Dans la continuité des interviews de IMHO ou de Doki-Doki, voici à présent le tour d’un diffuseur de japanimation : WAKANIM.
Depuis octobre 2010 et le lancement de Que sa volonté soit faite, cette société française propose de nombreux animes directement on line, soit gratuitement ou via un abonnement premium payant, grâce à une plate-forme unique. Grâce à une offre grandissante et de qualité ainsi qu’un site web suivant de près l’actualité de la japanimation, WAKANIM s’est rapidement fait une place dans l’univers hexagonal de la japanime.
À la tête de ce studio établi à Tourcoing dans le 59 on retrouve Olivier Cervantes, co-fondateur avec Ludovic de la société, qui a aimablement accepté de répondre aux questions du chocobo. Avec ce fan de Takahata, Miyazaki, Daï Sato, et d’œuvres comme Cowboy Bebop, Ergo Proxy et surtout Noein, nous avons pu aborder de nombreux sujets : la création de WAKANIM et ses spécificités, le rapport avec la concurrence et les japonais, les séries à succès, le fan sub et la japanimation en elle-même sans, enfin, oublier les futurs projets !
C’est donc parti pour cette interview découverte… Bonne lecture !
Wakanim : les débuts
Bonjour Olivier !
Hello !
L’idée de WAKANIM trotte depuis longtemps dans nos têtes, et c’est en 2008 que la décision de se lancer réellement dans la concertation de ce projet a été décidée.
À l’époque j’étais étudiant en cinéma d’animation (en licence pro à l’école les Gobelins à Paris). Avoir un pied dans le secteur m’a permis d’aller assez vite pour monter nos idées, même si ça reste relatif, car il a quand même fallu presque 3 ans pour que la structure soit fonctionnelle.
On est parti d’un constat : le marché de l’animation japonaise n’avait pas franchi le cap des possibilités offertes par les nouveaux médias, et souffrait d’un piratage toujours plus pesant.
Les 2 premières années ont été un travail d’étude et d’échange avec les sociétés de production, pour savoir ce qu’elles attendaient du marché. À partir de là nous avons construit nos solutions et nous les avons soumises aux producteurs.
C’est en 2010, en octobre que nous avons diffusé notre premier simulcast avec TV-Tokyo sur la série « Que sa volonté soit faite ». Depuis, notre fonctionnement n’a pas changé, nous soumettons toujours aux japonais des idées pour améliorer l’offre (le sans DRM, le téléchargement et streaming gratuit sur une durée limitée etc…). Nous essayons d’être à l’écoute des 2 parties, fans et producteurs.
Quelles étaient les objectifs au départ ?
L’objectif n’a jamais changé : apporter une alternative au piratage qui soit légale, bénéfique pour le marché et accessible pour tous les fans. On ne voulait sacrifier ni la qualité, ni la vitesse de publication et surtout pas l’accessibilité des programmes.
L’idée était aussi frapper un coup sur le secteur de la VOD, qu’on trouvait vraiment trop rigide.
Quand vous vous lancez en 2007/2008, la japanimation en France n’est déjà plus un marché en super forme… Qu’est-ce qui vous a motivé malgré tout ?
La motivation est justement là, on voulait innover, apporter une base nouvelle pour l’exploitation des séries en France. Il nous reste beaucoup de travail pour y arriver, mais je pense qu’on a brisé certains murs. On essaie d’avancer, dans la limite de nos moyens, vers une offre transmedia où internet, la TV, les DVD et Blurays sont complémentaires.
Sur quoi s’est basé votre choix du modèle streaming gratuit / abonnement payant ?
Nous souhaitions que tout le monde puisse y trouver son compte ; gratuit ou payant, téléchargement définitif ou location, SD / 720p ou 1080p, etc…
L’offre gratuite était un élément indispensable du modèle que nous souhaitions mettre en place, mais elle devait être pensée pour ne pas cannibaliser les exploitations futures (sur les autres supports par exemple).
Comment se sont passés vos premiers contacts avec les Japonais ? Est-ce que votre type de plate-forme a été un concept porteur ou une difficulté supplémentaire ?
Les rapports se sont bien passés dès nos premiers contacts, on a eu de la chance d’être aidé par des producteurs japonais influents qui ont été à l’écoute de ce que l’on voulait faire.
On a été « challengé », le marché n’allait pas très bien (et ce n’est toujours pas terrible), on nous a dit que si on croyait en nos solutions il fallait leur prouver qu’on avait raison. Petit à petit on a construit un rapport de confiance avec les producteurs qui étaient satisfait de notre travail.
Chose assez inhabituelle, vous expliquez effectivement que, finalement, convaincre les japonais a été la partie la plus simple de vos débuts… Quelle a été la partie compliquée ?
La partie compliquée a été en France, sur les deux axes principaux pour se développer : trouver des partenaires financiers (banques, investisseurs) et des partenaires industriels.
On a essuyé pas mal d’échecs et on a exploré des pistes qui n’ont menée à rien. On aurait pu sortir WAKANIM 2 ans plus tôt, mais ces expériences ont été formatrices.
Depuis le début de votre activité quel bilan tirez-vous… Ça fonctionne comme prévu ?
On est toujours un peu frustré par les limitations d’une petite structure comme la nôtre, on aimerait aller plus vite, proposer plus de contenu… Nos résultats sont encourageants et sur 2012 nous redoublons d’efforts pour réaliser nos objectifs et pouvoir passer aux prochaines étapes de notre développement.
Technologie et japanime
WAKANIM a déjà franchi le cap de format physique, nos DVD de Que sa volonté soit faite sont disponible depuis décembre 2011. En toute honnêteté nous pensons que le support physique n’est plus grand public, il s’adresse à un marché de collectionneur qui est assez réduit par rapport à il y a quelques années.
