Euro 2012 / Suède – Angleterre: Le Cercle des Poètes Disparus

Publié le 16 juin 2012 par Wtfru @romain_wtfru

Au terme d’un match d’hommes d’une grande intensité, l’Angleterre se sort du piège suédois en arrachant une victoire (3-2) après avoir été mené 2-1. La Suède est d’ores et déjà éliminée.


Retardé d’un quart d’heure à cause du violent orage qui a inondé Donetsk et l’Ukraine-France de 18h, le match entre la Suède et l’Angleterre est d’une importance capitale au vu du bon résultat français. Les anglais doivent gagner pour se mettre dans les meilleures dispositions possibles et s’offrir une énorme finale face aux ukrainiens tandis que les suédois ont l’interdiction formelle de perdre sous peine d’élimination avant même le dernier match.
Ce duel, s’il n’est pas le plus sexy de la compétition sur le papier, promet de la sueur, des duels crâniens et des crampons dans les genoux. Un rendez-vous sponsorisé par la Premier League puisque, outre les anglais, la moitié de l’effectif scandinave évolue dans le championnat. Des joueurs qui se connaissent par coeur donc et habitués aux joutes intenses.
Pas forcément au point lors de leur premier match, c’est sans surprise que des changements ont lieu dans la composition de départ des deux côtés.
La palme revient à Erik Hamren avec un changement par ligne. Le vilain Lustig laisse sa place à Grandqvist, replacé à droite puisque J.Olsson s’impose dans l’axe. Toivonen disparait au profit de Svensson, Elm reprenant l’aile gauche et Elmander sera l’attaquant de pointe en remplacement de Rosenberg, très décevant lors du match contre l’Ukraine.
Pour les anglais, exit Oxlade-Chamberlain, bonjour Andy Carroll. La queue de cheval la plus célèbre du Royaume pose ses grosses pattes devant, replaçant Youngsur son aile gauche favorite. Un 4-4-2 à plat très classique.

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Le début de match ne laisse guère de place au doute: on est entre poètes. En grossissant le trait, on pourrait dire que le ballon circule plus souvent de la tête qu’avec les pieds. Et ça peut se comprendre quand on voit la difficulté technique qu’ont les deux équipes pour construire le jeu. Pour l’Angleterre, c’est simple, tout passe par les longs ballons. Pour trouver Carroll en point d’appui ou de la profondeur avec Welbeck. Les suédois aussi jouent long mais on ne sait pas trop pourquoi, si ce n’est pour se dégager. Faut aimer le style.
Les hommes de la Reine ont pourtant quelques arguments lorsqu’ils pratiquent un jeu court. Notamment Steven Gerrard, qui a retrouvé des jambes après une saison compliquée. On fixe dans l’axe, on écarte sur les ailes et on centre, du classique mais qui a le mérite au moins de diversifier un peu le jeu. Puisqu’on est dans un match physique, pas étonnant que la première occasion intervienne d’une frappe lointaine, oeuvre de Scott Parker qui oblige Isaksson à s’employer. Pas étonnant non plus que la principale arme suédoise pour se retrouver dans la surface adverse, c’est par les longues touches..
Tactiquement, c’est très simpliste, chaque équipe joue avec deux lignes bien distinctes et un attaquant (Welbeck et Ibrahimovic) qui décroche pour aller chercher le ballon dans les pieds. Personne ne cherche à déstabiliser le bloc de l’autre, personne ne met d’intensité même si les intentions anglaises paraissent un peu plus précises.
A la moitié de la mi-temps, pas d’occasions nettes et il faudrait un miracle pour voir un but si le rythme du match ne monte pas d’un ton. Et dans le genre miracle, il existe toujours le pied droit de Gerrard. Dans une position similaire au coup-franc contre la France, Stevie G. envoie un centre parfait pour le coup de boule d’Andy Carroll, son coéquipier de club. La détente sèche et la vitesse du ballon lorsqu’il cogne le front de l’attaquant font peur à voir. Le genre de move qui aurait sans doute permis à Liverpool de faire mieux cette saison.
Ce but tombe à point nommé pour l’Angleterre qui va obliger les suédois à sortir un peu de leur tanière. Ces derniers vont bien essayer de prendre le jeu pour eux mais personne dans l’équipe ne semble avoir les moyens de percer la défense anglaise. Et surtout pas Ibrahimovic, en mode statue entre milieu et attaque, qui n’a pas l’air de vouloir se fouler plus que ça, à part pour tartiner de loin. Une solution aussi utilisée par Kallstrom pour la frappe suédoise la plus dangereuse de cette première période.
Les champions du monde 1966 se contentent de contrôler mais dès qu’ils accélèrent le jeu, on voit bien qu’ils peuvent plier la rencontre facilement. Comme sur ce beau mouvement côté gauche, finalement mal conclu par Young qui la joue trop perso.
Sans trop en faire, l’Angleterre vire en tête à la mi-temps contre une équipe suédoise qui va devoir mettre de la folie dans son jeu pour espérer retourner la situation. Pas simple à priori.

