Réflexions sur l’or et l’argent

Publié le 13 juin 2012 par Copeau @Contrepoints

L’argent ou l’or sont-ils de bons placements à long terme comme le disent leurs partisans. Non car historiquement, jouer la rareté et la pénurie et parier contre le capitalisme a toujours été une erreur.

Par Charles Gave.
Partons de quelques postulats de base :

  • Un outil a de la valeur parce qu’il est utile et efficace. Un bijou a de la valeur parce qu’il est rare. Efficacité (système capitaliste) ou rareté (l’archétype étant l’or) sont donc les deux seules sources de la valeur.
  • Pour mesurer ces valeurs nous avons besoin d’un outil, la monnaie. Conceptuellement cette monnaie peut être indexée sur la valeur efficacité (le capitalisme) ou sur la valeur rareté (l’or).
  • La création de valeur par le système capitaliste est infinie, la « rareté » par définition ne l’est pas. C’est donc dire qu’utiliser un outil basé sur la rareté pour mesurer l’efficacité est un contresens qui amènera automatiquement au mercantilisme et à la déflation/dépression. L’étalon or n’est la panacée que pour ceux qui ne comprennent rien aux deux sources de la valeur et qui les confondent.

Ces postulats ayant été posé essayons maintenant de répondre à un certain nombre de questions.

L’or et l’argent  conservent-ils leur pouvoir d’achat sur le long terme ?

La réponse est oui et non.

De 1914 à 2012, l’or et l’argent ont triplé en termes réels mais chacun peut remarquer en regardant le graphique ci-dessus que les performances des deux métaux précieux ont été lamentables la plupart du temps sauf quand la monnaie de base du système capitaliste, le dollar US, était incroyablement mal gérée (1914-1918, 1931-1934, 1971-1980 et 2005-2012). En termes simples, l’or semble être beaucoup plus une protection contre la banque centrale et le gouvernement américains faisant n’importe quoi qu’une vraie protection contre l’inflation. Comme l’argent a la même performance que l’or sur le long terme et que depuis 1914 il n’a plus eu de rôle monétaire et fluctuait librement, je vais prendre pour la plupart des graphiques suivants le cours d’une once d’argent plutôt que celui d’une once d’or.

Restent à établir si l’argent ou l’or sont des bons placements à long terme comme le disent leurs partisans ou si l’on peut faire aussi bien ou mieux en prenant moins de risques ou beaucoup mieux en prenant le même risque ? Première question  donc : l’argent est-il un bon investissement comparé aux autres investissements sans risques, cash en dollar ou obligations allemandes ? Vérifions.

  • Argent contre bons du trésor US

Depuis 1974, l’argent a fait jeu égal avec les bons du trésor US capitalisés (=sicav  monétaire en dollar). Pas de quoi se réveiller la nuit…

  • Argent contre le marché obligataire allemand.

Comme les Allemands (Bundesbank) ont toujours été sérieux en ce qui concerne leur monnaie, j’ai souvent utilisé l’indice du marché obligataire allemand comme ma « pierre de touche ». Je considère qu’un marché est en hausse s’il fait mieux que le placement sans risque que représente le marché obligataire allemand coupons réinvestis. À ce titre la performance des métaux précieux a été tout sauf spectaculaire depuis le début des changes flottants (1972).

Encore une fois on trouve le schéma habituel : quand la banque centrale US fait n’importe quoi, l’argent (et l’or) font mieux que les obligations allemandes… sinon, il vaut beaucoup mieux avoir son patrimoine investi en obligations teutonnes.

En termes simples cela veut donc dire que l’argent et l’or ne sont que des positions « short » sur la monnaie américaine.

Être « long » sur les métaux précieux c’est penser que les USA vont vers la faillite. Voila qui est raisonnable quand nous avons Jimmy Carter ou Obama comme Présidents, mais beaucoup moins s’ils sont renvoyés à leurs chères études par l’électorat US.

La question suivante est un peu plus complexe. Il va nous falloir comparer les rentabilités de l’or et de l’argent (symboles de la valeur rareté) à un indice représentant de la « valeur efficacité ». Pour cela j’ai pris l’indice S&P500, qui représente peu ou prou la somme de la valeur des « outils » disponibles aux USA.

Donc d’un coté j’ai un outil représentant la pénurie, la plus vieille malédiction de l’humanité (il n’y en a pas assez pour tout le monde=valeur rareté) et de l’autre j’ai un autre outil qui me donne l’évolution de la valeur de  tout le stock de capital qui a comme but de venir à bout de cette malédiction, et qui génèrent des biens et services dans le cadre d’un marché libre, c’est-à-dire dans le cadre du capitalisme.

