Cet article a été publié par POPULISCOOP - Scoop Populaire
Finalement le président algérien Bouteflika, avec un brio laconique et à demi-mots dignes de la langue de bois, parle du lèse-démocratie rapetissant la moralité républicaine qu'intentera le troisième mandat qu'il languit encore, puisqu'il ne l'a ouvertement renié. Dans un entretien accordé, le mercredi 12 mars 2008 à Reuters par la voie écrite, il n'a pas répondu à la question que la presse locale, y compris l'agence APS (Algérie Presse Service), n'arrive pas à élucider faute de jouir de l'égard accordé à l'imposante agence anglaise. En fin manœuvrier, attendant son heure propice, il a préservé le voile sur le primordial qui alimente un vaste débat dans le pays et est largement scruté depuis l'étranger. On lui connaît la recette de ne s'exprimer, une fois son terrain de jeu conquis, d'ailleurs sans grandes thèses. Une conduite qu'il a suivi lors de sa sortie du désert pour reprendre du service. Il ne se place pas au devant de la scène qu'une fois avoir supervisé de loin le champ où il laisse les autres l'inviter, se lavant ainsi les mains d'éventuelles retombées, à chapoter bien plus qu'un parcours du combattant qu'une partie de plaisir. C'est dire aussi que gouverner les pays dits anciennement du tiers-monde, est une corvée à faire marcher des HS « hors-stabilité » croupissant dans l'inconstance et emportés au désœuvrement
Loin d'être la panacée pour la stabilité et la voie qui fait renouer avec le développement, la prolongation de quiconque à la tête de l'Etat algérien, est davantage perçue comme une souillure de la constitution qu'une reconsidération pragmatique tant que cette révision n'advient que pour ça. Prélude au règne à vie, elle manque vraiment d'arguments pour être avalisée tant par l'opinion internationale malgré le crédit dont jouit l'homme auprès d'elle, se faire accepter par l'opposition qui tarde à organiser ses méandres et surtout s'admettre à la frange éclairée qui a toujours suggestionné positivement son peuple. Qui est cette dernière ? Nous y reviendrons obligatoirement plus bas. La première a la renommée d'avoir souvent exercé des pressions sur les décideurs algériens, la seconde se doit avoir une raison d'être en pareilles circonstances cruciales et la troisième est la véritable pierre angulaire de toutes les initiatives qui ont piloté l'histoire contemporaine algérienne. Mais c'est le quitus que délivre l'ANP (Armée Nationale Populaire) qui semble être déjà compromis et manque parmi les atouts du raïs harassé par une pathologie d'ulcère hémorragique dont il dit être rétabli ainsi que par un bilan morose desservi et le mauvais usage de la rente, dû à l'absence totale conceptions sociales, économiques et culturelles dans sa gestion écoulée.
La mystérieuse classe influente, troisième citée ci-haut, qui n'a pas pouvoir de décision mais une fois qu'elle se prononce les destins changent, joue aussi le rôle d'un réel bataillon de reconnaissance et d'anticipation pour l'armée détentrice d'une force de frappe incontournable dans tous processus politique et historique qui puisse se scénariser en Algérie. De composition disparate et à ancrages idéologiques variés, exception faite des islamistes fondamentalement impossible d'entretenir un quelconque dialogue avec eux et qui ne jurent que par une substitution de la caste dirigeante par leurs sbires, elle a revendiqué l'éradication du FIS et sa tentative d'instaurer la théocratie de la charia. Elle a bloqué toutes les démesures qui, semblables à celle qu'ambitionne cyniquement Bouteflika, nombreuses jalonnent le régime étatique et l'apprentissage scabreux des algériens, par la force des faits, de la démocratie. Le président en exercice n'écarte pas encore ce vœu et a même joué sa partition dans l'orchestration qu'il fomente dans l'ombre. Lors de son passage à Tamanrasset la ville des fins fonds du sud, il demanda à un citoyen parmi ceux qui l'idolâtrent : « qui est contre un troisième mandat ? ». On en fait mieux devant les caméras qui en reproduisent la manipulation!
L'armée algérienne n'est pas en odeur de sainteté auprès de beaucoup de pays étrangers où des observateurs peu précautionneux et emportés, au déni du rôle institutionnel qui se perçoit en garde républicaine et contradicteurs potentiels de son potentat. Dans cette interview, il souleva le rôle que la constitution attribue à l'armée formula : « qu'au fur-et-à-mesure que la société se prenne en charge, cette armée se professionnalise ». En recours final elle a maintes fois intervenu pour sauver les meubles, en réservant une étroite écoute de cette sphère anonyme qui, faute d'être habileté à décider ou proposer d'alternative, se contente comme un observatoire indépendant, d'identifier et de déclarer le danger.
Elle tend une oreille bienveillante à cette communauté d'éclaireurs qui se compose du fleuron des dialecticiens de « l'algériologie » (1), une déférence envers des analystes et commentateurs préférés aux appareils officiels tenus par un personnel que les algériens appellent les « Khobzistes » (2). D'ailleurs devant la situation actuelle qui s'avère un réel kidnapping de l'autorité suprême, ce courant informel se distingue par une présence sur le net parmi d'autres appels individuels, qu'autorise le terrain politique. L'opa sur le puissant média public de l'unique chaîne de télé et la retenue des journaux, même les privés qui ont une audience indéniable, n'étalent pas les désaccords à cette troisième mi-temps que l'article 74 de la constitution ne permet pas. L'étude, stratégique et de conjoncture, que livre déjà ces hommes et ces femmes que l'armée suit habituellement, est émis telle une expression civile à laquelle adhère l'action redoutée des militaires qui consiste en la prévention des menaces dont elle est prévenue de leur gravité. Dès que cette classe éclairée s'exprime sur les périls d'une donnée par rapport à l'avenir, le changement s'opère... Sinon l'histoire suit son court jusqu'à buter en des inconvenances plus difficiles à corriger, atteignant le jusqu'au-boutisme d'où il deviendrait plus difficile de s'en sortir, l'insécurité en est l'exemple majeur.
