Car la crise des dettes publiques est aussi celle d'un système démocratique essoufflé, resté au milieu du gué de la construction européenne. Il n'y a pas eu en l'espèce de transfert de souveraineté des Etats vers une entité supranationale mais une perte en ligne pure et simple au bénéfice d'une technostructure, la Commission, érigée en temple de l'ultra-libéralisme et de la dérégulation. Or on voit aujourd'hui où conduit la perte du droit national à battre monnaie au profit d'une banque centrale européenne indépendante de tout contrôle politique. Que peuvent faire dans la tempête des Etats manchots, amputés de leur bras financier quand l'élargissement à tous crins a rendu impossible au-dessus toute prise de décision ?
D'économique, le chaos peut basculer à démocratique. Quelle liberté dans le choix entre une cure d'austérité sans précédent et une faillite synonyme de ruine ? A force d'écraser les peuples et de leur affirmer que la puissance publique ne peut rien contre les banques et les marchés, on prend le risque de voir fleurir les nationalismes et leurs dérives. L'émergence d'un parti néo-nazi en Grèce est loin d'être anecdotique. Ses 24 députés au parlement d'Athènes attestent que le mouvement n'est ni d'humeur ni folklorique.
La faiblesse du personnel politique grec ne doit pas occulter la médiocrité des dirigeants européens. A défaut de bouclier protecteur, l'Europe est désormais perçue comme un glaive au service de l'usurier. Au passage, le sentiment d'appartenir à une communauté de destin continentale s'étiole. Reste alors le repli et la nostalgie sur des heures de gloire et de bonheur perdues. Dans ce contexte si le déroulement pacifique d'élections dans un pays à genoux doit être salué, il convient de garder à l'esprit que rien n'est acquis, surtout pas le mince vernis démocratique. Ventre affamé, dit-on, n'a point d'oreilles.