L'auteur du "Chagrin des Belges" s'est éteint à 78 ans après avoir demandé à être euthanasié à Anvers.
L'écrivain Hugo Claus. - AFP/PIETER-JAN Souvent considéré comme un possible lauréat au Nobel de littérature pour lequel il était souvent cité, l'auteur du Chagrin des Belges sera inhumé le 29 mars. Egalement poète, dramaturge, cinéaste et peintre, se définissant comme un "flamingant-francophone", il était l'auteur belge le plus connu dans le monde. La cérémonie se déroulera dans le théâtre anversois du Bourla, sans service religieux. L'écrivain, qui souffrait de la maladie d'Alzheimer, est mort euthanasié, aux termes d'une législation encadrant cette pratique adoptée par la Belgique en septembre 2002. "Je le connais suffisamment pour savoir qu'il voulait partir dans la fierté et la dignité. Il va nous manquer", a déclaré le ministre flamand de la Culture, Bert Anciaux, qui a ajouté: son décès constitue une "grande perte pour toute la société."Le romancier, auteur d'une centaine d'ouvrages, avait également participé au tournant des années 1950 au mouvement artistique Cobra, comme son compatriote, le peintre belge Pierre Alechinsky. Ayant vécu un temps à Paris, où il a été influencé par le mouvement surréaliste et Antonin Artaud, il avait choisi d'écrire en néerlandais, rejetant l'an dernier l'éclatement du pays. (L'enlèvement d'Europe, par Claus) Peintre de talent, auteur de vingt-cinq recueils de poésie, de quarante pièces de théâtre et d'une trentaine de romans, Hugo Claus était un artiste complet et dérangeant, tout aussi doué comme metteur en scène et scénariste. Né à Bruges le 5 avril 1929, premier de quatre garçons, Hugo Claus est élevé à Courtrai dans un pensionnat catholique strict où il restera juqsqu'à 11 ans. Il se passionne très tôt pour les livres. Il publie sa première oeuvre à 19 ans, Enregistrer, et écrit sa première pièce à 21 ans. Hugo Claus acquiert une réputation mondiale avec la traduction en français, en anglais et en japonais de son roman Le Metsier, écrit en 1950. Si son oeuvre poétique n'a été que très partiellement traduite - Tancredo Infrasonic (1951), Een Geverfde Ruiter (1961) -, il a été mis en scène en France, notamment par Sacha Pitoëff dès les années 1950, et en 1985 avec Vendredi, jour de liberté, sorte de vision flamande de la célèbre formule "Famille, je vous hais". Sa pièce Gilles et la nuit (1995) porte sur Gilles de Rais. Parmi ses oeuvres traduites en francais, figurent La chasse aux canards (1953), Andréa ou la fiancée du matin (1956), L'homme aux mains vides (1957), L'Etonnement (1977), Une douce destruction, Hontes (1988), L'Espadon (1989), Belladonna (1994), La Rumeur (1997), Le Dernier lit (2003). Dans son roman le plus célèbre, Le chagrin des Belges, il décrit avec un lyrisme brutal et truculent une certaine médiocrité réactionnaire du milieu provincial flamand. Il y dénonce la collaboration flamande avec l'occupant allemand pendant la Seconde Guerre mondiale, un des thèmes tabous de la politique belge. Maniant une langue drue et réaliste, cet écrivain peuplait ses textes de personnages souvent grotesques, dérisoires ou hypocrites. Hugo Claus s'était également imposé en tant que peintre en participant notamment au lancement et aux expositions de Cobra (1949), groupe d'avant-garde expressionniste. L'ouvrage Hugo Claus imagier (1988) présente son oeuvre plastique. |
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Fils d'un imprimeur, il s'enfuit de la maison paternelle et devient ouvrier saisonnier dans le nord de la France. À Paris, Antonin Artaud devient pour lui un second père. Il participe à la révolution avant-gardiste de l'art d'après-guerre et fait partie du mouvement Cobra (1948-1951). Après un séjour en Italie où il apprend à connaître le milieu cinématographique, il retourne en Flandre et commence une carrière de romancier, poète, auteur dramatique, cinéaste et peintre. À la fin des années 1960, Claus joue un rôle important dans le mouvement contestataire qui veut réformer la politique sociale et culturelle en Flandre. Au Festival expérimental de Knokke, en 1967, il choque l'opinion publique en faisant paraître sur scène trois hommes nus dans le rôle de la sainte Trinité. En 1979, il reçoit le prix Constantijn Huygens[1]. Le Chagrin des Belges (1985), (traduction de Het verdriet van België 1983), est son premier grand succès de librairie en France. En 1997, il reçoit le prix Pasolini, attribué par un jury international pour saluer l'ensemble de sa carrière.
Hugo Claus, atteint de la maladie d'Alzheimer avait décidé de choisir lui-même la date de son départ et demandé, comme la loi belge l'y autorisait, à subir une euthanasie[2] - [3].
L'écrivain
Considéré comme un des romanciers belges les plus talentueux de son époque, Hugo Claus se définit lui-même comme un « flamingant francophone ». Il est surtout le critique du traditionnalisme et du provincialisme de la société flamande, tout en portant à l'universel l'évocation de la médiocrité.
