J’ai le bon blues.
Tam-tam. Tam-tam. Ça c’est le bruit de mes doigts qui tapotent. Je ferme un œil à cause du soleil, mes lunettes ont quelques failles. La rythmique de cette musique secoue mes oreilles. C’est du blues, mais du bon blues. Pas celui que tu connais. Pas celui qui te fait vider ton verre. Mais mon blues. Il te fait sourire, et accessoirement te fiche des crampes aux joues. Tu te caresses les cheveux, tu les tires, tu les enroules. Et même que tu peux te gratter la barbe si t’en a une. Mon blues, il me parle. Il me raconte. Des fois il me chuchote sans que je comprenne. Mais ça c’est pas vraiment important. Ce qui l’est en revanche, c’est ce qu’il me fait. Je repense et je revois.
Curieux comme tableau : je prends le bus, et je souris. Je ne dois pas être honnête comme gars. Au lieu de ronger mon frein, je desserre mes rides, je penche la tête et… toi aussi tu l’as eu. Ce moment. Tu te sens pas non plus le roi du monde, mais tu sais que t’en es pas loin. Tu viens d’aider quelqu’un, de terminer ta journée, de voir ta môme ou encore de bécoter ta brune. Tu as beau te poser les questions que tu veux quand tu veux, maintenant c’est juste ton moment. Tu regardes tes inconnus, qui partagent ton bus, ton oxygène, ton sourire parfois, et ton soleil. Celui qui se faufile à travers les vitres, il apparaît au gré des virages, des rues aux bâtiments beaucoup trop haut, et de pauvres arbres dépouillés. Je me caresse les mains, je compte mes grains de beautés, et j’imagine même la vie de mes inconnus. Mes compagnons à usage unique. J’ai le regard facile. Je pourrais tendre la main même si on me la refusait. Et je dirais que cela ne fait rien, que j’en ai assez pour deux. Je tiens la porte à ceux qui n’ont pas payé leurs tickets, dans le genre gentleman. Je fredonne, je chantonne, toujours faux, mais cette fois on dirait que ça a du sens. J’écoute la même musique en boucle, parce qu’aujourd’hui je ne pouvais en écouter une autre. Et puis le sourire ne me quitte pas. On pourrait me prendre pour un niais, mais si c’est le cas et que ça les fait doucement sourire, alors j’ai gagné.
J’ai le blues, mais le bon blues.
Nathan O.