“La lecture est cet instant d”éternité simultanément ressentie par quelques solitaires de l’espace immatériel, un peu bizarre, que l’on pourrait appeler l’esprit.”
Tel est le sujet de Charles Dantzig , dans ce petit traité. Réflexions, anecdotes d’un lecteur, le livre est divisé en courts chapitres aux titres mi sérieux “Apprendre à lire”, mi amusés “Turlutu roman pointu” ou encore sous forme de clin d’oeil à certains ouvrages “Lire pour ne plus être reine d’Angleterre” ( La reine des lectrices).
Un peu plus difficile d’accès que Comme un roman de Daniel Pennac, ce livre offre des pistes de réflexion assez intéressantes et quelques curiosités. On apprend par exemple qu’à la BNF les livres érotiques ont été classés à une certaine époque sous la côte ENFER !
C’est donc un éloge de la lecture, condition de la liberté et de l’humanité, mais aussi de la littérature, cette tentative de formulation de l’informe, que l’on peut découvrir dans ce texte qui regorge de références. En revanche, on sent à de nombreuses reprises, une méfiance voire un rejet du rapport que les universitaires ont à la littérature, se comportant comme des vampires en piochant allégrement dans les travaux de recherche de leurs étudiants. Certaines prises de position de Dantzig sont assez radicales et peu nuancées. Cela m’a un peu gênée d’ailleurs, que ce soit son avis sur Céline ou sur les polars…
J’ai particulièrement apprécié le chapitre portant sur les maximes. Charles Dantzig revient sur le fonctionnement de ces petites phrases si marquantes et les envisage comme autant de tatouages dessinés sur la peau du lecteur. Si les maximes sont courtes, les recueils les contenant sont pourtant les livres à lire le plus lentement.
Dantzig insiste particulièrement sur un point : bien que cela soit tentant, “il faut lire des livres qui ne confortent pas nos préjugés et nos goûts”… Certes, il serait dangereux de ne lire que ce genre de livres car la lecture ne serait plus synonyme d’ouverture… Mais, un livre ne nous permet-il pas parfois de mieux nous connaître et nous comprendre ? J’aurais aimé que certaines affirmations soient davantage expliquées pour ne pas rester sur une impression d’imprécision…
L’humour est assez présent au fil des pages. “J’ai essayé de lire Twilight, c’est trop dur. Wittgenstein est plus facile, je vous assure. (…) Ainsi est né Twilight, le premier roman de vampires qui ne soit pas fait avec du sang, mais avec du navet.” ? ou la mise en scène de l’auteur, torturé par l’obligation de lire un polar ?
J’ai aussi découvert la singulière entreprise de Véronique Aubouy qui depuis 1993 filme des personnes lisant A la recherche du temps perdu. Le film qui découlera de ces multiples entretiens croisés verra normalement le jour en 2050 ! D’ici là, normalement, j’aurai fini sa lecture, surtout que j’en suis à un peu plus de la moitié…Mais, c’est une autre histoire !
Charles Dantzig, Pourquoi lire, Le livre de poche
Billet rattaché au Challenge de George, Le Nez dans les livres.