En prenant connaissance des résultats du premier tour des législatives, dimanche soir, on en venait à penser que c’était avec précipitation que la campagne avait été jugée terne et sans relief. Les scores réalisés par les séides du président antérieur faisaient affluer la joie et les belles perspectives de justice sociale pour les temps à venir. A Hénin-Beaumont, hélas, une autre scène se jouait.
Le candidat de la gauche est à la fois victime de l’intransigeance du Parti socialiste, de sa première secrétaire principalement, et de son parachutage autodéterminé. La culture hégémonique des socialistes s’exprime par le sentiment supérieur d’une pensée unique. Elle fonctionne en deux mouvements : il n’est de gauche que nous-mêmes et nous nous suffisons à nous-mêmes. Si Jean-Luc Mélenchon quitte la scène par une porte latérale, ce n’est ni dans la honte ni dans l’absence de panache. Dans une allocution devant ses partisans, il expliquait sa défaite par l’attitude du Front national qui a « vampirisé » la droite.
Naguère, il était courant d’entendre dire que le président d’avant avait siphonné les voix du Front national. Le siphonage était une notion employée indûment puisque l’un et l’autre appartenaient au même tonneau. C'est une allusion à une mécanique des fluides. Vampiriser rend compte à la fois du transfert des voix et de la dilution des valeurs républicaines. Le phénomène de vampirisme ne se rencontre pas seulement dans les récits folkloriques de Transylvanie. Cette attitude faite de séduction, d’autorité, de peur, de manipulation existe dans le monde du travail, dans les relations entre collègues, dans la vie de famille voire dans la vie amoureuse. Dans tous ces registres, elle vise à prendre le contrôle de l’autre, à lui faire perdre pied pour mieux le dominer. En étant « vampirisée », la droite n’est plus à même de repérer, décoder, expliquer les séductions toxiques du Front national. La vampirisation affecte sa composante républicaine. Elle perd ses repères et se laisse aller à ses obsessions passées.
La vampirisation est une arme qui fait des dégâts. Elle absorbe et détruit les valeurs républicaines. Elle dévitalise la démocratie. A avoir trop flirté au cours des cinq années écoulées avec les thématiques dures, la droite ne reconnaît pas la ligne où commence l’inacceptable. Il était bon que cela fût rappelé par une image qui ne relève pas seulement du cinéma d'épouvante.