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Cannes à Paris : de l’animation coréenne

Par Tred @limpossibleblog

Cannes à Paris : de l’animation coréenne Un soir de semaine à 21h30 au Forum des Images, le spectateur se fait rare. Encore plus pour un film d’animation coréen dont presque personne n’a parlé pendant le Festival de Cannes - bien qu’il fut au programme de la Quinzaine des Réalisateurs. Nous étions peut-être une trentaine pour découvrir « The King of Pigs », et lorsque je suis arrivé peu après 21h, nous étions à peine cinq à attendre l’ouverture de la salle. C’est sûrement grâce à ces espaces bien vides du Forum des Images que j’ai croisé une connaissance dont la simple vue m’a collé un sourire au visage.
Bon, j’exagère lorsque je parle de connaissance, car je suis certain que lui ne m’a pas reconnu. Alors que je montais les escaliers du Forum, lui les descendait, à l’évidence sortant d’une séance précédente. Lui, c’est ce sympathique japonais qui lors des deux dernières éditions de Paris Cinéma a officié en tant qu’interprète pour les cinéastes ou acteurs invités. Souvenez-vous de ce garçon dont les hésitations et les silences avaient le don de rendre ces instants irrésistibles  et inoubliables. Souvenez-vous de la projection d’Hospitalité. Ca y est, vous voyez de qui je veux parler pour ceux qui y étaient ? Cette année c’est Hong Kong qui sera mis à l’honneur au Festival, donc les chances sont minces d’y croiser notre interprète préféré, mais qui sait ?
Mais parlons de la Corée plutôt que du Japon ou d’Hong Kong. J’ai l’impression que ce n’est pas du luxe de parler de ce lointain pays, quand je découvre à quel point les français le méconnaissent encore. J’en ai eu une sacrée preuve devant « The King of Pigs », grâce à mon voisin de salle. Un cinéphile (il faut l’être pour être maniaque au point de venir se coller à côté de moi dans une salle presque vide, histoire d’être le mieux placé possible) sexagénaire qui avait toute les chances d’être un tant soit peu cultivé ou au fait de ce qui se passe dans le monde. Le cinéma ouvre de beaux horizons, et qui part à la recherche de films du monde entier en apprend forcément un peu sur la géopolitique mondiale. Mais si mon voisin était cinéphile, il ne semblait pas très au fait de ce qui peut profondément distinguer la Corée du Nord de la Corée du Sud. Comment expliquer autrement le fait qu’à la fin du film, lorsque le générique s’est mis à défiler sous nos yeux, mon voisin s’est tourné vers moi pour me demander avec une sincérité étonnante : « Vous pensez que c’est la Corée du Nord ou la Corée du Sud ? ». « Baah, c’est la Corée du Sud là » lui répondis-je, surpris. « Ah d’accord ». En une simple question, les connaissances lacunaires du pays de Park Chan-Wook et Hong Sang-Soo par mes compatriotes furent flagrantes. Si un français n’est pas capable de faire la différence entre Corée du Nord et Corée du Sud en regardant un film comme « The King of Pigs », il n’y a pas de doutes possibles sur les progrès à faire pour mieux connaître le Pays du Matin Calme dans l’Hexagone.
Cannes à Paris : de l’animation coréenne J’estime faire ma part du travail pour faire connaître un peu plus la Corée du Sud, au moins à travers sa cinématographie, mais il faut croire que tous les français ne lisent pas L’impossible blog ciné (haha).  Et je dois bien avouer que si c’est à travers un film comme « The King of Pigs » qu’ils découvrent la nation asiatique, ils n’auront peut-être pas plus envie que cela de se frotter à la Corée plus en avant. Mais je dis peut-être cela parce que le film d’animation de Yeon Sang-ho m’a déçu. Non que j’attendais des merveilles particulières de ce long-métrage, après tout je savais à peine de quoi il retournait dans le film avant de le voir, mais disons que je suis toujours plein d’espoir lorsque je vais voir un film coréen, alors lorsque je n’en sort pas ébahi, je suis toujours un peu déçu.
« The King of Pigs » montre les retrouvailles entre deux hommes qui ont été amis lorsqu’ils étaient au collège. Après s’être perdus de vue pendant des années, ils vont passer une soirée ensemble autour d’un repas et se remémorer leurs années collège, des années peu glorieuses où ils étaient régulièrement martyrisés par un clan qui régnait en maître sur le collège… jusqu’à ce qu’un autre collégien change la donne. Si à travers le microcosme d’un collège en proie aux clivages sociaux et à la violence brute, le réalisateur se penche sur les maux de la société coréenne, il le fait avec une telle froideur, une telle distance, et à travers des personnages si insaisissables et peu enclin à attirer l’empathie que le film peine à emballer, ou pour le moins à séduire. Certes il ne s’agit pas là de prendre le spectateur dans le sens du poil, mais ce n’est pas à cette séduction-là que je fais référence. Je me serais contenté d’une séduction aride et amère, de celles qui remuent les tripes par son absence de concession. De concession il n’est pas question dans « The King of Pigs », qui emprunte le chemin traditionnel du film coréen sec et désespéré, mais il manque tout de même quelques grammes de lumière dans ce monde si sombrement dépeint. Pour faire ressortir l’ombre avec plus d’éclat.
Non, ce n’est peut-être pas avec ce film-là que les français vont s’amouracher de la Corée, ou enfin être capable de distinguer sans l’ombre d’une hésitation le Nord du Sud, comme mon voisin l’a prouvé à la fin du film. Mais les films coréens sont trop rares ces temps-ci pour faire la fine bouche. D’autant que le film est également sélectionné au Festival Paris Cinéma qui commence à la fin du mois. Alors si les films d’animation durs comme la pierre ne vous effraient pas…
P.S. : petite anecdote amusante, l’un des deux personnages principaux du film est doublé par l’acteur/réalisateur Yang Ik-Joon lorsqu’il est adulte et par la comédienne Kim Kkobbi lorsqu’il est enfant. Soit l’actrice du magnifique Breathless et son réalisateur.

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