Profondément marqué par son enfance dans un internat catholique très strict, dans Le Chagrin des Belges, il a su évoquer le comportement de ses compatriotes pendant la dernière guerre et peindre le Flamand fricoteur, conformiste et profiteur avec un réalisme qui rappelle celui de Pieter Bruegel l'Ancien ou de James Ensor. Il reste cependant fasciné par sa région maternelle qu'il ne cesse de recréer avec sensibilité et intelligence : « Maintenir les mœurs et les extases de la tribu : oui, c'est aussi le rôle de l'écrivain. Par exemple, Le Chagrin des Belges, je l'ai écrit pour que mes deux fils sachent comment leur père avait vécu dans une civilisation tout à fait étrange et néandertalienne. J'ai voulu leur montrer ce que c'était de vivre avant la guerre, pendant la guerre et après la guerre dans une toute petite communauté » (H. Claus, Le Passe-Muraille, Lausanne, 1997).
Le passé décomposé, son dernier roman, paru au Seuil en février 2000, reprend les mêmes personnages que La Rumeur : « L'interrogatoire policier qui en constitue la trame, aussi serré et aussi ambigu que ceux de « Crime et châtiment », éveille une quantité de questions essentielles sur la condition humaine tout en recourant au grotesque qui déclenche un rire grinçant. C'est un livre selon mon cœur, fait de sang et de rire, de tendresse et d'horreur, d'obscénité et de poésie » (dédicace du traducteur, France Inter).
Bibliographie]
- Théâtre et scenario
- Théâtre complet, L'Âge d'Homme, 4 vol., 16 pièces, 1990-1997
- Escal-Vigor, scénario de Hugo Claus d’après le roman de Georges Eekhoud. Préface et traduction Mirande Lucien, Lille, QuestionDeGenre/GKC, 2002.
Grâce à des rééditions modernes, on connaît Escal-Vigor, le roman de Georges Eekhoud publié au Mercure de France en 1899. C'est le premier roman moderne où l'amour d'un homme pour un autre homme n'est pas présenté comme un vice honteux, mais comment un sentiment juste et légitime. Les bourgeois de Belgique, la patrie de Georges Eekhoud, ont entendu la nouveauté du propos et l'auteur a eu à se défendre en 1900 devant la cour d'Assises de Bruges pour atteinte aux mœurs Mais ce qu'on ne connaissait pas, c'est l'adaptation du roman d'Eekhoud par Hugo Claus. Le grand romancier belge de langue néerlandaise, connu surtout pour Le Chagrin des Belges son maître livre paru en traduction française en 1985 est aussi auteur de scénarios (une vingtaine) et réalisateur. On lui doit des films comme De Vijanden ("Les ennemis"), (1967), Vrijdag ("Vendredi jour de liberté") (1980), Het Sacrament ("Le sacrement") (1989) ou De verlossing ("La rédemption") (2001). Il adapta le roman de Georges Eekhoud Escal-Vigor en 1995 avec l'intention de le porter à l'écran. Mais le scénario est resté dans ses cartons et le film n'a jamais été réalisé. On peut supposer que l'histoire de ce scénario ressemble un peu à celle contée par Hugo Claus dans son roman Belladonna…
Mirande Lucien, qui a consacré sa thèse de doctorat à Georges Eekhoud, a traduit en français le scénario d'Hugo Claus. Les éditions QuestionDeGenre/GKC publient sa traduction poursuivant ainsi ce jeu de langue entrepris par Eekhoud : un Flamand de langue française.
- Poésie
- Poèmes, Mercure de France, 1965
- Encre à deux pinceaux, écrit avec Karel Appel et Pierre Alechinsky, Yves Rivière, 1979
- Traces : choix de poèmes 1948-1985, L'Âge d'Homme, 1988
- D'encre et d'eau. Alechinsky, Yves Rivière, 1995
- Poèmes, L'Âge d'Homme, 1998
- Romans et nouvelles
- Vendredi, jour de liberté, Complexe, 1980
- La Chasse aux canards, Grasset, 1987
- Le Chagrin des Belges, Julliard, 1985 et Seuil, coll. "Points", 2003
- Une douce destruction, de Fallois, 1988
- L'Espadon, de Fallois, 1989
- Honte , Actes Sud, 1987 et LGF, 1990
- Le Désir, L'Âge d'Homme-de Fallois, 1990
- L'Amour du prochain, M. Sell, 1989 et Seuil, 1991
- Gilles et la nuit, Calmann-Levy, 1995
- Belladonna, de Fallois, 1995 et LGF, 1997
- La Rumeur, de Fallois, 1997
- L'Étonnement, Complexe, 1986 et Stock, 1999
- Le Passé décomposé, Seuil, 2000
- Le dernier lit, Seuil, 2003
- Peinture
- Hugo Claus imagier (Hugo Claus prentenmaker, 1988), œuvres picturales, choix de textes et traductions par Marnix Vincent, textes de Freddy De Vree et al., Anvers, Fonds Mercator / Paris, Éditions Albin Michel, 1988, 256 p., illus.
Notes
- ↑ Evene.fr : Hugo Claus, écrivain belge
- ↑ RTL info : Hugo Claus, le plus grand écrivain flamand est mort
- ↑ Le Soir: Hugo Claus a choisi de partir
Liens
- Biographie et bibliographie
- Les écrivains d'expression néerlandaise