L'expérience numérique d'Edouard Brasey terminée ?

Par Eguillot

Un article du site ActuaLitté du vendredi 15 juin indique que l'écrivain Edouard Brasey a mis fin à son expérience numérique en autoédition avec La Prophétie de Pierre. L'écrivain a en effet signé avec les Editions Télémaque pour une publication papier de son roman La Prophétie de Pierre dès la rentrée de septembre, et l'ebook, encore sur la boutique Kindle aujourd'hui, en sera retiré dès demain lundi 18 juin. L'expérience numérique est-elle pour autant terminée ? A mon humble avis, non. A moins d'avoir signé une clause de non-concurrence, Edouard Brasey garde la possibilité d'autoéditer de futures oeuvres qui ne trouveraient pas leur éditeur.

Plusieurs réflexions me viennent : les Editions Télémaque ont dû mettre sur la table une avance suffisante pour compenser, non seulement les gains déjà engrangés par Edouard Brasey sur La Prophétie de Pierre, mais également les futurs gains. Un ebook a en effet une durée de vie illimitée. Il ne disparaît pas des rayons comme les livres papier. Même s'il tombe un temps dans les profondeurs du classement, il peut se relever grâce à une nouvelle parution du même auteur, par exemple.

La conclusion si rapide de cet accord entre Edouard Brasey et un éditeur après l'article sur mon blog et l'interview d'Edouard Brasey dans la newsletter du Kindle est-elle un simple hasard, une coïncidence fortuite, auquel cas cette publication serait à mettre au seul crédit de l'auteur et de son roman ? Ou ne relève-t-elle pas d'un réflexe corporatiste du milieu de l'édition ? En publiant sur un délai aussi court Edouard Brasey, les Editions Télémaque n'entendraient-elles pas couper l'herbe sous le pied de ceux qui prétendent que l'autoédition peut s'avérer une solution viable ?

Autre réflexion : on a déjà vu aux Etats-Unis des auteurs autoédités en numérique obtenir des contrats avec des éditeurs suite à leurs très bonnes ventes. On pense évidemment à Amanda Hocking (plus d'un million d'ebooks vendus). Depuis qu'elle a trouvé un éditeur, l'un des six plus grands américains, St Martin Press, ses ventes stagnent, et la promotion aux Etats-Unis (ce serait mieux en Europe et en Australie) n'est pas à la hauteur. Le prix de ses ebooks a remonté.

Un exemple moins connu en France est celui de Boyd Morrison. Il a été l'un des premiers auteurs américains autoédités à obtenir un gros contrat avec Simon & Schuster, un autre des six plus grands éditeurs outre-Atlantique. Et que s'est-il passé ? Eh bien, Simon & Schuster l'a laissé tomber en cours de route. Ils avaient conclu un marché sur la publication de plusieurs romans, et ils ont refusé de publier l'un d'entre eux. Boyd Morrison a récupéré ses droits. Et devinez quoi ? Il autoédite de nouveau les mêmes romans.

Pour les anglophones, un article très éclairant à ce sujet, celui de l'auteur Kristine Rusch intitulé : the changing definition of publishing.

Je me permets de féliciter Edouard Brasey. Trouver un éditeur, et obtenir une bonne avance, avoir l'assurance que la version papier se trouvera en librairie, est très réconfortant pour un écrivain. Comme je le disais dans mon précédent article, se faire éditer peut toujours constituer un choix judicieux, même de nos jours, si le marché est équilibré entre l'auteur et l'éditeur. Et notamment, si l'on ne cède pas ses droits à vie. Stephen King ne cède pas ses droits à vie, par exemple. En outre, des rumeurs indiquent que le partage des droits se ferait à 50/50 entre lui et son éditeur.

Mais la communauté des auteurs autoédités n'a pas non plus à s'en faire. Un petit détour sur ce blog américain vous apprendra qu'il existe plus de 160 auteurs ayant vendu à au moins 50 000 exemplaires leurs ebooks autoédités.

Et, je le répète, l'expérience numérique d'Edouard Brasey n'est à mon avis pas terminée. Ne serait-ce que du fait qu'à partir de septembre 2012, date de la parution de la Prophétie de Pierre aux Editions Télémaque, il va pouvoir comparer qui fait le mieux sur son thriller, son éditeur ou lui-même avec ses ventes en trois mois en 2012 sur Kindle. Gardons-nous de tirer des conclusions hâtives.