Ça
tient à peu de choses. Un Orangina pour deux commandé à une terrasse de café
aura suffi à mon adolescent de fils pour se moquer de mes radineries de classe
moyenne.
En
grandissant, les enfants ont désormais vite fait de débusquer les stratégies déployées
par leurs parents pour préserver contre vents et marées leur statut social. Quelques
jours de retard dans le versement de l’argent de poche, l’achat différé au mois
suivant d’un sweat à capuche, l’appel à la générosité familiale pour l’achat
d’un vélo ou d’un Ipod à l’occasion d’un anniversaire… autant d’indices d’une
tension financière qui avaient jusqu’à présent échappé à la sagacité de mes
rejetons.
Voyant
que je passais de longues heures sur des sites de comparateurs de prix pour
remplacer le congélateur qui a osé lâché alors qu’il avait moins de deux ans
(eh oui, j’avais dédaigné l’onéreuse extension de garantie), mon fils s’est
exclamé : « C’est très classe moyenne ! ». Un petit tour au
hard discount du coin, un voyage low cost avec une valise pour quatre, plus
rien ne lui échappe. L’adolescence leur donne une acuité nouvelle, une
curiosité aiguisée à l’égard du train de vie familial. Il est venu le temps du
coming out social : « oui, fiston, tes parents font partie de la classe
moyenne ! ». Gageons que son regard sarcastique me donnera un chouïa
de recul pour mener à bien ce vaste récit de la classe moyenne.