Washington s’écarte de plus en plus d’Islamabad. Le Pakistan craint de se retrouver isolé après le départ de l’Otan d’Afghanistan. Et se cherche de nouveaux alliés.
Publié sur lePoint.fr le 12 juin. Par Emmanuel Derville.
Des camions de ravitaillement de l’Otan bloqués à Karachi
Les États-Unis sont-ils en train de laisser tomber leur “allié” pakistanais ? 11 ans après l’invasion de l’Afghanistan qui avait vu Washington consacrer le Pakistan comme un partenaire clé dans la “guerre contre le terrorisme”, les Américains sont de plus en plus exaspérés par Islamabad. Principal grief : la fermeture des routes pakistanaises aux convois de ravitaillement de l’Otan en Afghanistan. Les diplomates américains venus à Islamabad pour trouver un accord sont rentrés bredouilles ce week-end. Les discussions sont dans l’impasse. “Aucune date n’a été fixée pour la reprise des négociations”, a déclaré la porte-parole du département d’État, Victoria Nuland. Les autorités pakistanaises réclament 5 000 dollars par conteneur transitant sur leur territoire ainsi que des excuses pour la bavure américaine qui avait tué 24 de leurs soldats le 26 novembre 2011 sur un poste-frontière.
Lundi, le numéro deux des forces américaines en Afghanistan, le général Curtis Scaparrotti, a indiqué que l’armée américaine disposait d’autres routes d’approvisionnement pour son ravitaillement, qui passe désormais par l’Asie centrale. En clair : l’Otan n’a plus un besoin pressant des routes pakistanaises pour quitter l’Afghanistan.
Et pour bien faire comprendre aux Pakistanais qu’ils ne sont plus indispensables, l’administration américaine se tourne vers l’Inde. En visite officielle à New Delhi, le secrétaire américain à la Défense, Léon Panetta, a demandé au gouvernement indien de s’impliquer davantage dans le dossier afghan, en particulier dans la formation de l’armée afghane. Une première. L’armée pakistanaise, qui a la haute main sur la politique étrangère, a toujours redouté un régime afghan sous influence indienne. Washington avait jusqu’à présent veillé à maintenir l’Inde à l’écart de ce dossier pour ne pas froisser son allié pakistanais.
Contentieux
Islamabad réalise désormais qu’il va se retrouver isolé après le retrait de l’Otan d’Afghanistan dans deux ans. “Notre armée continue de se battre contre les talibans dans les zones tribales, le long de la frontière afghane. Si l’Afghanistan s’enfonce dans le chaos, les combats vont s’intensifier et la situation sécuritaire dans le nord-ouest du pays va empirer. Nous serons tout seuls pour combattre les groupes extrémistes”, estime Hasan Askari Rizvi, professeur de sciences politiques à l’université du Penjab, à Lahore. Et cet universitaire d’ajouter : “C’est pour cette raison que le Pakistan tente de normaliser ses relations avec l’Inde. L’armée veut concentrer ses troupes dans le Nord-Ouest et non plus le long de la frontière indienne comme avant.” Depuis quelques mois, les deux puissances nucléaires travaillent sur plusieurs mesures pour encourager le commerce bilatéral : baisse des droits de douane, levée des restrictions sur les visas pour les hommes d’affaires…
Mardi après-midi, une délégation indienne du ministère de la Défense a achevé une visite de deux jours au Pakistan. Les deux parties ont tenté de résoudre le contentieux qui les oppose sur le glacier de Siachen, un territoire que les deux armées se disputent. Pas d’accord en vue pour le moment. Mais les discussions vont se poursuivre dans les semaines à venir.