Cet article publié initialement dans le Réseau de veille en tourisme de l'université de Québec à Montréal est un nouvel exemple de notre collaboration transatlantique. Le précédent article était Qui a dit que les acheteurs de coupons de réduction de restaurants sont économes?
Ce billet sur la mobilité à été rédigé par Jean-Luc Boulin et Philippe Fabry. Bonne lecture !
Depuis deux ans, l’Internet mobile se développe de manière exponentielle. On estime même que d’ici 2015, la majorité des connexions se feront par l’intermédiaire d’un appareil mobile. En France, les territoires ont massivement investi dans le développement des applications et des sites mobiles, et cette tendance se poursuit. Au premier trimestre 2011, on recensait 15 000 applications dans la catégorie Voyages de l’Apple Store. Plus de 600 applications sont consacrées aux territoires en France, dont une centaine éditées par les offices de tourisme ainsi que les comités départementaux et régionaux du tourisme (1).
Non à la standardisation des sites et des applications, oui à la créativité utile
Les attentes des touristes sont assez simples. Pour la préparation du séjour, ils sont à la recherche d’informations pratiques: comparaison des prix, visualisation des hébergements disponibles et, bien entendu, réservation. Sur place, ils souhaitent avoir la possibilité de procéder à la géolocalisation des lieux et disposer d’informations sur les points d’intérêt environnants. Enfin, ils aspirent à laisser leur avis sur la destination ou les prestations touristiques, et à partager des photos, des vidéos avec leur famille et leurs amis (2). On pourrait dire que les consommateurs attendent avant tout des services qui facilitent l’expérience: enregistrement sur téléphone, carte d’embarquement, alertes pour les retards des vols (3).
La principale difficulté réside dans la compréhension de l’utilisation que les touristes font des applications. Ils «détournent» bien volontiers ce que l’on pouvait imaginer. Les applications sont souvent utilisées à la maison, pendant du temps de transport, pour la préparation du séjour, et pas uniquement pendant celui-ci. Il est parfois plus pratique pour l’utilisateur de regarder sur son téléphone que d’allumer son ordinateur.
Certes, on sait que les consommateurs recherchent avant tout de l’information touristique: trouver des restaurants ou des sites à découvrir à proximité (87%), obtenir des informations sur un monument, un endroit qu’ils sont en train de visiter (79%), recevoir des coupons promotionnels pour les lieux et les activités situés alentour (77%), et enfin, obtenir des conseils sur les itinéraires en fonction de leur profil (76%) (4).
De manière générale, les applications des territoires se copient entre elles et ont tendance à proposer des fonctionnalités de base disponibles dans des applications en passe de devenir des standards, à l’instar de Google Adresses (géolocalisation d’un lieu ou préparation d’un itinéraire, par exemple). Le consommateur n’aura-t-il pas le réflexe d’utiliser l’application de Google pour ce type d’activité, plutôt que de chercher, puis de télécharger celle d’un territoire? L’enjeu pour les destinations n’est donc pas de simplement recenser leur offre, mais de mettre en scène le territoire en proposant une expérience touristique (décrypter les lieux et l’environnement, donner du sens au réel): établir des itinéraires de visites qui prennent en compte le temps et le profil du consommateur, proposer des thématiques et faire découvrir le territoire autrement, en considérant les aspirations des touristes à la recherche d’authenticité et de contact humain.
La bonne échelle géographique de l’application touristique
Pourquoi faudrait-il que chaque organisme de gestion de destination dispose de son application mobile? Chaque territoire d’office de tourisme, de pays touristique, de bureau d’information, de communauté de communes ou d’agglomération ne correspond pas aux itinéraires naturels de visite. Quelle échelle géographique l’application mobile devrait-elle considérer?
Les applications mobiles sont utilisées par les possesseurs de téléphones intelligents pour deux fonctions essentielles: préparer et vivre le séjour. Elles se révèlent utiles à la préparation du voyage, que ce soit avant ou pendant celui-ci.
Source: mashable.com
Cela dit, le touriste effectuera des recherches sur une destination en fonction de la perception qu’il en a, de la notoriété de celle-ci. Par exemple, il sera peu attiré par une «communauté de communes des Trois Vallées» ou un «Pays des Quatre Collines», sauf cas exceptionnel. De la même façon, au Québec, on est tenté de visiter la route des vins des Cantons-de-l’Est, pas nécessairement la MRC de Brome-Missisquoi.
L’application mobile sera aussi utilisée durant le séjour. Et un séjour se déroule sur un espace de déambulation touristique. Cet espace ne se limite pas à une ville, mais à un territoire plus vaste, espace logique de découverte. «Je passe mes vacances dans le bassin d’Arcachon ou sur la côte basque même si mon hébergement, mon camp de base, est localisé dans une station». Le visiteur ne souhaitera pas télécharger dix applications pour les dix communes du bassin d’Arcachon (Gironde, France) ou changer d’outils dès qu’il visitera la côte basque (Pyrénées-Atlantiques, France). Il faut donc que les applications intelligentes soient conçues à la bonne échelle, celle qui correspondra aux besoins des visiteurs.
En ce sens, les territoires cités plus haut ont habilement joué le jeu de la mutualisation entre offices de tourisme pour publier des applications (Bassin d’Arcachon(5) et Ma Côte Basque (6)) à la bonne échelle. Cela leur a permis de réunir des budgets de promotion, complément indispensable à l’édition. Aujourd’hui, ces deux applications sont reconnues et utilisées. La mutualisation les a également rendues multiplateformes (Android et Apple) et adaptées à la consultation sur tablettes.
Là encore, la mobilité bouscule les frontières administratives et oblige les acteurs du tourisme institutionnel à réfléchir aux besoins du client avant de considérer leur territoire comme l’échelle définitive et obligatoire.
Sources :
(1) Atout France, « Le numérique et les offices de tourisme. Les technologies de l’information et de la communication au service de l’accueil », octobre 2011.
(2) Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (PIPAME), « Prospective du m-tourisme » (fichier PDF), industrie.gouv.fr, novembre 2011.
(3) Carroll Rheem, « Empowering Inspiration: The Future of Travel Search », PhoCusWright, février 2012.
(4) CCM Benchmark, « e-Tourisme: chiffres clés, stratégie des acteurs et attentes des consommateurs », mars 2012
(5) http://itunes.apple.com/fr/app/bassin-darcachon/id409095527?mt=8
(6) http://www.etourisme.info/applications-et-sites-web-mobiles-ne-pas-faire-n-importe-quoi