Le lendemain matin, je recevais un coup de téléphone de ma patiente me disant que son beau-père était en train d'agoniser après avoir passé une bonne nuit avec de bons résultats médicaux. Il n'y avait plus rien à faire, il allait être ramené chez lui.
Vous pouvez imaginer ma déception et ma tristesse l'espace de quelques temps. Puis je me suis positionnée en tant que juge avec un recul sur cette histoire.
Nous n'avons pas le pouvoir de redonner la vie quand le moment de la personne n'est pas venu.
En soins palliatifs ou en réanimation notre rôle ne consiste qu'à accompagner la personne vers le porte qui est la sienne : celle de la terre ou du ciel tout en la maintenant en vie.
Si j'utilise volontairement ce terme en vie, même lorsqu'il s'agit de la mort c'est que cette notion est très importante dans les deux cas.
J'avais demandé préalablement si le monsieur était croyant. On m'avait répondu que sa croyance était très grande et qu'il écoutait souvent le coran chanté.
A la fin de ma séance je lui ai alors glissé à l'oreille : "Allah Akbar" ("Dieu est grand" en arabe). A la seconde même il a pri une grande bouffée d'air.
Etait-ce là qu'avait eu lieu le plus grand impact de mon travail ?
Alors que ses enfants avaient peur de lui parler de Dieu sous peur qu'il veuille le rejoindre, je le remettais entre ses mains. S'il devait vivre il allait se remettre ; si son heure était venue, il allait partir en paix.
Nous avons besoin de forces dans le deux cas, la preuve en est les personnes qui restent sur le seuil de la mort pendant des mois et qui s'autorisent à partir après un mot libérateur d'une personne qui leur est proche.
Ce sujet est vaste et sûrement polémique. Tous ne partageront pas mon avis. Je peux le comprendre. Je pose juste ici une réflexion qui s'est opérée en moi après une expérience particulière.
Si d'autres personnes ont eu à travailler en soins palliatifs ou en service de réanimation, je serais ravie d'en connaître leur ressenti.