu'il n'y paraît. Tout d'abord, quelles mesures le nouveau Président français envisage-t-il ?

D'après les indiscrétions relayées par les médias, François Hollande envisagerait l'injection de 120 milliards d'euros pour relancer l'activité économique en Europe : 60 milliards d'euros de la Banque européenne d'investissement, 55 milliards de fonds structurels et environ 5 à 10 milliards de project bonds, des emprunts communs lancés par plusieurs États européens pour financer de grands chantiers privés. Ces propositions, contenues dans un document subtilement appelé "Pacte pour la croissance en Europe", devraient servir de base de travail lors du sommet européen des 28 et 29 juin. Présentation en image avec la vidéo ci-dessous :


Que peut-on espérer d'une modification du TSCG ?

Très honnêtement pas grand chose, d'autant qu'Angela Merkel est contre toute modification substantielle (et donc utile) de ce traité. Le pire est certainement que la croissance pensée par les technocrates européens ne répond ni aux impératifs sociaux ni aux impératifs écologiques. A Bruxelles on continue à penser la croissance en termes monétaires, sans réflexion sur les inégalités, l'épuisement des ressources naturelles, la précarisation de l'emploi, etc.

Quant aux projets soutenus par les project bonds de François Hollande, que pèseront-ils face à l'énorme récession qui fera suite à l'austérité généralisée que l'Union européenne est en train d'installer ? Et comment réagiront les marchés financiers qui restent toujours maîtres de la situation, les emprunts se faisant auprès d'eux ? Quant aux questions de légitimité démocratique, tout reste à faire...

En définitive, en fait de refonder la zone euro, ce traité aboutira à la mise à mort de la construction européenne, puisque ce seront bientôt tous les États membres de la zone euro qui connaîtront les mêmes difficultés. La grande saignée économique vient de commencer !