Moteur… Action ! [C'est l'histoire d'une fille]

Par Poulettenela

Ça fait quelques temps que je ne vous ai pas dévoilé une de mes petites nouvelles…

Alors, entre les pots de crème et les vernis à ongles, voici une jolie histoire romantique comme on les aime…

 

MOTEUR… ACTION !

Elle passa la porte du bar d’un pas décidé.

Fière et digne dans son fourreau noir, elle dégageait une sorte d’autorité naturelle qui attirait les regards.

Elle tourna sur elle-même, fixant chacune des tables pendant quelques secondes.

L’heure du rendez-vous avait déjà dépassé dix minutes et il n’était toujours pas arrivé.

Elle en fut presque soulagée…

Et s’il ne venait pas ?

S’il avait finalement compris que cette dernière confrontation ne serait d’aucune utilité ?

Les mots qu’il avait employés raisonnaient en elle.

« Je ne souhaite pas que nous nous revoyions. C’est mieux comme ça. La relation que nous entretenons ne me nourrit pas.»

Elle avait été littéralement soufflée par son message.

Quelle prétention !

Les jours avaient passés et, à sa plus grande surprise, il avait repris contact.

« Accorde-moi juste un verre, une fois. »

Elle lui avait accordé 15 minutes.

Nous pas qu’elle s’attendait à avoir la moindre excuse, mais elle souhaitait, sans véritable espoir, qu’il ait pu regretter ses paroles…

Erwan leva ses yeux du bar et remarqua la jeune femme qui venait d’entrer.

On aurait dit une héroïne de Racine… une sorte de dramaturgie émanait d’elle et son regard semblait plein de tristesse.

Une robe sombre, des cheveux tout aussi noirs ramenés en un chignon parfait, un port de tête altier et une cambrure accentuée par des talons vertigineux… elle avait tout de l’allure d’une danseuse sud-américaine.

Elle jeta un coup d’œil rapide aux tables disposées et sembla à la recherche d’une personne.

Son regard était particulièrement froid et distant, comme si elle redoutait la rencontre qui allait suivre.

Pourtant, dans sa hâte de faire le tour de la clientèle, elle ne vit pas le jeune homme assis au fond de la salle.

Erwan l’avait vu arrivé quelques minutes auparavant.

Il s’était installé à une table isolée et, depuis, n’avait pas quitté la porte des yeux.

Lorsque la jeune femme entra, Erwan constata que son regard s’était durci, mais il ne fit pas un geste pour signifier sa présence.

Le jeune homme au fond de la salle sentit son cœur faire un bond.

Elle était bel et bien venue.

En la voyant, il se demanda s’il allait finalement avoir le courage de l’affronter et de mettre un terme définitif à cette histoire qui ne lui apportait que contrariétés.

Elle fit un tour sur elle-même, certainement à sa recherche, mais il ne se montra pas.

Ces quelques instants de répit lui permettaient de prendre sa décision.

Il ne souhaitait en aucun cas la blesser.

Malgré les affronts et les tensions, il était bien plus attaché qu’il ne l’aurait imaginé.

Et il réalisa soudain à quel point il la trouvait belle.

Il n’était visiblement pas le seul de cet avis : les regards convergeaient vers elle sans qu’elle semble s’en rendre compte.

Il en avait toujours été ainsi.

Il prit conscience de ce qui l’avait attiré chez elle : cette force et cette détermination apparentes couplées à une fragilité et une émotivité d’adolescente.

Rien ne semblait l’atteindre : son courage et sa volonté lui permettaient d’atteindre les objectifs qu’elle se fixait ; mais, malgré tout, plusieurs fois il avait dû la serrer contre lui pour la rassurer ou lui parler des heures pour qu’elle s’endorme enfin.

C’était une véritable femme-enfant, et il avait été touché par son tempérament.

Elle se dirigeait à présent vers le barman.

S’il n’agissait pas maintenant, elle finirait pas partir.

Il semblait ne pas être venu, le barman en saurait peut être plus…

Elle s’adressa à lui.

Son prénom, Erwan, était inscrit sur sa chemisette comme dans les bars rétro.

Son visage était particulièrement sympathique et il lui répondit dans un large sourire que non, personne n’avait laissé de message mais qu’il se ferait un plaisir de lui présenter la carte de ses meilleurs cocktails si elle souhaitait patienter.

Elle le remercia et s’installa au bar.

Pourquoi était-elle venue ?

Cette question ne cessait de la hanter.

Elle se ridiculiserait une fois de plus.

Malgré la sincérité des sentiments qu’elle avait éprouvé et la spontanéité de ses actes, elle avait échoué… une fois de plus.

Elle était incapable de construire une quelconque relation avec un homme : ses craintes et ses souffrances passées refaisaient inlassablement surface, l’empêchant de s’épanouir.

Cet homme-ci avait tenu plusieurs mois et avait supporté et pansé certaines de ses blessures, mais il avait finalement ouvert les yeux sur l’étendue du chantier et avait pris peur, comme les précédents.

