"Journal secret du Petit poucet" écrit par Philippe LECHERMEIER et illustré par Rébecca DAUTREMER est une version superbe du conte retranscrit par Charles PERRAULT.
Petit Poucet note tous les jours les événements de la journée, enfin presque. Grâce à sa voisine Mme Marigoult qui sait tout, il y ajoute aussi la fête des Saints qui souvent donnent une couleur à l'humeur de la journée.Bien-sûr entre les pages nous y retrouvons le conte... des parents qui abandonnent dans la forêt leurs enfants, une fratrie de 7 garçons. Le petit dernier, Petit Poucet pas plus grand qu'un pouce, a été témoin des préparatifs macabres et trouve la solution pour rentrer à la maison. Des petits cailloux et la seconde fois des petites miettes de pain. Mais le pain est mangé, les enfants vraiment perdus en forêt.Ils trouveront tout de même une chaumière accueillante, habité par un ogre, sa femme et ses sept filles et aussi possesseur des Bottes de 7 lieux.
Petit Poucet est inventif, intelligent, il ponctue son quotidien de petits soupçons de poésie mais aussi des dessins. Des détails marquants la misère, les conditions de vie,la ville et la forêt dangereuses. Il est aussi plein d'humour et de tendresse.Il reste le héros de l'histoire et en plus de celle déjà explicite, ici, l'auteur lui offre encore plus de profondeur: un petit frère moqué mais pas seul, un petit meneur aux idées rocambolesques et pleine de saveurs.Les frères prennent de la texture, ils ont un nom, une particularité et apportent avec les garnements voisins une atmosphère d'enfants, batailleurs, renifleurs mais force en puissance. Les comportements, les batailles, les moqueries, les amourettes et le manque d'hygiène de certains, amènent aussi une lecture de l'enfance et d'autres légendes (par certains prénoms).Les méchants sont ici différents: à deux parents abandonneurs potentiels, ici seule une marâtre aux manigances autoritaires, Popotte. Le papa est victime aussi et l'image dans les rêves de la vraie maman, partie trop tôt, apporte la chaleur humaine et familiale que le conte d'origine n'a pas.L'ogre est magnifique, encore, et est aussi accompagnée par sa femme, ogresse aussi, et par toutes les terreurs enfantines.
Mais le grand personnage est bien la Grande Privation. Cet état de faim, de misère. Petit Poucet en parle tous les jours, dans les menus (soupe aux cailloux blancs, soupe au mou) mais aussi dans les rêves de goinfrerie. Les cauchemars sont aussi des manques de repas.Les méchants n'en prennent pas vraiment pour leur grade
Le travail de Rébecca DAUTREMER est impressionnant. Près de 200 pages sont illustrées, d’annotations en marge, de découpages, de peintures, d’écritures, de collages, de déchirures.Les croquis de Petit Poucet sont accompagnés par les grandes pages illustrant l'histoire, les personnages...
L'humour du texte est ici amplifié par ces imageries de nourriture et de non-sens. Les détails sont fabuleux, très précis au style photographique pour le réel. Des croquis aussi très détaillés sur des machines, des éléments importants comme le corset de Popote, les Bottes de 7 lieux, apportent un côté presque scientifique à l'histoire et les cartes, les plans amplifient cette impression de grande aventure. Il reste cependant des pages ouatées, magnifiques de douceur, pour les moments de liberté, d'attente. Et les personnages sont magnifiques, avec bien-sûr une mise en avant de la beauté du Petit Poucet et de Maricrotte, la petite voisine...
Rébecca Dautremer - Journal Secret du Petit Poucet par Librairie_Mollat