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Une chinoise dans l'espace (J Pellistrandi)

Publié le 18 juin 2012 par Egea

Merci à Jérôme Pellistrandi pour cet article qui, au-delà de la première taikonaute, illustre les ambitions spatiales chinoises. O. Kempf

Une chinoise dans l'espace (J Pellistrandi)
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Le lancement réussi ce samedi 16 juin 2012 du vaisseau Shenzhou 9 avec la première taïkonaute chinoise –une jeune pilote de chasse âgée de 33 ans, Liu Yang - est un nouveau succès géostratégique pour Pékin. Ce tir avait été annoncé et témoigne ainsi de la complète maîtrise du vol habité par la Chine. Certes, ces techniques sont maîtrisées par les USA et la Russie depuis cinquante ans désormais. Mais à l’heure où les Etats-Unis sont en rupture de lanceur habité avec le retrait des navettes depuis l’année dernière, seules la Russie et la Chine sont capables de lancer des hommes dans l’espace. Certes, le vaisseau chinois Shenzhou reste très classique quant à sa conception et s’inspire directement des Soyouz russes. Il n’en demeure pas moins vrai que la constante de la politique spatiale de Pékin est exemplaire.

Ce n’est que le 24 avril 1970 que la République populaire envoie son premier satellite dans l’espace. Il y a alors un indéniable retard avec l’URSS, en raison d’une part de la rivalité des deux puissances communistes, mais aussi en raison des lacunes scientifiques et technologiques de l’industrie aérospatiale chinoise. Avec l’arrivée au pouvoir de Deng Tsiao Ping en 1978, l’espace devient une priorité stratégique comme facteur de puissance et d’autonomie. Une trentaine d’années après, tous les objectifs fixés alors ont été atteints. Très vite, la symbolique du vol habité s’est imposée comme centrale dans la mesure où ce type de vol est très exigeant et oblige donc à avoir la meilleure technologie possible. Sur des bases très éprouvées, s’inspirant des techniques soviétiques puis russes, l’agence spatiale chinoise a progressé étape par étape et de façon très méthodique. Ainsi, le premier lancement de la capsule Shenzhou – ce qui signifie « vaisseau divin »- a eu lieu en 1999. Le premier Taïkonaute (l’équivalent chinois du cosmonaute russe ou de l’astronaute américain) effectue un vol le 15 octobre 2003, soit plus de quarante ans après Gagarine, mais offre ainsi un triomphe populaire à son pays. Depuis, la Chine a procédé très prudemment à plusieurs lancements habités en octobre 2005 avec 2 passagers, puis en septembre 2008 avec la première sortie extravéhiculaire depuis le vaisseau spatial qui transportait 3 Taïkonautes.

L’étape suivante se veut beaucoup plus ambitieuse avec la mise en orbite en septembre dernier d’un premier élément test de station spatiale Tiangong 1. Le tir de ce matin avec un rendez-vous prévu entre la station et le vaisseau confirmera la maturité atteinte. Nul doute que la présence d’une jeune femme va hautement contribuer à renforcer l’intérêt médiatique et la fierté du peuple chinois. Il faut souligner d’ailleurs que Pékin a très bien perçu la nécessité de cette approche, puisque la jeune pilote a connu un entraînement au final très court, à peine 2 ans.

Certes, le vol n’est pas achevé et la phase de retour sur terre est toujours une manœuvre délicate. Cependant, ce succès conforte la Chine comme puissance spatiale majeure, tant en Asie que par rapport aux Etats-Unis. Il est à souligner d’ailleurs que l’Inde, dans sa rivalité géopolitique avec la Chine, perçoit son propre retard dans l’espace comme une humiliation qu’il conviendra de lever. Ce tir contraste également avec le fiasco nord-coréen de lancement d’une fusée qui avait bénéficié d’une forte couverture médiatique et qui s’était pas un échec retentissant au bout de 2 minutes de vol.

Nul doute que les prochaines étapes annoncées par Pékin seront tenues avec l’assemblage d’une véritable station orbitale s’inspirant des Saliout soviétiques et que l’envoi de Taïkonautes sur la Lune d’ici une décennie ne relève plus de la science fiction mais bien d’un programme spatial cohérent.

L'Europe, alors qu'elle possède toutes les technologies nécessaires s'est refusée à franchir le pas avec une vision strictement utilitariste de l'espace. Certes, Ariane est un succès fabuleux, mais cela ne fait plus rêver depuis longtemps. En novembre, la conférence spatiale européenne sera décisive pour l’avenir avec des décisions à prendre autour de la sixième génération d’Ariane. Un retard pour des raisons budgétaires reviendrait à renoncer à moyenne échéance à une Europe puissance spatiale. Ce serait une nouvelle régression et une accélération du déclin européen. Dans l'empire du Milieu, les nouveaux héros lancés ce matin-et de surcroît une héroïne- vont tirer vers le haut (c'est le cas en l'espèce) une opinion publique fière de ce lancement! L’espace reste et c’est heureux une zone de rêves, d’ambition et de progrès, même si les rivalités entre nations subsistent. Pékin l’a compris !

Jérôme Pellistrandi


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