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Carnet de ma petite cuisine

Publié le 15 juin 2012 par Christian Cottet-Emard

Du numérique.
Je fais partie des 350 auteurs qui ont répondu au questionnaire « Auteurs et numérique » de l’ARALD (Agence Rhône-Alpes pour le Livre et la Documentation), je fais partie des milliers de lecteurs qui ont lu le dossier de Télérama consacré au même sujet et je me demande pourquoi on s’excite tant sur cette question. Qui a peur du numérique ? Malgré tout le bien que je pense du numérique, je ne crois pas que les auteurs pourront en attendre de grands bouleversements. La majorité d’entre eux, celles et ceux qui ne vivent pas de leur plume, continueront de publier comme ils peuvent et d’être mal ou presque pas payés. Pour la minorité des auteurs à gros tirages, le numérique donnera lieu à quelques aménagements de contrats qui permettront aux éditeurs lucides de calmer les ardeurs des quelques fortes têtes éventuellement tentées par l’autoédition (en théorie, le numérique peut permettre de se passer de cet intermédiaire entre l’auteur et le lecteur qu’est l’éditeur). La vraie question pour un auteur me paraît plutôt celle-ci : quel est mon objectif ? Chaque auteur a sans doute sa réponse, la plus commune étant tout simplement d’être gratifié de quelques lecteurs, même peu nombreux, ce qui me paraît suffisant pour être un auteur heureux.
De l’envoi spontané d’un manuscrit.
Depuis que j’estime avoir atteint un point d’équilibre entre le contenu de mes histoires et le style qui me paraît le plus adapté pour les raconter, je n’ai effectué que très peu d’envois spontanés de manuscrits à des maisons d’édition. Les récentes affaires de plagiat (je parle de plagiat de manuscrits) m’ont inquiété.
Cela ne m’a pas empêché de publier presque tout ce que j’ai écrit dans une forme sinon définitive, du moins arrêtée, jusqu’à aujourd’hui. Parmi les ouvrages que je mets en avant dans ma bibliographie résumée, seul le Grand Variable a été publié à la suite d’un envoi spontané chez Éditinter en 2002. L’éditeur Robert Dadillon (que je n’ai jamais rencontré et avec qui je n’ai jamais parlé au téléphone) m’avait publié en me précisant dans une lettre qu’il m’avait lu dans de petites revues. Pour le Club des pantouflards, j’avais accepté la proposition du regretté Claude-Jean Poignant qui était venu me voir sur le stand d’un salon du livre auquel je participais et qui m’avait expliqué ce qu’il attendait pour la collection Petite Nuit qu’il animait avec France Baron à l'enseigne des éditions Nykta. En ce qui concerne mes chroniques humoristiques publiées dans le défunt Magazine des Livres et dont une sélection a été réunie en volume sous le titre Tu écris toujours ? aux éditions le Pont du Change, le projet m’a été proposé en toute simplicité lors d’une conversation avec Jean-Jacques Nuel qui choisissait les premiers titres de sa maison d’édition, le Pont du Change. Le Pont du Change me publie à nouveau (un recueil de trois nouvelles burlesques dont la sortie est prévue pour septembre/octobre.) Les trois exemples que je viens de citer concernent des ouvrages en prose.
Récemment, quelqu’un qui a trouvé un de mes recueils de poèmes dans une bibliothèque m’a demandé si j’avais cessé d’écrire de la poésie et si tel n’était pas le cas, pourquoi je semblais avoir renoncé à en publier. Je ne m’attendais pas à cette question. Ces dernières années, je me concentre sur mes « chantiers » en prose car les opportunités de publication sont plus nombreuses, même s’il faut faire le tri et ne travailler qu’avec des personnes de confiance. La poésie, c’est un tout autre problème. Au début de cette année, j’ai discuté avec un poète qui publie souvent chez Gallimard. « Cela existe-t-il encore, des gens qui envoient des poèmes par la poste chez Gallimard ? » lui ai-je demandé tandis qu’il me répondait par l’affirmative en ajoutant : « vous savez, les petits éditeurs de poésie, on casse la croûte et on bois un verre avec eux, on fait des soirées, mais après... » J’ai trouvé cette réponse non seulement amusante mais encore assez proche de quelques expériences vécues au début des années 1990 lorsque me tentait encore la publication de poèmes dans de petites revues et maisons d’éditions le plus souvent associatives dont je ne remets globalement pas en cause la qualité et le travail mais au sein desquelles il était fréquent pour un auteur de se trouver confronté à deux problèmes en particulier : un comité de lecture trop nombreux qui finit par sélectionner les manuscrits qui plairont au plus grand nombre, ce qui se traduit souvent par le rejet automatique des textes trop originaux, ou un décideur solitaire qui exclut tout ce qu’il ne juge pas conforme à « ce qu’il attend » , à « ce qu’il recherche » , ainsi qu’il le stipule dans ses lettres de refus. À choisir, personnellement, je préfère encore le deuxième cas de figure (encore que le risque soit grand pour que nombre d’auteurs soient de ce fait tentés de calibrer leurs textes, ainsi qu’on le constate dans des catalogues alignant des poètes qui semblent tous avoir écrit le même livre). Fort de cette constatation et, comme je l’ai précédemment précisé, j’ai privilégié la publication de mes ouvrages en prose, continuant à écrire de la poésie sans déployer d’efforts soutenus pour la publier, à l’exception de quelques plaquettes hors commerce à usage presque privé.
Désormais, les techniques d’impression à la demande, les blogs et le numérique (j’y reviens) ont un peu changé la donne. Tout en reconnaissant, je le répète, la qualité de nombreuses petites revues et structures d’édition ou de microédition encore en activité, je ne me sens plus guère motivé pour effectuer des envois spontanés de poèmes pour lesquels l’éventuelle décision de publication prendra des mois voire des années en raison de la faible périodicité et de la fragilité financière chronique de ces supports. Et je ne parle pas des blogs sur lesquels on peut mettre des textes en lecture tout de suite, avec toutes les illustrations qu’on veut ! Pour ne citer qu’un exemple, j’ai encore en mémoire cette petite revue à laquelle j’avais envoyé un long texte à la fin des années 90 et dont j’ai appris la publication par le plus grand des hasards six mois ou un an après, si je me souviens bien !
Si nous parlons maintenant de ce qui fâche, c’est-à-dire de diffusion et de vente, il faut bien se résoudre au constat suivant : aujourd’hui, tout poète un peu pragmatique (oui, ça existe !) est en mesure de donner lui-même à ses textes en les autoéditant et en ayant recours à un prestataire bien choisi d’impression à la demande une diffusion égale voire supérieure à ce que peut lui offrir une petite revue ou un micro éditeur, surtout si ce dernier, comme c’est parfois encore le cas (on croit rêver) est allergique à internet.
Quant à moi, n’étant pas encore tenté par l’autoédition de ma poésie parce que j’ai autre chose à faire dans le domaine du roman et de la nouvelle, je reste dans l’expectative et je m’en tiens à ma plus fréquente stratégie dans l'édition comme dans la vie : « dans le doute, abstiens-toi. »


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