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Et de la folie, il va en y avoir dans cette seconde période. Le match va basculer dans une autre dimension d’entrée de jeu. Après avoir tirer dans le mur, Ibrahimovic tente une volée improbable qui termine sa course dans les pieds de Mellberg, lequel voit sa frappe repoussée par Hart… mais qui termine dans le but après avoir touché Johnson. Une égalisation bien heureuse mais qui a le mérite de ne laisser personne gamberger. L’intensité monte d’un cran et on retrouve tous les ingrédients qui font le plaisir des amateurs de Premier League tous les weekends. C’est sur que footballistiquement, c’est pas du caviar mais au moins, il y a des hommes et de la testostérone.
Revigorés par ce but, les suédois montrent un peu plus les dents. Et vu que la solution ne peut sans doute pas passer par le jeu, c’est sur coup de pied arrêté que le salut doit passer. Autre coup-franc, même sanction. Larsson envoie un excellent ballon sur Mellberg qui claque sa tête dans le but. Cette fois, celui-ci est bien pour lui. Incroyable. Tranquille jusqu’ici, la défense anglaise se fait percer deux fois en dix minutes sur un mauvais alignement. Tout est relancé dans le match, ainsi que dans le groupe. A cette heure-ci les anglais sont très mal barrés et ont tout intérêt à réagir très rapidement.
Si un contre suédois rondement mené par Elmander et Ibrahimovic aurait pu sceller le sort de la partie, l’Angleterre va repartir de l’avant immédiatement. Sur une tête de Terry miraculeusement sauvée par Isaksson d’abord, puis par une frappe surprenante de Walcott, à peine entré en jeu, sur le corner qui suit et qui finit dans le but. Une trajectoire bizarre sur laquelle le portier suédois n’est pas exempt de tout reproche. En vingt minutes, le visage de la rencontre s’est totalement transformé. Tout est ouvert, il n’y a plus de consignes et c’est à celui qui tapera le plus fort désormais. Comme on dit dans ces cas-là « il y a du K.O. dans l’air ».
On passe désormais d’un camp à l’autre, les carences techniques sont oubliées au profit de l’enjeu et tout le monde sait que le score n’en restera pas là. Zlatan envoie un parpaing en réponse à Gerrard mais Hart veille au grain. Et dans le money time, l’Angleterre porte le coup de grâce. Sur une remontée de balle aussi intelligente que parfaite, Walcott perfore la défense suédoise sur une accélération dont il a le secret et centre fort pour Welbeck qui malheureusement loupe son contrôle.. qui termine en talonnade géniale dans le but. Encore une fois, un but totalement bizarre duquel les suédois ne se remettront pas. Malgré Mellberg en avant-centre, malgré une multitude de ballons envoyés loin devant. On ne prend pas les anglais à ce jeu-là.

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L’intensité et l’envie peuvent suppléer l’aisance technique pour offrir un spectacle tout aussi réjouissant. C’est ça le football! Les anglais vont avoir une énorme finale à jouer contre l’Ukraine pour se qualifier et vont devoir montrer le même mental d’acier pour s’en sortir. Côté suédois, c’est déjà terminé. Trop faible, trop dépendante d’un Ibrahimovic très peu concerné, la Suède n’avait pas les armes suffisantes pour espérer quoique ce soit. Reste un match pour l’honneur contre la France. Et c’est sans doute leur meilleur argument que l’honneur.

