Le Bernie de Richard Linklater est en ce moment même à l’affiche aux États-Unis, où il est sorti assez discrètement fin avril dans une combinaison de salles réduite. Accompagné de critiques élogieuses, il connaît une belle carrière art & essai, et c’est sans doute une des raisons pour lesquelles Bernie était le film qui m’interpelait le plus dans la programmation du Champs-Élysées Film Festival. Alors je n’ai pas hésité à lâcher le billet de 10 euros pour l’occasion en allant le voir dans un Gaumont. Ca faisait un bail que je n’avais pas payé plein pot pour voir un film, et cela faisait au moins aussi longtemps que je n’avais pas mis les pieds au Gaumont Ambassade. Je crois que mon dernier souvenir dans ce ciné du bas des Champs-Élysées remonte au film d’animation « Le Prince d’Égypte ». C’était quand, Noël 1998 ? Oui ça remonte.
En tout cas je n’étais pas seul à avoir répondu à l’appel de Richard Linklater, et confirmant le succès du festival, la salle n’était pas loin d’être pleine. Il faut dire que comme tout film indé qui se respecte, Bernie n’est pas garanti de sortir en salles en France, alors au cas où, mieux valait ne pas rater l’une des trois projections du film au CEFF. Surtout qu’en jetant un coup d’œil dans le rétro, on constate vite que tous les films de Linklater ne sont effectivement pas sortis en France, et il n’est pas besoin de remonter jusqu’à Slackers, car celui qu’il avait réalisé avant Bernie, « Me and Orson Welles », malgré Zac Efron en tête d’affiche et un sujet potentiellement enclin à séduire les cinéphiles français, attend toujours de sortir chez nous (mais n’attendez pas, c’est trop tard maintenant).
Le récit prend place à Carthage, une bourgade du nord-est du Texas tout ce qu’il y a de plus tranquille. Le dénommé Bernie y a longtemps été assistant funéraire, et l’homme le plus apprécié de la ville, toujours serviable, toujours dévoué, toujours prêt à aider son prochain… même Marjorie Nugent, cette vieille veuve pleine aux as que personne à Carthage n’a jamais pu supporter, pas même sa propre famille. L’histoire qui nous est contée est celle de Bernie, et du drame qui a défrayé la chronique à Carthage.
Bernie, raconté tel quel, de façon directe, pourrait n’être qu’une gentille histoire entre le drame et la comédie, un peu banale, un peu déjà vue, pas franchement excitante. Pourtant Richard Linklater, en s’emparant de cette histoire vraie ayant pris place dans les années 90, a trouvé un moyen de la rendre dynamique, surprenante, et souvent irrésistible : il la raconte comme si son film était un documentaire, ou plutôt un docu-fiction. Car ce sont les habitants de Carthage qui narrent le film, à travers des interviews témoignages où chacun y va de son anecdote, de son opinion et de son point de vue tranchant exprimé avec un aplomb accentué par cet accent traînant du sud des États-Unis. Ce sont ces interventions qui rythment le récit, et plus on en découvre, plus on se demande s’il s’agit là d’acteurs ou des véritables témoins de l’affaire s’étant nouée dans les années 90. Il est certain que plusieurs d’entre eux sont des comédiens, à commencer par Matthew McConaughey, qui sous les traits du procureur de Carthage méfiant et texan pur-jus déploie une palette comique à laquelle il est difficile de résister. Mais d’autres pourraient très bien être des personnes ayant véritablement côtoyé Bernie et Marjorie Nugent.