L'une se passe aujourd'hui, à notre époque. L'autre dans un futur indéfini, ou alors dans un monde allégorique, en tout cas dans un monde qui n'est pas tout-à-fait notre monde actuel, mais pourrait bien le devenir.
Les deux héros de ces deux histoires ont un point commun : leur mutisme. Leur mutisme ? Ils sont fermés comme des huîtres. Leurs proches ne peuvent pas deviner ce qu'ils pensent. Ils sont introvertis à un point qui dépasse l'entendement. D'ailleurs on ne les entend pas puisqu'ils sont muets.
Seulement, un jour, se contenter de se taire n'est plus possible. Certes ces muets ne vont pas faire entendre leur voix. Ils vont trouver un autre moyen d'expression, la révolte, qui prendra une forme différente dans les deux cas.
Walter Niemand est quinqua. Il est cadre moyen dans une compagnie d'assurances. Depuis toujours il a un complexe, celui de ne pas exister vraiment, de n'être personne, ce que son patronyme signifie en français.
Walter n'a aucune perspective de carrière. Sa formation n'est pas suffisante. Il n'a pas le sens du travail en équipe, ce qui, à son niveau, est rédhibitoire. Il souffre d'un handicap terrible : "il est infirme de l'autre".
Walter dépense plus qu'il ne gagne. Il est endetté jusqu'au cou. Il ne communique plus avec personne. Il garde pour lui toutes ses frustrations jusqu'au jour où la coupe est pleine. Il prend une arme, tue froidement trois collègues, puis se donne la mort.
L'histoire de Walter commence et se termine par ce carnage. Elle est une explication de ce qui le pousse à traduire sa révolte ainsi, de manière funeste et brutale.
Homeg est archiviste au Ministère de la Planification dans le département des Grands Travaux d'Utilité Publique. Le pays est dominé par des peuples oppresseurs dont les bannières arborent les 3 S de Surabondance, Surendettement, Surinformation.
Un jour les peuples des 3 S ont envahi les peuples des 3 P, Pauvreté, Prière, Paix, et les ont asservis. Ils ont tout saccagé sur leur passage, détruit paysages et monuments. Quelques rebelles seulement ont trouvé refuge dans les montagnes.
A Homeg, comme aux autres esclaves, la parole a été retirée par les Binaires, au service des oppresseurs. Son destin va cependant basculer quand, prenant le train pour aller travailler, il trouve par hasard dans une poubelle un extrait imprimé des textes sacrés d'avant l'oppression.
L'histoire d'Homeg commence et se termine par la résistance des rebelles à l'oppression. Elle est une explication de ce qui l'amène à entrer en contact avec eux, à les rejoindre, à recevoir enfin le flot continu de la parole dont il a été privé.
La révolte des muets conduit à s'interroger sur le comportement à adopter face à la servitude que peut revêtir un mode d'existence, que cette servitude soit le résultat de la médiocrité ou de l'oppression pure et dure. Il semble que tout seul, et sans idéal, ce soit mission impossible.
Francis Richard
La révolte des muets, Nicolas Cacheux, 128 pages, Xenia ici