Comme chaque année depuis 5 ans, c'est édifiant.
A l'aube des années 2000, les prisons n'étaient pas surpeuplées. Normal, rétorqueront les sarkozystes pur-jus, le gouvernement socialiste au pouvoir depuis 1997 était si laxiste... Seulement voilà, le Contrôleur expliquait dans son rapport, que les évolutions de la délinquance et de l'incarcération ne sont qu'indirectement corrélées.
Il identifie 3 causes d’augmentation du nombre des personnes emprisonnées: (1) certains délits, notamment routiers, débouchent davantage sur de la prison; (2) la boulimie législative de ces dernières années a entraîné davantage d'emprisonnement (« la loi a développé des procédures de jugement plus rapides et le juge est, à infraction égale, plus sévère aujourd’hui qu’il ne l’était autrefois »); (3) enfin, le précédent gouvernement a accéléré les mesures d'enfermement... en prévision des élections (« La surpopulation actuelle s’explique en partie par l’effort qui est fait dans les tribunaux depuis dix-huit mois pour procéder plus rapidement à l’exécution des (courtes) peines prononcées, jusqu’alors inégalement suivies d’effet, en raison de l’encombrement des juridictions »).
Au final, le contrôleur conclue: « si l’on jugeait aujourd’hui comme il y a quarante ans, toutes choses égales par ailleurs, environ moitié moins de détenus se trouveraient dans les prisons françaises. »
Le bilan de la décennie écoulée est désastreux: « les données relatives au nombre de personnes détenues sont préoccupantes ».
1. Près de quatre-vingt mille personnes étaient écrouées en France au 1er mai 2012, dont soixante-sept mille personnes en permanence en détention pour plus de cinquante-sept mille places. En mai 2007, les détenus s'élevaient à 61.000.
2. Cette surpopulation ruine les perspectives et efforts de réinsertion des détenus: cet état renforce « la promiscuité et les risques de conflit dans les cellules » et « l’inaction par un accès moins aisé au travail ou aux activités ». Il détériore les « possibilités de dialogue », « l’efficacité des efforts de réinsertion », et les conditions du travail du personnel pénitentiaire.
3. Le taux d'occupation moyen, déjà trop élevé, est trompeur. Primo, « le concept de « place » est d’une remarquable plasticité ». Il suffit d'ajouter un lit superposé pour doubler une place, en totale violation du principe d'enfermement individuel voté avec une sourde hypocrisie par le précédent gouvernement. Secundo, ce taux atteint des proportions impossibles dans certaines maisons d'arrêt.
4. Le contrôleur dénonce l'hypocrisie de la dernière loi pénitentiaire, l'une de ces nombreuses expressions de la boulimie législative passée d'un gouvernement qui confondait la parole et l'action véritable: « la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a, d’une certaine manière, tranché la question, en disposant que les cellules doivent être adaptées au nombre des détenus qui y sont hébergés » (article 716 du code de procédure pénale).Et pourtant, en 5 ans, la surpopulation n'a cessé de s'aggraver.
5. Le milieu carcéral reste trop pauvrement doté pour pouvoir adapter les conditions d'emprisonnement aux situations individuelles. « Se soigner, apprendre, modifier en profondeur son comportement sont des faits minoritaires en détention. Manquent trop souvent les effectifs, les surfaces, les matériels et même la réglementation nécessaire. »
Nicolas Sarkozy n'était pas seul responsable de la situation: « Depuis vingt-cinq ans, le nombre de personnes détenues est régulièrement supérieur au nombre de places disponibles à l’exception d’un équilibre atteint au début de ce siècle ». Mais il a clairement aggravé le problème: « Mais la croissance rapide de ces derniers mois inquiète et nécessite que soient identifiées de manière aussi précise que possible les causes du phénomène ».
Sur le tard, quelques mois avant l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy avait promis la création de quelque 80.000 places supplémentaires, une mesure reprise dans le programme UMPiste...
Le Contrôleur des prisons réclamait une loi d'amnistie, pour «les peines de moins de six mois de prison et celles qui ont été prononcées il y a plus de deux ans». Pas question, a répliqué le gouvernement. On imagine que l'UMP se régalait d'avance à l'idée de pouvoir taxer de laxisme la Garde des Sceaux Christiane Taubira et sa ministre déléguée Delphine Batho. Cette dernière a confirmé: « la solution n'est pas d'aller vers des amnisties automatiques » car il s'agirait d'«un très mauvais signal dans la lutte contre la délinquance».