A ce sentiment d’échec s’ajoutaient la colère profonde et la rancœur qu’elle éprouvait.

Comment avait-il pu lui parler ainsi ?

Leur relation « ne le nourrissait pas » !

Et Elle ? Elle, en tant que personne, n’avait-elle donc aucune importance à ses yeux ?

Que croyait-il ?!

Que le fait d’être attaché à un homme vénal et superficiel la comblait et la nourrissait ??

Pourquoi lui parlait-il de raison alors que, depuis le début, elle n’avait tenté que de freiner ses propres pulsions ?

Pourquoi être venue ?

Dans quelques temps, ils ne deviendraient qu’un lointain souvenir l’un pour l’autre !!

Dans le meilleur des cas, cela prendra quelques mois ; dans le pire des cas, quelques années.

Mais, arrivés à ce terme, elle ne garderait plus que le souvenir d’un homme qui l’avait fait vibrer.

Lui de son côté, conserverait très certainement l’image d’une femme qu’il aurait malencontreusement culbutée.

Elle ne souhaitait qu’une chose à présent : qu’il abrège sa souffrance.

Erwan s’appliqua à la réalisation de l’une de ses recettes.

Elle lui avait soufflé un « je vous fais confiance », sans accorder la moindre attention à ses propositions.

Son assurance du départ s’effritait avec les minutes, elle semblait à présent désarmée et vulnérable.

Erwan se demanda combien de temps allait-il être capable de la retenir avant que le type du fond de la salle ne se montre…

Car il s’agissait bel et bien de son rendez-vous, il en était certain.

Devait-il se lever et aller à sa rencontre ?

Il aurait très bien pu lui parler simplement au téléphone ou lui faire un mail comme habituellement…

Pourquoi avait-il ressenti le besoin de la voir une dernière fois ?

A force de s’entendre dire qu’il n’avait pas le moindre courage, il avait finalement pris cette décision de s’expliquer en face à face.

Mais, à cet instant, il regrettait amèrement son choix.

Il la vit s’installer au bar et put deviner la tension qui s’abattait sur ses épaules.

Son passé mouvementé l’avait maintes fois mis en situation inverse et il connaissait cette douleur lancinante.

Qui était-il pour jouer ainsi avec les sentiments de cette femme ?

Il avait pourtant bien préparé son discours et il lui suffisait simplement d’exprimer le malaise qu’il ressentait.

Il était juste incapable de comprendre son attitude : un jour elle semblait heureuse et amoureuse et le suivant elle devenait hermétique et distante.

Il était fatigué de devoir interpréter le moindre de ses mots ou de ses allusions ; il voulait une histoire simple, avec une femme pas compliquée.

Et elle l’était beaucoup trop à ses yeux.

Elle était exigeante, exclusive, impulsive, alors qu’il aspirait à de la sérénité, de la tendresse et de la complicité.

Lors de leurs premiers rendez-vous, il s’était senti heureux à ses côtés : elle le faisait rire, le détendait, l’écoutait, lui demandait son opinion… Il pouvait enfin être lui-même.

Mais par la suite, elle avait changé… à moins que ce ne soit Lui qui ait évolué…

Le barman lui lança un regard appuyé qui le tira de ses pensées.

Elle était certainement sur le point de partir.

Elle regarda une dernière fois sa montre.

Il était 15h30, il ne viendrait donc pas.

Finalement, elle l’avait toujours su.

Encore une fois, elle devait se rendre à l’évidence : il était l’indiscutable vainqueur de cette farce et elle était de nouveau tombée dans le panneau.

Elle avait eu une confiance totale en lui et ne regrettait rien.

Elle avait ouvert son cœur, profité des quelques moments qui lui avaient été accordés et laissé libre court à ses rêves.

Elle avait cru à ses promesses sans méfiance aucune : celle de passer une nuit dans ses bras, de partir en week-end, d’emménager chez lui…

Elle y avait cru, tout en ayant conscience des côtés sombres qu’il cherchait à camoufler : son désir de perfection et son besoin de briller.

Malgré ses valeurs propres, elle avait choisi d’accepter qu’il attende d’une femme qu’elle soit une vitrine, que le regard et l’admiration des autres aient bien plus de poids que celui de celle qui l’accompagnait.

Il imaginait certainement qu’elle ne serait jamais à la hauteur de ses attentes.

Ce qu’elle représentait ne semblait pas lui suffire ou n’était pas assez luisant.

Elle se souvint même d’une de leur rencontre pendant laquelle il ne cessa de contempler les autres femmes, sans lui accorder la moindre importance.

Il ne connaîtrait finalement jamais l’amie qu’elle était, tantôt enjouée et délurée, tantôt attentive ou à consoler.

Il connaîtrait encore moins l’amoureuse attentionnée et pleine de surprises, l’amante passionnée et acidulée…

Il ne garderait que le souvenir de celle qui, un jour, avait souhaité partager un peu de son temps et dont le tempérament impatient semblait être à l’origine de son éloignement.