Nous avons des projets sur ce point, mais il est trop tôt pour en parler, il nous reste beaucoup de travail pour mettre en place nos idées.
Le streaming et le téléchargement d’anime on line est encore quelque chose de récent si on le compare au DVD ou Blu Ray…Est-ce que techniquement vous diriez que c’est quelque chose de rodé ou que l’on se situe encore dans l’expérimentation ?
C’est un domaine passionnant et qui évolue à une vitesse incroyable, pour rester dans la course et avoir les meilleures performances et la meilleure qualité il faut toujours rester très attentif.
C’est très prenant.
Nous expérimentons sur des technologies nouvelles en partenariat avec des grands acteurs comme Microsoft.
Nous avons aussi un projet secondaire (Ukiyo) qui est un documentaire tourné en 360° (une caméra à 12 objectifs) sur le domaine de l’animation japonaise et du phénomène Fansub.
Une double dose de plaisir puisqu’on touche à des technologies nouvelles (Kinect, prédictibilité des mouvements, streaming adaptif en MPEG DASH etc…) et qu’on creuse une réflexion sur notre marché !
Vous effectuez pas mal de collaboration : Wat.tv, Dybex, ça a failli se faire avec Mega Upload… Pourquoi ces partenariats ? Est-ce vous vous verriez fusionner avec un autre label ?
Quand on est une petite structure et qu’on cherche à faire valoir ses idées, ce type de partenariat permet d’accélérer un peu le développement. Cependant nous ne nous focalisons pas dessus, nous sommes très indépendants et nous tenons à garder ce statut.
Nous regardons avant tout la qualité de l’animation, du dessin, son originalité et les scénarios des animés que nous diffusons. Nous cherchons des séries qui rassemblent les fans pointus et aussi un nouveau public néophyte de l’animation japonaise.
Votre catalogue contient des adaptations de manga et des créations originales… Une préférence pour l’un des deux genres ?
Nous préférons les œuvres originales, mais elles sont de plus en rare, et de moins en moins ambitieuse au vue de la structure du marché. L’animation est aujourd’hui le parent pauvre du secteur culturel japonais, beaucoup de séries ont une ambition purement fan service, pour les fans d’un jeu, d’un manga ou d’une marque de jouet. Dans un marché en crise les acteurs s’accrochent aux valeurs sûres, et c’est souvent au détriment de l’innovation et de l’originalité.
Puisque l’on parle japanimation, est-ce qu’il y a un studio d’animation qui vous plait particulièrement et pourquoi ?
J’aime les studios qui font vivre les personnages qu’ils animent et qui attache un grand soucis du détail à l’action et la mise en scène : Studio 4°C, Sunrise, Manglobe, Production IG sont parmi mes préférés, mais dans ce secteur, les bonnes surprise sont légions et tous les studios sont capables de pondre de jolie perles.
Vous expliquez que vous travaillez directement avec les studios en amont de la diffusion… Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur ces échanges ?
Nous recevons les épisodes du studio et lorsque nous avons des questions sur la traduction ou l’adaptation (liés en général au scénario à venir, pour être sûr de garder une cohérence) nous avons un contact direct avec eux. Un traducteur de passage dans notre équipe nous a dit être agréablement surpris, il semblerait que nous soyons les seuls à avoir intégrer ces échanges dans la chaine de production.
Nous sommes aussi souvent amenés à communiquer des feedbacks des fans et l’évolution de l’audience ; nos relations au sein dans les studios sont très impliquées dans la diffusion des programmes.
Je suppose qu’on a généralement envie de proposer au public les séries qu’on aime soi-même… Quels sont les freins à ça ? Le prix de la licence ?
C’est un marché concurrentiel, il ne suffit pas de vouloir une série pour l’obtenir. Il faut être le plus convaincant. Nous nous focalisons en général sur des titres bien précis et nous travaillons notre négociation autours de nos points forts. Nous connaissons aussi nos limitations actuelles (exploitation support physique réduite, réseau de distribution réduit) et c’est les points sur lesquels nous travaillons pour élargir nos possibilités.
Quels sont vos titres les plus populaires ?
Accel World, Shakugan No Shana, C-control ont très bien marché.
Les noitaminA sont aussi des valeurs sûres avec un public en général plus restreint mais fidèle.
Est-ce que le simulcast est une « arme » efficace vis-à-vis du fansub ?
Non, ce n’est pas une arme, c’est une main tendue.
Le marché et le Fansub ne devraient pas s’opposer car à la base, les fansubs ne devraient exister qu’en cas d’absence du marché.
Il n’y a pas si longtemps Kazé a rencontré des problèmes avec leur diffusion… Comment on garde la maîtrise de son contenu sur le web ?
Il faut sécuriser sa méthode de travail, et la penser pour éviter les erreurs. Nous faisons tout en interne, aucun élément ne circule, et tout reste offline jusqu’à la publication. C’est un travail d’équipe et le meilleur moyen d’éviter les erreurs, c’est d’être attentif ensemble et de ne prendre aucun risque.
Pour finir quels sont vos projets pour 2012 / 2013 ?
On a un gros projet de développement, mais rien ne permet de dire qu’il sera réalisable à l’heure actuelle. Nous sommes encore en phase de préparation avant lancement.
Une version 2 du site est aussi en préparation depuis quelques temps.
Un message pour votre public ?
Merci de votre soutien, on est là pour répondre à vos attentes donc n’hésitez pas à venir discuter avec nous directement sur le site ou sur notre chan IRC : irc://irc.otaku-irc.fr/wakanim
Merci beaucoup !
Merci à toi et à bientôt !
Merci à Olivier pour cette interview. Retrouvez toutes les informations complémentaires sur le site internet de Wakanim, son Facebook ou son Twitter !