Une réfugiée et son enfant à l'entrée du camp de Yida, dans le Soudan du Sud, en avril 2012. Crédits photo : ADRIANE OHANESIAN/AFP
LE FIGARO. - Quelle est la situation actuelle dans le nord du pays?
Pierre-Antoine BRAUD. - À Yida, nous portons assistance à 50.000 réfugiés, qui fuient le Sud Kordofan (Soudan), en proie à la guerre civile entre Khartoum et les rebelles Nouba. Ces dernières semaines, nous avons assisté à des arrivées massives. 30.000 réfugiés en trois semaines sont arrivés dans le pays, environ 800 nouveaux arrivants par jour à Yida ! Les conditions sont très difficiles, principalement en ce qui concerne l'eau. Il n'y en a tout simplement pas assez pour répondre aux besoins. Sans parler des conditions sanitaires: les latrines ne sont pas suffisantes et sont inadaptées à un tel afflux de réfugiés.
Les conséquences médicales risquent d'être dramatiques, si rien n'est fait. A l'hôpital de Yida, nous traitons actuellement, dans un cas sur deux, des patients souffrant de diarrhée, notamment des enfants. La saison des pluies vient de commencer, et cela risque d'aggraver encore la situation… Les pluies risquent aussi de favoriser l'apparition de maladies hydriques, comme le choléra, et le paludisme, car nous nous trouvons dans une zone endémique.
La situation est sensiblement la même dans le reste du Soudan du Sud : l'eau manque, les réfugiés dépendent presque entièrement des ONG. Celles-ci rencontrent, partout, de grandes difficultés à gérer la situation. Des trous de forage ont été creusés, mais les points d'eau et les réserves sont rapidement épuisés. Dans l'idéal, il faudrait pouvoir fournir aux réfugiés 15 litres d'eau par jour, ce qui correspond à la norme internationale, mais à l'heure actuelle nous sommes très loin du compte.
Ces problèmes concernent-ils uniquement les réfugiés?
Un garçon attend sa mère à côté d'un bidon d'eau, dans le camp de réfugiés de Yida, dans l'état d'Unité, dans le Soudan du Sud, en avril 2012. Crédits photo : ADRIANE OHANESIAN/AFP Non. Les Sud-Soudanais manquent eux aussi d'eau potable, et doivent parfois marcher deux ou trois heures pour trouver un point d'eau. Au Sud-Soudan, l'accès au soin est quasiment inexistant. On ne compte qu'une centaine de médecins pour 9 millions d'habitants, et très peu d'infirmiers et de sages-femmes.
En dehors de Juba, la capitale, qui bénéficie d'infrastructures sanitaires, il n'y a qu'un hôpital par état. Les routes sont en piteux état, et avec la saison des pluies, beaucoup de personnes vont se retrouver isolées, tandis que les ONG éprouveront les pires difficultés pour acheminer leur matériel.
Que réclamez-vous pour régler la situation?
Nous avons besoin de toute urgence d'une aide des ONG compétentes en ce qui concerne l'assainissement, le traitement des eaux usées, la mise en place de latrines adaptées au plus grand nombre, et le forage de puits. En ce moment, le gouvernement sud-soudanais n'a pas les moyens économiques suffisants pour nous assister. Nous ne pouvons compter que sur l'aide d'autres organisations humanitaires. Il n'y en a pas assez pour le moment.
Sans renforts, notre aide médicale restera impuissante. Les réfugiés qui arrivent à Yida sont déjà dans un état critique, les enfants souffrent de malnutrition. Ajoutez à cela le manque d'eau et de mauvaises conditions sanitaires, et nous nous dirigeons tout droit vers une crise humanitaire.
source : Le Figaro