Nicolas Sarkozy voulait faire disparaître l'extrême droite, il a dissout... le centre-droit et précipiter la décomposition de son propre parti.
L'UMP fait mine de ne pas s'en inquiéter, et d'ignorer sa probable implosion. Mais lundi, pas à pas, mot après mot, elle s'orientait vers d'inévitables tensions.
Comme certains pouvaient assumer que leur parti place le PS et le FN à équidistance idéologique ?
Jean-François Copé a promis une prochaine « mise à jour programmatique de l'UMP ».
Nous sommes rassurés.
Ou pas.
Des valeurs communes...
Certains à l'UMP sont convaincus que l'ancien parti présidentiel a des valeurs communes avec le Front National.
C'est triste, mais c'est désormais affiché.
Nadine Morano, dès dimanche soir puis à nouveau lundi 11 juin, en a appelé aux électeurs du FN qui « partagent ses valeurs ». Bruno Le Maire semblait la comprendre: « Nadine Morano parle aux électeurs. Elle voit ce que j'ai vu aussi dans ma circonscription où le FN a fait 23% aux présidentielles, 17% aux législatives. » On attendait mieux de sa part. Il est sans doute trop troublé.
En s'exprimant ainsi, Nadine Morano fusillait l'argumentation maladroite de quelques ténors de l'UMP tels Fillon, Juppé ou Dati qui déclaraient en parallèle que le FN n'a aucune valeur commune avec l'UMP. Elle ne faisait que contribuer à un aggiornamento nécessaire de la droite républicaine.
Un sondage Ipsos/Logica Business Consulting réalisé jusqu'à la veille du scrutin et publié par Le Point, ce même lundi, livrait un autre éclairage: les deux tiers des électeurs de l'UMP à ce premier tour législatif seraient favorables à des accords locaux de désistement mutuel avec le FN pour faire battre un candidat de gauche au second tour. Et « 41% souhaitent que le candidat de droite appelle à voter pour le candidat du FN pour faire barrage au candidat de gauche ».
Un conseiller du Front National se réjouissait anonymement au Point: « Le front républicain est mort car les dirigeants de l'UMP comprennent bien qu'une telle consigne serait très mal perçue par les électeurs de droite ».
... à la scission inévitable ?
L'aggiornamento semble d'ailleurs en marche. La position adoptée à l'issue de son bureau politique marque le début d'un tournant ou l'officialisation d'une recomposition à venir. En effet, après quelques minutes d'un faux suspense, le collectif dirigeant décidait d'un ni-ni fort opportun: « Il n'est pas question d'appeler à voter pour le Front national ni d'appeler à voter pour le candidat socialiste qui en plus fait alliance avec le Front de gauche » a expliqué Copé. Pour la première fois pour un scrutin législatif, le parti unique de la droite majoritaire tenait pour propositions électorales et politiques équivalentes la gauche et l'extrême droite. Ce bureau politique qualifié d'extra-ordinaire décidait donc de ne donner aucune consigne de vote en cas de duel gauche/FN.
Le sarkozysme avait encore de beaux restes.
Cette position avait été mûrement réfléchie, même si Copé n'avait pas voulu l'officialiser dès dimanche soir. Il était assez aisé de préparer les éléments de langage communs bien avant dimanche soir qui unifient au moins le discours. Car il est assez évident que la probabilité de duels PS/FN n'était pas une surprise. Tous les sondages en prévoyaient même davantage.
Chacun attendait une clarification. Copé a promis un débat sur l'identité et la doctrine politique de l'UMP. Il y a deux ans et demi, ce parti donnait des leçons d'identité nationale à la France entière. Le voici troublé, clivé, rongé par les outrances droitières et sans issue d'un Nicolas Sarkozy désormais retiré de la vie politique.
Comment l'UMP peut-elle échapper à une scission entre deux camps ? On pouvait assez facilement distinguer deux camps: d'un côté, il y aurait une droite que l'on qualifierait de « pragmatique », motivée à de sinistres alliances, au moins sur les valeurs, pour peu qu'elles permettent de gagner les scrutins. S'y ajouterait évidemment celles et ceux qui ont déjà franchi pas mal de Rubicons idéologiques, comme les faux trublions de la Droite populaire. Somme toute, on y retrouve cette droite sarkozyste dans l'âme, apte à tous les discours. On y rangerait Jean-François Copé, Nadine Morano, Claude Guéant, Brice Hortefeux, ou Thierry Mariani et bien d'autres.
De l'autre, il y avait une autre droite, celle qui répugne à ces valeurs frontistes, qui fut gênée par la tournure droitière de la campagne sarkozyste. Celle qui ronge son frein depuis l'échec du 6 mai dans l'attente d'une recomposition qui viendra après le second tour législatif. On pouvait espérer y trouver d'anciens gaullistes comme François Fillon ou Alain Juppé; et d'anciens centristes comme Pierre Méhaignerie. Valérie Pécresse semblait hésiter en déclarant, au sortir du bureau politique, qu'il « faut refuser les extrêmes, nous sommes modérés et républicains ».
Ce clivage ne recouvre pas la traditionnelle opposition gaullistes versus centristes.
Cynique, le Front National avait identifé deux têtes UMPistes à éliminer à l'UMP, les anciens ministres Nathalie Kosciusko-Morizet et Xavier Bertrand. Ailleurs, elle s'amusa à donner quelques brevets de compatibilité frontiste à certains ténors de la droite, comme Nadine Morano (qui vient « de se découvrir des valeurs communes avec le Front national ») ou Claude Guéant (« il a contribué à rendre service [au FN] » en « diffusant » ses idées et « mérite un petit encouragement »).
Pour le reste, Marine Le Pen ne donna aucune consigne. Elle voulait que les candidats frontistes se maintiennent « partout » où c'était possible - 61 circonscriptions - « à une ou deux exceptions près ».