Elle sourit devant son verre vide et eu une pensée surprenante : elle gardait au fond d’elle le sentiment d’avoir servi à le conforter dans son charisme et dans sa capacité à séduire après la rupture difficile qu’il avait vécue.

Peut-être que, finalement, elle n’avait été qu’un pansement… mais cela lui était égal.

Elle était fatiguée par ces interrogations incessantes qui envenimaient son quotidien et se sentait définitivement prête à accepter la fin.

Elle soupira longuement et attrapa son sac.

Erwan semblait suivre le cheminement de ses pensées.

Il la fixait intensément en tentant de déchiffrer les ombres qui passaient sur son visage.

Il la vit sourire parfois, mais d’un sourire empli de tristesse.

Puis les larmes emplissaient ses yeux et elle se ressaisissait.

Il ne comprenait pas qu’une femme aussi jeune puisse éprouver un tel mal-être.

Elle but une dernière gorgée de son verre, se leva et attrapa son sac.

Erwan lui saisit brusquement le poignet et lui fit signe de la tête.

L’homme du fond de la salle se tenait debout derrière elle.

Il n’était plus question de se cacher, il devait faire face à ses choix.

Elle l’avait toujours impressionné par son intelligence et elle comprendrait, il en était certain.

Il la regarda fixement et surprit les ombres laissées par son maquillage sous ses yeux.

Il avait toujours aimé ce regard intense et ténébreux.

Elle avait pleuré, par sa faute, et il s’en voulut immédiatement.

Il aurait aimé faire un pas, l’enlacer, mais il était incapable de bouger.

Il était posté devant elle.

Elle ne savait comment réagir.

Elle devina les reliefs de ce corps qu’elle avait tant de fois désiré.

Elle se remémora leurs baisers et éprouva un déchirement douloureux.

Ses sanglots restèrent contenus et silencieux.

Erwan contemplait la scène.

Les clients avaient posé leur verre et tous retenaient leur souffle.

Une sorte de tension physique émanait de ces deux êtres.

Ils se regardaient intensément.

Leurs corps se rapprochaient doucement, tandis qu’ils se fixaient.

Ils ne dirent pas un mot, leurs visages restaient figés dans une sorte de masque.

Erwan n’avait pas prêté attention à cet homme lorsqu’il était entré dans son bar et il le découvrait à présent.

Il était grand et d’une carrure imposante.

Son regard clair semblait tout droit sorti d’un film.

Ils étaient impressionnants de charisme et de sensualité.

Erwan se remémora les images de certaines publicités pour des parfums.

Il avait l’impression d’assister à l’une d’elles.

La seule absente de la scène était la mélodie envoutante qui accompagne ce type de spots télévisés…

L’homme fit un pas en avant.

Elle lui parut différente…

Ses cheveux étaient attachés, ce n’était pas dans ses habitudes.

Il se perdit dans son regard et les souvenirs refirent surface.

Pourquoi avait-elle compliqué les choses ?

Pourquoi n’avait-elle pas attendu qu’il soit prêt ?

Elle voulait tout, trop vite, et au moment de leur rencontre, il n’est pas prêt à s’ouvrir totalement…

Mais le temps serait venu !

Il se surprit même à penser qu’il aurait pu tomber amoureux.

Elle le regardait s’avancer.

Pourquoi ne parlait-il pas ?

Pourquoi faisait-il durer ce moment ?

Elle se sentait faiblir.

Non, elle ne souhaitait pas le perdre.

Mais elle n’avait pas les armes pour le retenir.

Il était à présent à quelques centimètres.

Il pouvait sentir les effluves de son parfum.

Il se souvint de cette odeur, de la saveur de sa peau…

Il devait se ressaisir, ne pas laisser ses souvenirs faire surface.

Pourtant, ce parfum faisait partie d’elle.

Lors de leur premier rendez-vous, il lui avait prêté son pullover qui s’était imprégné de cette fragrance ; et depuis ce jour, il était gravé dans sa mémoire.

Elle se rapprocha plus encore.

Elle sentait la chaleur de son corps et retrouvait la lueur dans ses yeux.

Le passé lui semblait loin… mais, son avenir, elle l’imaginait avec lui.

Il approcha une main de son visage.

Il était incapable de prononcer le moindre mot.

Une seule chose manquait à ce tableau.

Il passa une main dans son chignon et ôta l’épingle qui retenait ses cheveux.

Les boucles brunes s’envolèrent comme libérées de l’emprise qui les maintenaient.

A cet instant, il la reconnue totalement.

Il passa ses doigts dans sa chevelure et les souvenirs reprirent le dessus.

Il se remémora leur première nuit d’amour, il se revit la serrer contre lui et imagina à nouveau ses boucles danser avec leurs corps.

Il prit son visage dans ses mains et la regarda intensément.

« Arrête de tout compliquer, et ne boude plus jamais ».

Elle lui sourit et l’embrassa passionnément.