Plus jamais

Par Vertuchou

    Plus jamais de chambre pour nous,
   Ni de baisers à perdre haleine
   Et plus jamais de rendez-vous
   Ni de saison, d'une heure à peine,
   Où reposer à tes genoux.
   Pourquoi le temps des souvenirs
   Doit-il me causer tant de peine
   Et pourquoi le temps du plaisir
   M'apporte-t-il si lourdes chaînes
   Que je ne puis les soutenir ?
   Rivage, oh ! rivage où j'aimais
   Aborder le bleu de ton ombre,
   Rives de novembre ou de mai
   Où l'amour faisait sa pénombre
   Je ne vous verrai plus jamais.
   Plus jamais. C’est dit. C'est fini
   Plus de pas unis, plus de nombre,
   Plus de toit secret, plus de nid,
   Plus de lèvres où fleurit et sombre
   L'instant que l'amour a béni.
   Quelle est cette nuit dans le jour ?
   Quel est dans le bruit ce silence ?
   Mon jour est parti pour toujours,
   Ma voix ne charme que l'absence,
   Tu ne me diras pas bonjour.
   Tu ne diras pas, me voyant,
   Que j'illustre les différences,
   Tu ne diras pas, le croyant,
   Que je suis ta bonne croyance
   Et que mon coeur est clairvoyant.
   Mon temps ne fut qu'une saison.
   Adieu saison vite passée.
   Ma langueur et ma déraison
   Entre mes mains sont bien placées
   Comme l'amour en sa maison.
   Adieu plaisirs de ces matins
   Où l'heure aux heures enlacée
   Veillait un feu jamais éteint.
   Adieu. Je ne suis pas lassée
   De ce que je n'ai pas atteint.
   Louise de Vilmorin