Elle demandait seulement d’avoir les mêmes droits qu’un homme dans
son pays. Elle a fait de la technologie un porte-voix pour dénoncer ces
lois qui en Iran la laissent sans défense et désavantagée par rapport
aux hommes. Blogueuse et féministe, Farnaz Seifi s’est exilée en
Argentine après avoir été arrêtée et menacée plusieurs fois sur la terre
qui la vit naître. Elle a dû se mettre à écrire sous un pseudonyme face
aux pressions croissantes dont sa famille a été victime. Le drame
qu’elle vit est millénaire, mais elle sait que l’absurde peut se
terminer un jour et cesser subitement. Ce petit espoir l’a conduite à
ne pas se résigner et à intégrer le mouvement « Changement pour
l’égalité », créé par une vingtaine d’activistes. Elle utilise le
clavier pour arrêter les coups, les réseaux sociaux comme moyen de
dénonciation des outrages que tellement de femmes n’osent pas raconter.
De son côté, c’est l’amour qui soutient Zeng Jinyan. Cette affection
qui l’unit à Hu Jia, le célèbre défenseur des droits de l’homme en
Chine. Son mari a systématiquement dénoncé la maltraitance des malades
du SIDA et les dommages provoqués par le milieu ambiant dans un pays où
un parti unique impose une version unique de la réalité. Zeng a raconté
sur Internet les moments les plus difficiles de ses années récentes, la
détention et la prison de son mari, les longues journées de réclusion à
domicile, auxquelles elle a été elle-même soumise avec son bébé, et
les tendres embrassades au retour de son mari lorsqu’il a été libéré.
Curieux paradoxes ceux qu’apporte la technologie : on l’empêchait de
sortir de chez elle et pourtant le cyberspace réduisait les distances
entre elle et ses lecteurs.
On m’a placée, moi aussi, entre ces deux femmes admirables, dans un
documentaire qui analyse l’utilisation des nouveaux media de
communication comme arme contre la censure. Sous le titre « forbidden
Voices », la réalisatrice suisse Barbara Miller a réuni des images, des
interviews et des scènes domestiques qui viennent compléter la personne
humaine qu’il y a derrière un compte Twitter, celle dont la présence
virtuelle est beaucoup plus libre que la réelle. De sorte qu’il s’agit
bien de l’histoire de quatre femmes, trois d’entre elles désireuses de
trouver respect et espace dans leurs sociétés respectives et une
quatrième, l’auteur du film, qui équipée d’un objectif et de beaucoup de
patience, exprime visuellement sa propre rébellion.
Traduit par Jean-Claude MAROUBY