Ephra Kazadi
Ephra Kazadi, un nom qu’il faudra vous habituer à entendre et lire dans les prochains mois. Avec un physique de joueur de basketball, ce congolais de 33 ans a surpris bon nombre de la diaspora à l’annonce de son projet de fonds d’investissement. Diplômé d’un M.B.A obtenu à l’université de New York, Mr Kazadi, a comme beaucoup eu un parcours classique. De l’obtention d’un Bac en économie, un BTS commerce international à son diplôme de l’ESG, Ephra n’a jamais cessé de chercher à être le meilleur. A 19 ans, Ephra comprend déjà que le monde de l’entreprise ne correspond pas à sa fibre entrepreneuriale, alors rien d’étonnant que de le retrouver dans cette nouvelle aventure à Wall Street.
Voici l’entretien qu’il nous accordé.
Comment était l’élève Ephra Kazadi ?
- Je n’étais pas un très bon élève. Disons que j’étais le genre d’étudiant qui doit travailler pour obtenir des résultats. Tout le contraire de ma petite sœur qui n’avait besoin de ne fournir aucun d’efforts pour obtenir de très bons résultats.
Comment aviez-vous financé vos études ?
- Il faut savoir que c’était une période difficile pour notre famille. Mon oncle qui devait financer ma scolarité venait de décéder et il fallait trouver des solutions. Ma mère qui avait un peu d’économie avait payée 4000 euros des 7000 euros que l’école me réclamait par an. Heureusement que je bossais ici et là. C’est ainsi que j’avais pu payer de moi-même les 3000 euros restant. La dernière année des trois ans que dure l’école de commerce, je m’étais de nouveau retrouver avec une facture de 3000 euros. L’école avait refusé de me donner mon diplôme si je ne soldais pas ma dette. Au bureau, ils m’avaient montrés mes notes et confirmer l’obtention du diplôme. Heureusement pour moi que je travaillais. J’avais fait les Call-Center, les vendages… Voilà comment j’avais pu payer mes études et récupéré mon diplôme.
Parlez-nous de votre expérience américaine.
- Quand j’étais en BTS Commerce International il nous fallait faire un stage à l’étranger. J’avais obtenu le mien dans une grande maison de disque qui s’appelait Loud Records- Sony Music et je travaillais pour le vice-président. C’était énorme. J’habitais à Harlem et pour une fois je n’avais pas l’impression d’être diffèrent. Je n’étais plus l’africain, le noir…en tout cas je vous parle de la mentalité Newyorkaise. Et bizarrement je n’étais plus l’africain mais LE français. Quel paradoxe ? Après mon stage je me fait la promesse de revenir dans cette ville.
Votre premier business ?
- On habitait en province et dans le quartier personne n’avait de tondeuse électrique. Ma mère nous avait offert une tondeuse à mon frère et moi. Après un court apprentissage sur la tête de mon frère, Je me suis mis à coiffer tous les amis puis tout le quartier, prestations que je facturais 30 francs (Ndlr : environs 5 euros). J’étais énormément fière de moi. J’avais compris tout de suite que je pouvais gagner de l’argent avec une simple tondeuse. La fibre entrepreneuriale se travail très jeune. Je ne pense pas que ça soit inné mais j’ai commencé très tôt et j’ai su le développer. J’essaie de transmettre cela à mes neveux et nièce qui ont 8 et 9 ans pour qu’ils sachent comment fonctionne le monde de l’entreprise.
Ne pensez-vous pas que ça soit un peu trop tôt pour parler à des jeunes enfants de ce qu’est une banque de financement ?
- Non pourquoi ? On forme bien des joueurs de foot ou de tennis dès l’âgé de 7, 8 ans. Et pourquoi pas la finance !
Qu’est-ce qui vous avait poussé à faire cette formation dans le diamant et comment êtes-vous arrivé à Mbuji Mayi ?
