Bien qu’il sorte juste avant l’été, Freewheel n’a rien de balnéaire ni d’ensoleillé. Le réconfort qu’il procure se rapproche davantage de celui de l’homme retrouvant l’âtre de son foyer après avoir bravé une tempête de neige. Il y a quelque chose de métaphysique dans le balancement permanent de cet album entre l’introspection profonde et la confrontation aux éléments naturels et à leur majesté parfois effrayante. Le K s’intéresse à la fois à l’immense et à l’infiniment petit. L’immense, ce sont ces nappes synthétiques denses comme le blizzard, ces mélodies mélancoliques, parfois déchirantes, qui semblent devoir tout ensevelir. L’infiniment petit, ce sont ces nuées de sons d’ambiance, de carillons, de cymbales frottées, ces détails qui n’en sont pas car ils constituent l’essence de ce premier album qui a de quoi envoyer tous les Gold Panda et Pantha du Prince d’Europe dans les cordes.
Habituellement centré sur la house minimale, Karat sort peu de longs formats mais lorsqu’il le fait, on peut s'attendre à de la haute qualité. Cela s’est encore vérifié l’an dernier avec le joli Fake Is Beautiful de Dolibox. Mais cette fois il se pourrait bien que le label parisien ait trouvé son album de référence. La variété de ses tempos et de ses textures, l’audace et la cohérence de ses choix artistiques, sa complexité, font de Freewheel un disque bien plus important qu’il n’y paraît au premier abord. Un disque à apprivoiser, qui demande du temps et de l’attention, et qui récompense ces efforts par un plaisir intense et raffiné.
Je pourrais faire longuement valser les adjectifs pour décrire cette sorte de long poème qui a pris 3 ans de sa vie à son auteur. Ténébreux, psychédélique, enfantin, savant… Freewheel est tout cela à la fois car il s’apparente avant tout à la représentation d’une âme en mouvement. Son inconstance est le gage de sa sincérité. Le K vagabonde des montagnes aux plages des Pyrénées-Orientales de son enfance, happé par "La Mystique du Canigou", petit chef-d’œuvre d’électronica druggy, avant de scruter des rivages brumeux sur un "Boards of Leucate" jazzy et onirique.
Il verse parfois dans la deep house ou la techno, mais y incorpore toujours du violoncelle, des cuivres ou quelques notes de guitare, suffisants à désorienter l’auditeur. Cela donne des titres somptueux et intrigants comme "Lovely Sleep", dont les cordes et les micro-samples rappellent Horror Inc., ou comme "Sudden Impulse", qui prend, vers la fin, des accents pop surprenants. Il y a franchement de quoi être impressionné. L’air de rien, sorti de nulle part ou presque, même s’il est loin d’être un novice, Le K assène ce qui restera à coup sûr comme l’une des grosses claques électroniques de 2012. Une révélation.
En bref : sorte de longue hallucination hivernale, le premier album du Français Sylvain Garcia est un petit chef-d’œuvre d’électronica traversé de quelques fulgurances techno. On ne fera probablement pas beaucoup mieux dans le genre cette année.
Le site de Karat Records
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