Du moins telle est l'expérience et la lecture qu'on a depuis que ce pays existe. Quand le parcours bute à deux voies : le stop ou la continuité du cadre présidentiel qui jouit d'une prépondérance sur l'ensemble des décisions, la grande silencieuse intervient faisant à l'histoire de ne pas démentir cette catégorie d'intervenants désignés, depuis peu en éradicateurs mais existaient depuis des lustres. Discrètement et surtout directement l'armée mène des putschs que dicte la gravité des éventualités fournies sur la place publique par ces doctes cadres, prenant à chaque fois son bâton de pèlerin pour le choix risqué à résoudre la vertigineuse option que seule sa force d'orthodoxie institutionnelle peut rectifier. Outre de l'écoute des élites, son audit interne diligenté par les officiers les plus hauts gradés au commandement desappareils et hautes hiérarchies, la fin de non-recevoir se met en branle quelque-soi le dirigeant.
Devant le dilemme que les élites ont déjà identifié avec cette nouvelle monopolisation qui ampute l'avancée démocratique, l'expertise des militaires est déjà en marche, on se l'imagine à bâtons-rompus. Une première révélation a été divulguée par le satirique « Bakchich-Info », telle une sinécure crédible qui intègre le sens, ici, de notre propos. Il est inimaginable que l'armée lui accorde cette prolongation, en rompant avec sa tradition. Ce qui serait compris comme une trahison de la conviction consistant à redresser les déviations. A moins qu'il a eu le temps de mettre ses hommes aux postes clés de cette armée décriée pour son interventionnisme. Les remaniements qu'il a opéré en fin d'année 2007 au sein de son cabinet en installant deux femmes, Farida Bessa et Habba El-Okbi, la première à la communication de la présidence et la seconde au secrétariat général dans l'objectif de reconfigurer ses proches, pour la seule échéance de se maintenir.Ameutées de deux entreprises de transport pour la communication et à son secrétariat, sont considérés en une protection de son proche environnement. Car bien d'autres désignations encore sur table, notamment diplomatiques que l'armée est censé obligatoirement approuvées par ses attachés consulaires, n'ont pu être admises dans la machinerie que le président a proposé pour s'en servir dans son ultime dessein de la révision constitutionnelle et de se maintenir à la tête du pays.
D'autres répliques de divers horizons ont déjà émis des opinions sur l'esquisse, de Nième perversion qui assujettit la constitution et à laquelle s'est abonné l'ex. parti unique qui a main basse sur le sigle FLN relevant de la mémoire commune et premier, de l'alliance dite présidentielle, à balancer dans ses rangs cette perspective considéré déjà en unique avenir pour le pays. Tous l'échiquier politique se positionne par rapport au projet, avancé depuis 3 ans sans obtenir d'approbation,de ne pas ajourner les deux successions présidentielles en révisant la première loi. Certaines comme Abdelhamid Mehri, qui a servi tous les chefs et étaient à toutes les ripailles aux côtés de Bouteflika, ont émis une sorte d'affliction revancharde parce qu'ils étaient éclipsé sous ce règne. Ils n'en veulent pas de cette convoitise, mais prennent discernement de ne pas ouvertement afficher la vendetta assourdie dans leurs propos. Rahabi un ancien ministre de l'information désigna Bouteflika de « lapin », position connue des sprinters secondaires dans la mesure où il joue un challenge de seconde zone. Alors que Benbitour, le premier chef du gouvernement qu'il a désigné en accédant au poste et qui le quitta au bout de quelques mois en dénonçant une mégalomanie, il dresse un accablant réquisitoire de la direction quasi plate pourtant montrant une agitation.
La genèse des transitions des présidences algériennes montre qu'elles sont toutes liées aux correctifs de l'armée face aux abus. Quand le général à retraite, pour remonter à partir du dernier Liamine Zeroual, a été appelé à la rescousse pour arrêter le zèle d'Ali Kafi, c'était le même scénario « éfeleniste » (3). Le remplaçant de feu Mohamed Boudiaf voulait s'éterniser au poste par la grâce de l'état d'urgence qui est toujours en vigueur, sans projet, juste une décennie ou bien tant qu'il sera en vie, croyait-il. Manière à laquelle que guigne Bouteflika d'après son discours du 7 juillet 2007 devant l'état-major : « votre occupation la sécurité et moi la politique... » Elle a déjà remercié le plus crédule des chefs d'Etat qu'a connu l'Algérie, Chadli pourtant venant de ses rangs qui a finalement, après des années de silence, accordé une interview pendant le mois de décembre 2007 au plus important quotidien arabophone « El-Khabar » pour donner son point de vue du clivage entre militaires et civiles pendant et après la guerre d'indépendance. Aux prémices de l'existence d'une nation algérienne souveraine, l'armée a mis directement fin à la débandade du premier de tous, Ahmed Ben Bella, sous la houlette de Houari Boumediene qui était à la fois vice-président de la république et ministre de la défense.
(1) Algériologie : terme employé pour désigner toutes les littératures qui ont sujet l'Algérie. Sachant que les livres pamphlétaires sur le terrorisme sont de véritables produits commerciaux.
(2) « Khobziste » de « Khobz » : le pain. C'est le subalterne de service qui a un gagne-pain dans un système corrompu sans jamais critiquer ou rechigner.
(3) « Eféléniste » du FLN.