- Je m’étais toujours dit que si je devais créer une affaire en relation avec le Zaïre aujourd’hui RD Congo cela serait dans le diamant. C’est là que j’ai pris conscience de l’importance et de la chance d’avoir fréquenté des bonnes écoles au sein des quelles j’ai pu connaitre des amis socialement très bien implantés et surtout avec une force financière qui permet de se lancer dans les affaires. Lorsque j’informe mon frère et mon père de mon souhait de travail dans les diamants au Congo, ils me rappellent tout de suite à l’ordre et me propose de faire d’abord une formation, pour éviter les arnaques que d’autres avaient pu connaitre dans le passé. Je décide donc de me rendre à Anvers dans le but j’apprends de manière théorique ce que c’est le diamant. J’arrive à Mbuji Mayi fin 2004. J’ai eu de la chance j’avais du capital et j’étais arrivé à une période ou l’activité était bonne. Les affaires tournaient très bien. J’exportais de Mbuji Mayi à Kinshasa, Kinshasa- Paris ou Anvers. Et je peux vous dire que j’avais énormément d’audaces. Un diamantifère marge en général à 30-40%. Et pour ma prière transaction j’avais margé à 60%. Pas mal non ? (rire). J’avais cru que ça allait toujours être le cas alors que non. C’était la chance du débutant.
Quel était votre principale activité à Mbuji Mayi ?
- Je faisais uniquement du trading de diamants. J’achetais sur place et je revendais à Anvers, puis à New York.
Que retenais-vous de ces trois années passées à Mbuji Mayi ?
- Sur le plan humain, c’était très important pour moi car j’étais le premier de ma génération à retourner au village. Je dis bien au village. Il faut savoir que Kinshasa n’a strictement rien avoir avec les autres villes à l’intérieur du pays. Pour moi, il y aura toujours un avant Mbuji Mayi et un après. J’énormément gagner de maturité. J’ai développé une autre vision des affaires. Cette étape m’a totalement changée en tant qu’individu. J’ai énormément aimé ça. J’ai malgré tout un pincement au cœur quand je pense aux 17 personnes qui travaillaient pour moi et que j’avais dû quitter. Vous savez rémunérer 17 personnes au Congo, c’est nourrir quasiment 50 personnes. Alors vous imaginez ma peine ?
Vous revenez en France avec tout de même une forte perte d’argent. Comment aviez-vous réussi à rebondir ?
- Avec mon diplôme j’avais pu très vite trouver un emploi chez CA Lyon (Ndlr : Crédit Agricole). Mais en moins d’une semaine j’avais démissionné. Ce qui avait rendu ma famille folle de rage. Comme je l’ai déjà dit, le bien fait des grandes écoles c’est de pouvoir se faire un très bon carnet d’adresse. J’avais réussi mes examens d’entrée dans les universités américaines et surtout j’avais compris les exigences de ces universités. Alors je me suis mis à aider mes amis d’école qui souhaitaient obtenir un diplôme américain, en préparant leurs dossiers et lettres de motivation. Vous savez lorsque vous rendez ce type de service on sait comment vous remercier.
Aujourd’hui la presse économique parle de vous et de votre future entreprise K&A Private Equity. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
- K&A est un fond Private Equity, c’est en quelque mot, de la finance d’entreprises par opposition à la finance des marchés. La finance des marchés correspond à la bourse tandis que la finance des entreprises être constituée par des fonds d’investissement, des fonds privés qui investissent dans des entreprises privées parce que le rendement est souvent plus intéressant. K&A va principalement investir dans le secteur que je maitrise le mieux, les mines. Dans la région que je connais le mieux, l’Afrique.
Quel type de projets endossera votre fond d’investissement ?
- Quand on a créé K&A avec mes partenaires, nous avions décidés de nous spécialiser dans trois secteurs : Les investissements miniers, l’Agro-business (céréales, viandes…) et la Construction (matériaux, cimenterie…).
Il existe des nombreux fonds qui investissent en Afrique, quels sont les avantages qu’offre K&A par rapport aux fonds existant ?
- Les vrais champions d’Afrique en termes d’investissement c’est ECP (Emerging Capital Partners). C’est à un camerounais qui était le premier à lever plus d’1,8 Milliards de dollar. Ces types de fonds ne font pas le même travail que nous. Eux accompagnent des entreprises plus pérennes tandis que nous, nous sommes dans la phase en dessous. Nous allons aider les entreprises à se développer. Ces fonds sont des généralistes. K&A est un fond spécialisé. Nous allons faire ce que nous connaissons le mieux. Les mines, l’agrobusiness et la construction.
