En ce lendemain de second tour des élections législatives, j’ai entendu çà et là ressurgir la vieille antienne consistant à en déplorer le mode de scrutin et à réclamer le retour au scrutin proportionnel.
Il faut bien noter à ce propos que la plupart des français ignorent, et c’est bien normal, quels sont les différentes possibilités en la matière – car c’est là une affaire de spécialistes – mais on ne peut en dire autant de nos politiques, qui eux, soit ont la mémoire courte, soit font preuve de totale mauvaise foi.
Je vous invite donc, en cette journée du 18 juin qui pour certains signifie encore un anniversaire mémorable, à relire cet extrait du discours de Charles De Gaulle, prononcé à Bayeux, le 16 juin 1946.
« Bref, la rivalité des partis revêt chez nous un caractère fondamental, qui met toujours tout en question et sous lequel s'estompent trop souvent les intérêts supérieurs du pays. Il y a là un fait patent, qui tient au tempérament national, aux péripéties de l'Histoire et aux ébranlements du présent, mais dont il est indispensable à l'avenir du pays et de la démocratie que nos institutions tiennent compte et se gardent, afin de préserver le crédit des lois, la cohésion des gouvernements, l'efficience des administrations, le prestige et l'autorité de l'État. »
La faible représentation parlementaire de certains partis politiques extrêmes peut sembler à certains aberrante. Mais qui ne se souvient des ravages du scrutin proportionnel dans la France de la 3ème et de la 4ème République ?
Ceux qui, comme moi, se souviennent des crises ministérielles à répétition et ont reçu un minimum d’enseignement politique, en revanche, savent de quoi il retourne, même si dans d'autres pays voisins, plus disciplinés que nous, le scrutin proportionnel est efficace.
C’est certain, le scrutin proportionnel reflète plus fidèlement la diversité des opinions au sein de l’Assemblée Nationale. Mais en France, pays de divisions et d’individualités, ce mode de scrutin donne des résultats affligeants. Il a conduit, dans le passé, à empêcher la constitution de majorités de gouvernement stables, au profit de coalitions temporaires et improbables, qui se dissolvaient devant la moindre difficulté politique ou économique. Il favorisa également le rôle de petits partis-charnière, leur accordant une importance hors de proportion avec leur poids réel dans l’opinion.
Il suffit de voir combien de candidats différents (18 candidats sur la 1ere circonscription des Hauts de Seine de Colombes Nord-Gennevilliers-Villeneuve la Garenne) se présentaient au premier tour de nos dernières législatives : entre 10 et 12 en moyenne. Imaginons qu’autant de partis politiques aient pu présenter autant de listes au niveau national et donc obtenir, statistiquement, au moins un siège à l’Assemblée ? Car avec un scrutin proportionnel, le premier de liste, choisi par le Parti, est à peu près certain d’être élu ! Alors que l’échec éclatant de certains parachutages, à gauche comme à droite, montre combien les électeurs entendent choisir eux-mêmes leur représentant local ….
Conservons donc notre mode de scrutin majoritaire qui, certes, amplifie les victoires au détriment des partis minoritaires – ou les conduit à négocier des alliances (une stratégie payante pour EELV cette année) mais permet au Chef de l’Etat de mettre en œuvre son projet de gouvernement.
La diversité des opinions des électeurs ne justifie pas l’impossibilité d’établir une majorité stable. Et je doute que le Parti Socialiste, qui remporte la majorité absolue à l’Assemblée Nationale en ce mois de juin 2012, ait envie de renoncer à ce point fort de la Constitution de la 5ème République, ainsi annoncé dans le discours de Bayeux du Général De Gaulle et concrétisé dans le texte de la Constitution de 1958.
Au passage, je salue l’important renouvellement de l’Assemblée et la présence désormais de 155 femmes, qui nous place encore loin de la parité mais représente un progrès certain.