Voyons le résultat en comparant le cours de l’argent à l’indice S&P500.

Depuis 1910, le cours d’une once d’argent a été multiplie par 70, et le cours du S&P par 140. C’est donc dire que l’argent a fait deux fois moins bien qu’un portefeuille d’actions largement diversifié.

Mais la comparaison ne s’arrête pas là. En effet, en 1910, 10 dollars achetaient à peu près 1 action du S&P500 qui donnait droit à 40 cents de dividendes. L’action S&P est aujourd’hui aux environs de 1400 et donne droit à un dividende de 22 dollars. Parallèlement les dividendes payés depuis 1910 ont représenté plusieurs fois les 10 dollars déboursés pour l’achat original, ce qui m’a permis de vivre noblement pendant toutes ces années, tandis que les vingt onces d’argent achetés en 1910 ne valent toujours que vingt onces d’argent et ne m’ont rien payés du tout en dividendes…

Historiquement donc, jouer la rareté et la pénurie et parier contre le capitalisme a toujours été une erreur, sauf pendant les périodes où les États-Unis étaient en guerre ou encombrées d’un Président et/ou d’un banquier central particulièrement inefficaces, ce qui semble bien être le cas à l’heure actuelle.

Comme nous sommes encore là en France, je comprends très bien la tentation de nombre de mes lecteurs d’acheter de l’or… Mais à mon avis il ne faut pas y céder…

Car, autant il est raisonnable d’acheter de l’or ou de l’argent au début de l’une de ces périodes quand les métaux précieux sont bon marché et que tout le monde a confiance dans les États-Unis avec Greenspan, autant le faire quand elles ont déjà duré dix ans est un pari qui n’a jamais marché dans le passé.

C’est encore une fois là où nous en sommes aujourd’hui.

Résumons-nous :

  • Utiliser la valeur de rareté pour mesurer une économie fondée sur la valeur d’efficacité est une ânerie.
  • Ces valeurs de rareté ont toujours fait beaucoup moins bien que les valeurs d’efficacité sur le long terme.
  • On peut les acheter de façon temporaire quand les USA sont en guerre ou ont une petite période de prurit socialiste, ce qui ne dure jamais bien longtemps.
  • Le reste du temps, enterrer ses talents ne sert à rien, comme l’a déjà dit quelqu’un de beaucoup plus compétent que moi.

Conclusion

  • Les partisans de l’étalon or ou de la valeur rareté comme étalon de valeur veulent remplacer la concurrence entre monnaies, qui est la vraie et la seule solution par un monopole, celui de l’or, dont ils ne nous expliquent jamais pourquoi il a de la valeur alors qu’il ne sert a rien.
  • Outre que mesurer les prix dans un système basé sur l’efficacité en utilisant quelque chose qui est son opposé total, la rareté est une absurdité logique, on voit mal à quoi cela sert dans la réalité. Le XIXe siècle a connu crise financière sur crise financière, l’étalon or régnant alors en maitre.
  • Le seul mérite de l’or est d’être en dehors du contrôle des politiques, mais du point de vue intellectuel cela revient à dire qu’un tyran aveugle et sourd est préférable à la démocratie, ce dont je doute fortement ou qu’un monopole est préférable à la concurrence, ce qui est profondément faux.
  • La vraie solution est bien sûr que chaque pays ait sa monnaie, flottant librement et gérée par une banque centrale indépendante du pouvoir politique et donc en concurrence avec les autres monnaies avec interdiction constitutionnelle faite au gouvernement de manipuler les taux de change. Bien entendu, les citoyens de chaque pays doivent avoir le droit d’acheter de l’or librement si cela leur chante pour peu qu’ils n’aient plus confiance dans leur banque centrale. De même ils doivent pouvoir acheter les monnaies des autres pays. C’est à ce prix que la concurrence pourra fonctionner. La solution est donc comme toujours dans la concurrence entre monnaies et banques centrales et non pas dans le monopole donné à une relique barbare ou à une autre. Un tel système nous aurait évité et cette imbécillité économique qu’est l’Euro et les folies de Rueff et Laval en 1934 qui ont ruiné la France à l’époque et l’ont laissé désarmée devant la menace hitlérienne.

Comme toujours, la solution est dans la Liberté encadrée par une loi fondamentale restreignant le pouvoir de l’État et non pas dans la contrainte.

J’ai presque honte de répéter de telles évidences.

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