Ils pouvaient hurler, railler, crier. S'emballer pour un fait divers de campagne, et même embarquer l'ensemble médiatique qu'ils critiquaient tant pendant la campagne présidentielle sur ce tweet de trop. Les faits restaient têtus.
Semaine après semaine, François Hollande appliquait son programme.
Depuis son élection, avec son premier ministre, il avait édicté une charte éthique, assuré la parité du gouvernement, publié un décret amendant la réforme Sarkozy des retraites, et annulé la circulaire Guéant relative aux étudiants étrangers. Il restait évidemment encore à faire, mais, pour cela, il fallait une majorité à l'Assemblée.
Ce mercredi, deux nouvelles mesures étaient présentées en conseil des ministres.
Promesse tenue, une loi contre le harcèlement sexuel
Le projet de loi a été co-présenté en conseil des ministres par Christiane Taubira, la Garde des Sceaux, et Najat Vallaud-Belkacem, en charge des droits des femmes. Ce sera l'un des premiers textes à l'ordre du jour de la nouvelle Assemblée élue dimanche 17 juin. Il est déposé dès ce 13 juin au Sénat. Le 4 mai dernier, le Conseil constitutionnel avait annulé l'article 222-33 du code pénal qui prévoyait le délit de harcèlement sexuel. La consultation d'associations et d'experts a été rapide pour aboutir sans délai à un texte, et remplir le vide juridique. Mais la ministre avait prévenu que le texte était encore améliorable.
- La première infraction est plus large qu'auparavant: « imposer à une personne, de façon répétée, des gestes, propos ou tous autres actes à connotation sexuelle, soit portant atteinte en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créant pour elle un environnement intimidant, hostile ou offensant »
- La seconde vise le chantage sexuel, c'est-à-dire le harcèlement qui « même en l'absence de répétition, s'accompagne d'ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave accomplis dans le but réel ou apparent d'obtenir une relation sexuelle, à son profit ou au profit d'un tiers ». Jean-François Copé a annoncé qu'il voterait le texte s'il était réélu.
Promesse tenue, la rémunération des patrons d'entreprises publiques
Elle sera plafonnée dès l'été à 20 fois la moyenne des plus basses rémunérations des entreprises publiques (afin de neutraliser les écarts entre bas salaires d'une entreprise à l'autre). L'UMP Jérôme Chartier avait fustigé le renoncement à cette promesse il y a 3 semaines... à tort. Ce plafond, a précisé Pierre Moscovici en sortant du conseil des ministres, correspond à 450.000 euros annuels. Moins de 20 mandataires sociaux gagnent plus que cela... Le plus touché sera Henri Proglio. Restent protégés par leur contrat de travail les éventuels cadres dirigeants salariés dans ces entreprises. Ce nouveau dispositif s'appliquera « à l'ensemble des entreprises publiques détenues majoritairement par l'Etat (comme EDF, Areva, La Poste, SNCF, RATP, etc.), y compris leurs principales filiales », mais aussi « aux établissements publics et autres opérateurs de l'Etat, ainsi qu'à la Caisse des dépôts et consignations et, en liaison avec celle-ci, à ses principales filiales.» Il entrera en vigueur dès 2012, pour les mandats en cours, dont les rémunérations seront revus à l'occasion des prochains conseils d'administration.
Pour les autres entreprises, le gouvernement promet une loi pour l'automne « permettant d'interdire ou d'encadrer certaines pratiques et de rénover la gouvernance des entreprises privées afin de renforcer le contrôle exercé sur les rémunérations ».
La « méthode » du redressement productif
Nicolas Sarkozy pensait que la réindustrialisation passait par quelques tables rondes dans des usines-modèles, avec des ouvriers souvent figurants. Pour parfaire les symboles, il avait même installé 6 « commissaires à la réindustrialisation ». Six ... pour 22 régions.
Arnaud Montebourg les a supprimé cette semaine. Pour installer d'autres vigies.
L'appellation semblait pompeuse mais républicaine. L'affichage était important et symbolique. D'ici quelques semaines, le gouvernement va nommer un commissaire au redressement productif dans chacune des 22 régions de métropole. Ce dernier aura pour mission d'animer une « cellule régionale de veille et d'alerte précoce » des difficultés d'entreprises industrielles, et, pour celles de moins de 400 salariés, de les assister dans la résolution de leurs problèmes.
Ce mercredi, nous avions une triste confirmation. Nicolas Sarkozy avait bien abusé de contrats aidés pour réduire, à coup de subventions, les statistiques du chômage. Son gouvernement avait prévu quelque 340.000 contrats aidés pour l'ensemble de l'année 2012. Surprise, juste avant l'élection présidentielle, plus de 390.000 personnes bénéficiaient de contrats aidés, un record historique depuis ... 1996. L'information venait de l'AFP. Michel Sapin, ministre du Travail, venait d'écrire aux préfets pour la mise en place de 80.000 emplois aidés supplémentaires, dont 60.000 « contrats d'accompagnement dans l'emploi » dans le secteur non marchand et 20.000 « contrats initiative emploi » en entreprises, pour un coût global estimé à 400 millions d'euros.
L'Europe en crise
Mardi, François Hollande n'avait pas qu'une réunion sur l'affaire du Tweet. Il avait mieux à faire, en rencontrant Sigmar Gabriel, le président du SPD, et Frank-Walter Steinmeier, qui préside le groupe parlementaire SPD au Bundestag. Ce dernier est clé pour faire pression sur Angela Merkel. La chancelière a besoin du SPD pour adopter l'ancien traité budgétaire européen, vieux de 10 mois déjà. Pour l'amadouer, elle s'est ralliée à l'idée d'une taxe sur les transactions financières internationales.
Hollande n'a pas abandonné son projet d'insuffler davantage de croissance dans le pacte européen. Mais l'Europe tremble. Tous les taux d'emprunt européens ont remonté ces dernières heures. L'Europe tremble avant le scrutin... grec. L'Italie, dans la ligne de mire des marchés, empruntait mercredi à 6,2% (à 10 ans). « Les investisseurs préfèrent se retirer de l'Europe » expliquait un courtier.
François Hollande s'est confié à la télévision grecque: «Si l'impression est donnée que les Grecs veulent s'éloigner des engagements qui ont été pris et abandonner toute la perspective de redressement, alors il y aura des pays qui préféreront en terminer avec sa présence dans la zone euro.» Et il ajouta: «Autant il est possible et j'y veillerai, comme président de la France, d'apporter des fonds à la Grèce pour sa croissance, pour l'amélioration de sa situation, autant l'abandon pur et simple du mémorandum serait regardé par beaucoup de participants de la zone euro comme une rupture». Bref, Hollande n'envisage pas d'un abandon grec de l'euro, mais il prévient que celui-ci risque d'être inéluctable sans remboursement des aides.
Dommage pour eux.
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