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LES NOTES

SUEDE
.Isaksson (6)
: Il sort deux, trois parades extraordinaires mais coûte l’égalisation anglaise avec une erreur d’appréciation assez incroyable.

.Grandqvist (5): En défense central lors du premier match, il se devait d’apporter du physique sur le côté. Evidemment, en vitesse, il a souffert face à Young mais au final, il a passé un match relativement tranquille. Remplacé par Lustig.

.J.Olsson (4.5): Il n’a pas existé dans le duel aérien face à Carroll.

.Mellberg (6): En difficulté derrière, il a au moins eu le mérite de compenser par son excellent placement sur coup de pied arrêté offensif en se montrant déterminant sur les deux buts.

.M.Olsson (5.5): Moins bouffé que face à l’aile droite ukrainienne, il s’est permis quelques montées intéressantes. Mais défensivement, c’est vraiment pas ça. Synonyme de Glen Johnson.

.Svensson (5): Un match trop discret.

.Kallstrom (6): Comme toujours, le lyonnais a tenu son rang de role player dans l’entrejeu. Rien à redire.

.Elm (4.5): Il devait être la caution technique du milieu suédois, voire une des révélations de la compétition. Ni l’un, ni l’autre sur ce qu’il a montré sur les deux matches.

.Larsson (5.5): Il n’a peut être pas tiré son épingle du jeu mais dans une équipe à vocation défensive, il doit d’abord bien défendre. Et c’est ce qu’il a fait.

.Ibrahimovic (5): Toujours aussi monstrueux dans l’impact physique, il s’est par contre montré complètement désintéressé dans ce rôle de 9 et demi. Aucune accélération, aucune envie. Difficile de se transcender quand ton capitaine ne le fait pas..

.Elmander (5): Comme toujours de la grinta et de l’envie dans le pressing. Mais c’est à peu près tout. Remplacé par Rosenberg.

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ANGLETERRE
.Hart
(5.5): Un deuxième but bien évitable quand même

.Johnson (5.5): Ni bon, ni mauvais. Du Johnson dans le texte

.Terry/Lescott (5.5): Tranquilles, il se sont organisés un petit concours de « qui à la meilleure relance ». Mais finalement, ils finissent avec deux buts encaissés quand même.

.Cole (6): Meilleur latéral gauche en ce moment, il a été infranchissable et a, comme d’habitude, apporté sa contribution offensive.

.Parker (5.5): Le général Parker s’est encore sacrifié pour les siens en prenant un nombre de coups incalculables. Le genre de mec avec qui tu pars à la Guerre en sachant que rien ne va t’arriver.

.Gerrard (6.5): Ok, ok, il n’a plus ses gambettes d’il y a encore trois ans. Mais sur quelques fulgurances, il est encore l’un des tout meilleurs milieux. Encore une putain de passe décisive comme les supporters de Liverpool aurait aimé en voir plus souvent pour Carroll cette saison.

.Young (5): Il l’a joué trop facile et a finalement rendu une copie bien pauvre.

.Milner (4.5): La déception du match. Il ne sait jamais mis en évidence, traversant la partie comme un fantôme. Remplacé par Walcott (7), auteur d’une entrée tonitruante entre un but et une passe décisive, entrecoupés d’accélérations incroyables. Homme du match et sûrement gagnant d’une place de titulaire.

.Welbeck (6): Tout ce qu’il entreprend n’est pas encore parfait mais il a le mérite de jouer sans se poser de questions. A vrai dire ça lui sourit plutôt pas mal avec ce but de la victoire aussi fou qu’involontaire.

.Carroll (6.5): Andy l’endive n’est jamais aussi fort que face à des défenseurs de sa trempe. Sa détente sur le but est impressionnante, et sa reconversion est déjà toute trouvée en contrôleur du trafic aérien. Encore quelques prestations de ce genre et son transfert sera totalement rentabilisée. Comment ça c’est pas l’Angleterre qui a payé 40 millions ?

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