Et pour continuer le plaisir autour du cinéma, à l'avant dernière bande-annonce, on a parlé de cannes, de vampires et d'animaux aquatiques (requins et autres orques).
Commençons avec les vampires et le dernier Tim Burton, Dark
Shadows:
Synopsis
: 1760. Le riche Barnabas Collins quitte l'Angleterre avec ses
parents pour s'installer dans le Maine et y fondre un port de pêche.
Après avoir fricoté avec la bonne qui a un nom à consonance
française (Angélique Bouchard), il décide d'épouser Josette,
jeune et innocente fille en fleur. Mais le malheureux ignore qu'il
vient de jeter une sorcière jalouse avec des pouvoirs magiques. Elle
fait sauter la jeune mariée du sommet d'une colline et, au moment où
Barnabas se jette dans le vide, elle le transforme en vampire.
Enterré dans un cercueil, il ne sera libéré en 1970 que pour
constater la déchéance de sa famille: ruine de l'entreprise
familiale, famille a bord de la crise de nerf, psy à demeure... Au
milieu de ce chaos émerge un espoir : la nouvelle nounou de la
famille ressemble trait pour trait à Josette...
Après
un début plutôt réussi, le film sombre dans un enchainement de
scènes à la gloire de Johnny Depp, en laissant de côté des pans
entiers de l'histoire qui avaient été soulevés pour être
abandonnés très vite. Quid de la relation entre le jeune David qui
parle à sa mère morte et sa gouvernante qui souffre de la même
bizarrerie?
Donc,
jusqu'aux 20 premières minutes du film, tout va bien. Burton
introduit son histoire et ses personnages qu'il replace dans son
univers si particulier avec la même maestria narrative que nous lui
connaissions dans Edward aux mains d'argent ou Beetlejuice. La
descendance loufoque, l'immersion dans les années 1970, des second
rôles prometteurs (presque autant que les acteurs, Jonny Lee Miller
en tête) tout semblait idéal.
Au
réveil de Barnabas, Burton semble totalement délaisser le fil de
son récit au profit de son acteur fétiche : jusqu'à la fin du film
il ne se passe quasiment pas une scène sans que Johnny Depp en soit.
Du coup, ses personnages secondaires si bien introduits (ainsi que
leurs excellents interprètes) sont honteusement laissés à
l'abandon.
Burton
s'éternise dans des scènes qui apportent si peu à l'histoire (la
soirée avec Alice Cooper) et les enchaine pour un résultat sans
grande cohérence.
Eva
Green en revanche dans le rôle d'Angélique Bouchard est excellente.
Et ce sera là mon point positif du film.
Enchainons avec les requins (de la finance)...
Margin
call, J. C. Chandor
Synopsis
: Tout commence par des licenciements : des personnes sont appelées
dans un bureau par des inconnues pour se voir signifier leur renvoi
d'une banque d'investissements, sorte de Lehman Brothers. 80% des
employés de l'étage seront renvoyés ce jour là, à tous les
niveaux, des subalternes aux petits chefs. Eric Dale (Stanley Tucci)
remet à son ancien employé, avant de quitter le bâtiment, une clé
USB contenant des informations sur l'état de la banque et du marché
en général. Il sent un gros problème sans pouvoir l'identifier.
Peter Sullivan (Zachary Quinto) comprend au premier coup d'œil la
gravité de la situation du marché et des finances de la banque.
Durant une nuit de 2008, avant le krach boursier, l'information va
remonter toutes les strates de la structure, jusqu'à son
charismatique et cynique patron. Des décisions seront prises.
Dès les
premières minutes du film, on est plongés dans une ambiance
angoissante et malsaine. Dans cette scène d'ouverture sur les
renvois des employés, Chandor réussit à créer un suspens causé
non pas par une bombe prête à exploser mais par le sort de ces
employés : qui sera renvoyé, qui restera... L'atmosphère est déjà
belle et bien installée.
Le film
est un quasi huis-clos : tout se passe durant une journée et une
nuit dans cette banque. Cette mise en scène permet l'instauration
d'une tension dramaturgique créée par l'ambiance nocturne et le
compte à rebours qui a commencé à l'instant où la gravité de la
situation a été comprise.
Chandor
expliquera plus tard que le film est un huis-clos de nécessité :
manque de moyens pour ce premier film où le réalisateur décrit
plus qu'il ne dénonce des personnages s'enfoncer dans cette
catastrophe dont ils comptent bien se sortir indemne. Les deux jeunes
apprentis traders, seuls dans la boite à être capable de comprendre
des colonnes de chiffres, ouvertement et principalement intéressés
par l'argent (le premier ne parle que des salaires des patrons de la
banque, le second, petit génie des chiffres, a préféré Wall
Street et l'argent facile aux étoiles et la Nasa). Le petit patron
au salaire déjà mirobolant qui préfère ignorer le ballet
incessant des virés portant leur cartons dans les bras. Et que dire
du « moyen patron » (Kevin Spacey) qui pleure à chaudes
larmes la maladie de son chien avant de tenir un discours triomphant
devant les 20% de la boîte qui n'ont pas perdu leur boulot. Cette
finesse dans le traitement des (nombreux) personnages empêche
Chandor de tomber dans le manichéisme et la caricature. Un premier
essai plus que réussi.
Et dans la catégorie requin, continuons avec Cosmopolis de Cronenberg.
Synopsis : Dans un New York en
ébullition, l'ère du capitalisme touche à sa fin. Eric Packer,
golden boy de la haute finance, s'engouffre dans sa limousine
blanche. Alors que la visite du président des Etats-Unis paralyse
Manhattan, Eric Packer n'a qu'une seule obsession : une coupe de
cheveux chez son coiffeur à l'autre bout de la ville. Au fur et à
mesure de la journée, le chaos s'installe, et il assiste,
impuissant, à l'effondrement de son empire. Il est aussi certain
qu'on va l'assassiner. Quand ? Où ? Il s'apprête à vivre les 24
heures les plus importantes de sa vie.
Tout ou presque se passe dans une
limousine blanche : Packard tient à traverser la ville pour
atteindre son coiffeur. Toujours calme et sûr de lui, l'homme le
plus riche du monde regarde son monde tomber sans ciller. Il ne le
regarde pas directement, mais à travers la fenêtre de sa limousine
ou son écran de télé. Cronenberg rejoue la chute de l'empire
romain chez les capitalistes. Adaptation d'un roman de Don De Lillo,
le film a du mal à s'affranchir du texte original et à force de
fidélité finit par en devenir verbeux. Sans doute est-ce cet aspect
qui a poussé certains spectateurs à quitter la salle au milieu du
film, perdus au milieu de ces longues conversations reprises
quasiment telles quelles par rapport au roman. Esthétiquement
parfait, tout comme son précédent (A dangerous method), Cronenberg
réussit quelques belles scènes, mais signe finalement un film
plutôt décevant.