L'AFP a bien voulu m'interroger sur la "remise à plat" du projet de forage pétrolier offshore au large de la Guyane, développé par la société Shell. La dépêche est reproduite ci-dessous.
AFP PARIS - Une certain flou entourant la remise à plat du permis de forage exploratoire de Shell au large de la Guyane française promise par la ministre de l'Ecologie alimentait vendredi une multitude d'interprétations sur un sujet à fort enjeu économique et écologique.
La filiale française du groupe Shell, après avoir fait part mercredi de sa stupéfaction, affirme désormais anticiper une solution satisfaisante au sujet de ce permis couvrant 24.000 km2 à quelque 150 km des côtes de la Guyane.
Pour l'ONG Guyane Nature Environemment (GNE), les travaux exploratoires paraissent en revanche bel et bien suspendus le temps de la production d'un code minier rénové, une situation très satisfaisante.
La ministre de l'Ecologie, Nicole Bricq, a annoncé mercredi une remise à plat du permis, accordé en 2001 et renouvelé fin 2011. Dans un communiqué commun avec le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, elle avait souligné que la prise en compte des problématiques d'environnement dans le cadre de ce projet n'était pas satisfaisante.
Un second communiqué commun, jeudi, a toutefois précisé qu'il n'était pas envisagé de remettre en cause les permis déjà octroyés pour la recherche de pétrole et de gaz conventionnel.
Les ministères, contactés par l'AFP, ont refusé tout autre commentaire alors qu'une porte-parole de Shell a qualifié ce signal d'encourageant.
Associé pour ce projet avec Total et le Britannique Tullow Oil, la compagnie avait annoncé en septembre, à l'issue d'une première campagne de prospection, la découverte de pétrole pour la première fois au large de la Guyane.
Une découverte faite par quelque 6.000 mètres de profondeur (2.000 m d'eau et 4.000 m de plancher océanique) qui suscite l'appétit des pétroliers, l'espoir des collectivités locales dans un des départements les plus pauvres de France mais aussi la crainte des écologistes.
Refonte du code minier
Le ministre des outre-mer, Victorin Lurel, a d'ailleurs souligné vendredi son attachement au projet guyanais en mettant en avant les retombées financières escomptées.
La décision du gouvernement de suspendre les travaux est justifiée, souligne néanmoins Christian Roudgé de GNE, estimant que le public n'a pas été associé et que le traitement du risque industriel n'est pas satisfaisant.
Le flou apparent entourant l'avenir du permis guyanais n'inquiète pas Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement (FNE), qui voit une tentative de rassurer les acteurs de l'énergie. Mais cela ne ferme pas la porte à la régulation que nous demandons, ajoute-t-il.
Reste que l'Etat n'a pas les moyens d'abroger aussi simplement des permis de recherche déjà accordés, rappelle Me Arnaud Gossement, auteur en 2011 d'un rapport sur le code minier pour le gouvernement précédent.
C'est la même problématique qu'avec les gaz de schiste, dont trois permis avaient suscité une grosse mobilisation l'an dernier en France, rappelle-t-il. Le gouvernement avait dû faire voter une loi, celle interdisant la fracturation hydraulique, pour en obtenir l'abrogation.
Pour sortir de cette gestion dossier par dossier, la seule solution, défend-il, est de mettre plus de transparence et de démocratie dans le code minier, texte de 1956 issu d'une loi de 1810 qui régit l'exploitation du sous-sol français.
Une refonte d'ores et déjà promise par le gouvernement afin d'obtenir des garanties économiques et écologiques qui n'existent pas aujourd'hui.
(©AFP / 15 juin 2012 18h13)