Sur un ton polémique et catégorique, le journaliste Paul Jorion explique que le Professeur Salin a tout faux dans son analyse de la crise. Rétablissons quelques vérités.
Par l ’auteur du site Libéralisme expliqué.
Un certain Paul Jorion, journaliste et « diplômé en sociologie et en anthropologie sociale » a écrit un article dont le but est ouvertement de nuire à l’image de Pascal Salin, Professeur émérite de l’Université de Paris Dauphine en critiquant un article qu’il a publié dans Le Monde intitulé « Revenir au Capitalisme ».
Sur un ton polémique et catégorique, il explique que le Professeur Salin a tout faux dans son analyse de la crise pour deux raisons :
1. De 2004 à 2006, il y a eu un peu plus de titres adossés à des crédits hypothécaires émis par des banques privées que par les agences d’État Fannie Mae et Freddie Mac, graphique non sourcé à l’appui.
2. Les prêts immobiliers risqués du gouvernement viennent du fait que Bush voulait une société de propriétaires, ce qui était un argument du Cato Institute où Pascal Salin a des « amis et admirateurs ». Un peu plus et Jorion nous expliquerait que Pascal Salin est de ce fait responsable de la crise !
On pourrait dire qu’il n’est pas lieu d’apporter une réponse à ces deux arguments, pourtant, cet article arrive en troisième position quand on tape « Pascal Salin » dans Google sous le titre « Pascal Salin est très mal informé ». Il semble donc utile de rétablir quelques vérités concernant chacun de ces deux fabuleux arguments :
1. Pascal Salin ne dit pas que la crise n’était due qu’aux Government–Sponsored Entities (GSEs) Fannie Mae et Freddie Mac. C’est d’ailleurs un argument qu’il ne sort qu’en complément (et dont il ne parle même pas dans le fameux article du Monde !). Son premier argument est que la crise est principalement due aux politiques monétaires de la Federal Reserve, comme il le dit dans l’article :
En effet, la cause de la crise réside dans la politique d’expansion monétaire pratiquée au cours de la première moitié des années 2000, en particulier aux États-Unis. Il en est résulté une abondance de liquidités qui a conduit à financer trop de projets, en particulier des projets risqués, d’autant plus qu’elle était accompagnée d’une politique de bas taux d’intérêt qui faussait les calculs économiques. Cette abondance de liquidités et ces manipulations des taux d’intérêt ont entraîné d’importantes distorsions structurelles en orientant les facteurs de production vers les secteurs les plus dépendants du crédit.
Les taux artificiellement bas de la Fed au début des années 2000 ont entrainé une bulle immobilière dans laquelle les investisseurs ont été conduits à prendre des risques excessifs. D’où le nombre important de Residential Mortgage–Backed Securities (RMBs) provenant des banques privées que pointe Jorion. Le graphique qu’il présente est au final une illustration parfaite de la thèse centrale du Pr Salin. Si Jorion avait seulement lu l’article de Salin qu’il prétend critiquer, il aurait lu : « les banques ont ainsi été incitées ou même contraintes d’accorder des crédits à des emprunteurs peu solvables », ce que l’on observe très bien sur le graphique que Jorion nous donne.
2. L’argument sur le Cato Institute est au ras des pâquerettes puisqu’il consiste à dire que les politiques gouvernementales de crédits ont été influencées par le Cato Institute qui plaidait pour une société de propriétaires. C’est typique des socialistes qui pensent que la fin justifie les moyens. Le Cato Institute n’a jamais dit qu’il voulait une société de propriétaires par tous les moyens possibles, y compris des interventions gouvernementales de toutes sortes. Dans un article publié sur le site du Cato, on peut lire des précisions sur ce qu’ils entendent par là :
Une société de propriétaires valorise la responsabilité, la liberté et la propriété. Les individus sont renforcés lorsqu’on les libère de la dépendance aux largesses de l’État.
Jorion ne fera croire à personne qu’il fallait entendre par là : « l’État doit financer ou favoriser du crédit facile et devenir créancier d’individus artificiellement propriétaires. » Les politiques monétaires et les politiques de logements des années 2000 n’avaient rien à voir avec les préconisations du Cato et de Pascal Salin.
Enfin, Jorion part dans un délire où il fait une pseudo-psychanalyse méprisante de ses adversaires : « Il s’agit une fois encore de prendre Keynes comme punching-ball : sa mort prématurée en 1946 a frustré les Hayékiens de leur adversaire de prédilection et, pareils au pauvre Hamlet, ils n’en finissent pas de se disputer avec le spectre du père-héros mais haï. » Passons sur l’étalage cuistre d’une référence littéraire mal employée (Keynes n’avait rien d’un père-héros pour Hayek) et notons que, dans son article, Salin ne parle ni de Hayek, ni de Keynes et on ne voit pas bien où Jorion voit des combats contre des spectres.
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Sur le web.