Pour faire suite à l’étude menée par la Banque Centrale du Luxembourg, les établissements réfléchissent aux pistes pour devenir plus liquides et respecter les exigences du Liquidity Coverage Ratio qui permet de s’assurer que les banques détiennent suffisamment d’actifs liquides dans leur bilan pour leur permettre de faire face à une ruée sur les dépôts ou à un retrait important de trésorerie et du Net Stable Funding Ratio qui compare les ressources financières stables dont disposent les banques avec leurs besoins de financement stables, y compris les éléments hors bilan.
La crise financière et les normes prudentielles bancaires dites de Bâle III placent donc aujourd’hui la liquidité au cœur des préoccupations des banques. En effet, le respect des nouveaux ratios de liquidité impose une gestion de la liquidité à court et à long terme, Bâle III visant à garantir la capacité des établissements financiers à faire face à une crise de liquidité de 30 jours tout en exigeant que les emplois à long terme des banques soient adossés à des ressources longues. Les établissements financiers doivent ainsi identifier l’ensemble des options à leur disposition afin d’augmenter la part d’actifs liquides, susceptibles d’être vendus en cas de nécessité.
Pour rappel, l’étude d’impact quantitatif du CEBS indiquait que la contrainte de liquidité à court terme n’est satisfaite qu’à 66,5 % pour les banques de l’Union européenne et que sa réalisation implique la réallocation de près de 1 000 milliards d’euros de ressources ou d’actifs liquides. Quant au NSFR, il est aujourd’hui satisfait à 91,1 %, mais sa pleine réalisation exigerait environ 1 800 milliards d’euros de financement long pour les banques européennes.
Les OPCVM monétaires et l’assurance en ligne de mire
Même si l’ensemble des composantes entrant dans le calcul des ratios ne sont pas totalement figées, les grandes lignes directrices ont permis aux établissements financiers d’établir des schémas directeurs afin de devenir plus liquides, et ceux-ci ont entrepris de nombreuses opérations en ce sens. Cependant, le système financier présente un certain nombre de spécificités qui rendent ces opérations complexes, tels le recours substantiel au marché interbancaire, l’importance des fonds monétaires et surtout les faibles dépôts au profit des produits d’assurances vie et des OPCVM monétaires. Les établissements bancaires sont ainsi amenés à revoir leurs stratégies.
Le premier axe identifié par l’ensemble des acteurs porte sur l’activité de détail (retail). Une analyse du bilan des principaux acteurs financiers montre qu’aujourd’hui une partie des flux d’épargne peuvent être concentrés sur les produits d’assurance vie et les OPCVM monétaires. Ainsi, les différents acteurs étudient un processus permettant l’intégration des produits d’assurance vie (pour tout ou partie) dans le bilan, en combinant par exemple ces produits à d’autres, plus liquides. Pour rappel, les produits d’assurance-vie étant investis en immobilier, obligations et autres actions, n’entrent pas dans le calcul des nouveaux ratios de liquidité. Concernant les OPCVM, certains acteurs ont déjà lancé des ateliers relatifs à la création de nouveaux OPCVM de trésorerie, légèrement plus longs que les OPCVM monétaires (SICAV ou FCP à durée courte) et investis notamment dans des titres comme des certificats de dépôts puttable pouvant être intégrés au sein des deux nouveaux ratios de liquidité.
Une quête des dépôts en marche
Un autre levier, plus visible, s’appuie sur des innovations marketing via la création de nouveaux produits, la mise en place de prime de fidélité ou la généralisation des comptes à vue rémunérés comme produit d’appel, notamment sur le segment des banques en ligne. Les nouveaux produits proposés rivalisent d’ingéniosité afin d’accélérer le processus de collecte et de renforcer sa stabilité dans le temps. D’autres réflexions abordent la « rénovation » de produits existants comme les comptes à terme (CAT) ; elles proposent de s’appuyer sur une combinatoire « diversification / intensification » de l’offre et une augmentation des rémunérations accordées aux déposants. Les livrets à taux boostés sont dorénavant monnaie courante ; ils visent à capter une épargne dormante ou disponible chez les concurrents. Le bilan de l’ensemble de ces manœuvres, incitant une collecte de masse et stable.
Parallèlement à l’industrie du retail, la banque privée dispose quant à elle d’axes de développement particulièrement prometteurs. En effet, l’excédent de liquidité dans l’activité de gestion de fortune est structurel à cette industrie. Des réorganisations sont actuellement en cours afin de coordonner les stratégies des acteurs financiers. Les banques se sont également fixées comme objectif de capter la trésorerie des entreprises afin de capter une manne financière non négligeable et stable dans le temps.
Des marges de manœuvre sur l’offre de crédit
Cette quête des dépôts, et plus largement l’allongement du passif, aura indéniablement un coût pour les banques qu’elles répercuteront en augmentant le coût du crédit. En effet, afin de détenir des ressources de même durée que leurs crédits les établissements financiers évoquent à demi-mots une revue de l’actuel « modèle de transformation ». La transformation financière correspond actuellement à l’utilisation de ressources à court terme afin de financer à long terme des investissements (crédits, obligations) tout en permettant de baisser le coût des financements longs, les taux d’intérêt à court terme étant généralement plus faibles que les taux à long terme. Elle permet aussi d’en accroître le volume car l’offre d’épargne longue est limitée. Un raccourcissement de la maturité des prêts accordés n’est donc pas à exclure.
Une diversification des modes de refinancement
Outre les dépôts, certains établissements de crédit refinancent leur activité via l’émission d’obligations sécurisées de type covered bonds. Ces mécanismes, qui s’apparentent à une titrisation des créances à l’habitat, permettent un accès à la liquidité à des conditions privilégiées. Ils sont par ailleurs particulièrement demandés : la qualité du sous-jacent et le contrôle opéré par le régulateur (via le contrôleur spécifique) offrent une garantie aux investisseurs. Après un déclin durant la crise, le montant annuel des émissions a crû de 25 % entre 2008 à 2011, passant de 206 milliards à 253 milliards d’euros. Le nouveau cadre réglementaire Bâle III contribuera au développement de ce marché : la détention à l’actif de covered bonds non auto émis impacte en effet positivement le LCR.
Certaines institutions financières ont récemment émis des titres hybrides : les contingent convertible bonds ou CoCos. Ces obligations ont pour particularité d’être automatiquement converties en capital si le ratio de Tier1 devient trop faible. Quoiqu’hésitants, les établissements financiers considèrent avec intérêt ce type de produits qui permettent d’alléger la charge de la dette en cas de difficulté. Aussi, dans une proposition datée du 1er mars 2012 sur CRD 4 (règlement qui traduit Bâle III dans le droit européen), le Conseil des ministres suggère que certains titres, dont les RMBS (obligations adossées à des titres hypothécaires résidentiels), puissent être considérés comme des actifs liquides.
La majorité des établissements financiers ont anticipé la mise en place des deux reportings réglementaires à transmettre au régulateur, à partir de 2015 pour le LCR (liquidité court terme) et de 2018 pour le NSFR (liquidité structurelle). Cependant, les orientations actuelles soulèvent un certain nombre de questions et de problématiques comme le durcissement de la politique d’octroi qui risquerait d’avoir un impact sur l’affectation de la distribution du crédit et la répercussion de la hausse du coût de la liquidité aux clients finaux.
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