L’économie africaine est gan-grainer par la corruption et la mauvaise gouvernance. Comment allez-vous, vous y prendre pour convaincre les investisseurs?
- Nous avons anticipé tous ces aléas qui polluent les affaires en Afrique, mais il ne faut pas s’arrêter aux stéréotypes, il faut continuer à y croire et à investir car beaucoup investissent et réussissent en Afrique. Comment font-ils ?
Quelle est votre ambition sur le long terme ?
- Notre objectif est d’obtenir un taux de rendement autours de 25% brut sur les investissements que nous ferons. Mais on a vraiment un positionnement diffèrent des autres fonds car nous sommes nous en phase middle, c.-à-d. Midlle Market. K&A arrive dans les sociétés en phase de développement et non en phase de création ou même en phase projet. Notre métier sera d’identifier les entreprises qui ont un certain potentiel de croissance dans les secteurs qui nous intéressent. Notre spécialisation sera d’aider les sociétés qui ont un besoin de développement.
A quelle étape est le projet K&A ?
- Nous sommes en phase de lever de fonds. Le première closing est prévu pour le mois de février 2013. Nous espérons lever cent millions de dollars. Un autre closing aura lieu vingt-quatre mois plus tard ou nous comptons lever un demi-milliard soit 500 millions de dollars supplémentaires, portant ainsi la valorisation total de notre fonds à six cent million de dollar.
Quel sont les pays visés ?
- Nous n’avons pas de pays de prédilection mais des secteurs d’activités. Ce qui nous importe c’est le secteur. S’il faut investir dans les mines, nous irons en Afrique du Sud, en RD Congo ou en Angola… Pour ce qui est la construction, nous irons au Ghana, au Nigéria… et pour l’agriculture il y a le Maghreb.
On a plus l’habitude de lire le nom d’un autre Kazadi dans la presse. Et souvent dans des actions combattantes et révolutionnaires. Que Pensez-vous des actions de votre frère Rex ? Pensez-vous que l’activité votre grand frère peut porter atteinte à vos activités sur le marché de Wall Street ?
- Il faut savoir distinguer les choses. Mon frère a choisi la voix de la politique. C’est une bonne chose. C’est son choix et je le respecte. Moi je fais du business. Non, je ne pense pas que mon frère mette mes affaires en danger. Qui aujourd’hui peu refuser un investisseur qui apporte dix millions pour prendre une participation dans une affaire ? Aujourd’hui encore plus que hier ces pays ont besoins de capitaux, on apporte également un savoir-faire.
Est-ce que l’éventualité de faire appel à l’épargne de la diaspora serait une piste à envisager ?
- Non pas du tout ! K&A est un fond américain, destiné aux professionnels, pas aux particuliers. Ce n’est pas un fond congolais. C’est très important de le comprend. Ce n’est pas pour rien que nous serons à Wall Street.
Quel sera l’impact de vos investissements sur les populations locales ?
- Du travail ! Du travail !!! L’Afrique n’a pas besoin d’importer du riz ou je ne sais pas quoi. On a besoin de travail. On n’a pas besoin de western union. Nous notre moteur est K&A devellop corporation, devellop contry, devellop continent.
On parle souvent de permettre aux africains (diaspora ou pas) de se réapproprier leur économie en étant investisseurs-bénéficiaires. Quel est ton point de vue ?
- Il faut développer l’esprit d’entreprise. Une meilleure formation. Il manque énormément des excellents managers à l’Afrique. Des personnes qui ont du leadership, intelligents et surtout honnêtes.
Avez-vous un message à tous les jeunes qui voudraient vous ressembler ?
- Il faut absolument croire en soit. « Sky is the limit ». Il faut toujours se dire que la solution vient de soit même. J’ai peut être eu une chance, c’est d’avoir beaucoup voyagé et avoir épousé la philosophie américain pour ce qui est du monde du travail. « Sky is the limit ».
Entretien réalisé par Roger Musandji
Source: Oeil d’Afrique