Gilles Leclerc : « Le PS sort renforcé d’une élection qu’il a bien su négocier »

Publié le 12 juin 2012 par Delits

Quelques heures après les résultats du premier tour de l’élection législative et alors que certains candidats n’ont pas encore fait part de leur décision quant à un éventuel désistement, Délits d’Opinion a sollicité, Gilles Leclerc, Président-Directeur général de la chaine Parlementaire Public Sénat pour décrypter la situation de cet entre deux tours.

Délits d’Opinion : Le Parti Socialiste semble en mesure d’obtenir la majorité absolue seul. Comment expliquez-vous ce franc soutien de la part des Français ?

Gilles Leclerc : « Ce résultat est la suite linéaire de l’élection présidentielle. C’est l’expression d’une certaine forme de continuité et de cohérence de la part des Français. La modification du calendrier avec le quinquennat a cet effet de souffle qui permet au gagnant de la présidentielle d’asseoir son pouvoir avec une Assemblée qui le soutient. Dimanche, on a également pu noter une bipolarisation forte à laquelle on peut ajouter une percée notable du Front National. En effet, les quelques 60% de votants ont fait le choix de voter utile en décidant de soutenir ou de s’opposer au pouvoir en place. A ce jeu, et malgré une forte abstention, c’est le PS qui la emporté et qui sort donc renforcé à quelques jours du terme de cette longue séquence électorale.

Les quelque semaines qui se sont écoulées depuis la victoire de Hollande ont sans doute joué un rôle et l’équipe socialiste a relativement bien récité sa partition en misant surtout sur des annonces fortes et la rupture du point de vue du style. Autant d’initiatives qui ont pu recueillir l’assentiment d’une majorité de Français : présidence « normale », baisse du salaire des Ministres, diminution des salaires des grands patrons du service public, retour à la retraite à 60 ans, etc. Enfin, on retiendra l’excellent début d’exercice de Jean-Marc Ayrault, hier personnage peu connu du camp socialiste, aujourd’hui véritable chef de guerre qui sait rassurer l’opinion ».

Délits d’Opinion : Pour l’UMP, l’opposition commence demain. Quels sont les enjeux des prochaines semaines pour le parti de droite et ses lieutenants ?

Gilles Leclerc : « Très rapidement il va être temps d’analyser la défaite et d’en tirer des enseignements politiques forts pour l’avenir. L’UMP doit aujourd’hui faire face à un double problème, celui de la stratégie et celui du leadership. En effet, il s’agira pour les stratèges de droite de répondre au paradoxe de 2012 : quel message la droite perdante doit-elle apporter à une France qui s’est droitisée. Pour certains, autour de Jean-François Copé, conseillé par Patrick Buisson, il s’agira de se droitiser la posture et le discours, tandis que d’autres tenteront au contraire d’inverser la tendance. Concomitamment se jouera la place pour le statut de chef de camp entre les différents chefs de clans. Enfin, il faudra résoudre l’équation des réserves de voix sur les ailes de l’UMP; une question qui rejoint celle sur l’orientation idéologique d’un parti en manque de repères et de vision. Pour preuve, les récentes déclarations de Morano sur les valeurs communes avec les électeurs du FN et le « ni-ni » prôné par Jean-François Copé ».

Délits d’Opinion : Le FN est en passe de revenir à l’Assemblée nationale. Ce changement majeur pourrait-il modifier la stratégie du parti de Marine Le Pen ?

Gilles Leclerc : « La première conséquence qu’aurait une entrée d’élus frontistes au Parlement serait un gain de légitimité évident pour ce parti qui s’est imposé au cours des dernières années comme la vraie troisième force politique du pays. Quelques députés du FN à l’Assemblée, cela pourrait maximiser leur exposition et renforcer, s’il en était besoin, la crédibilité du parti. Longtemps ostracisés, les leaders du FN mais surtout leurs électeurs rêvent d’une conquête du pouvoir afin de jouer enfin leur rôle de contre-pouvoir. Pour autant, malgré certaines circonscription où le contexte semble favorable, il n’est pas certain que le FN puisse voir élire ses hommes/femmes dimanche prochain ».

Délits d’Opinion : Le Modem et le Front de Gauche sont les deux perdants de ce scrutin. Où en sont-ils ?

Gilles Leclerc : « Les itinéraires ne sont pas les mêmes mais il apparait très clairement que la destinée de ces deux formations indiquent une sortie de route. Pour le Front de Gauche, héritier des restes du PCF historique, la sanction est dure après les espoirs  suscités par Mélenchon il y a deux mois. La défaite de dimanche est en réalité la traduction d’une impasse idéologique que la figure de Mélenchon n’aurait pu masquer seule. Avec 11% des suffrages au 1er tour de l’élection présidentielle et moins de 7% un mois plus tard, l’extreme gauche paie avant tout un vote utile pour le PS et une initiative sans doute trop jusque boutiste de Mélenchon à Hénin-Beaumont.

Du coté Modem, ce vote est la sanction d’un leader, d’un message et donc d’une stratégie  trop personnelle qui n’a cessé de décevoir depuis le soir du 1er tour de 2007. La prise de position de François Bayrou pour François Hollande avait tout d’un aveu de faiblesse pour celui qui conduisait l’ancien UDF. Isolé, sans troupes, ni moyens ni soutiens, le béarnais voit poindre la fin d’une aventure politique riche mais où il a manqué une structure pour viser plus haut. Sa possible défaite à Pau pourrait signifier une mise à l’écart politique sauf si le PS voyait un intérêt à lui faire la courte échelle à l’occasion d’un prochain scrutin ».