Laurent Grasso, On Air, Film 35 mm sur DVD Pro HD, couleur, son, 2009 Courtesy Galerie chez Valentin, Paris & Sean Kelly Gallery, New York. © Laurent Grasso/ADAGP, Paris, 2012
Laurent Grasso est probablement l’artiste français qui va le plus à l’encontre de notre goût pour la rationalité et la raison en général. Il se glisse avec beaucoup de plaisir dans les moindres interstices de notre mental. Ce dernier a une forte tendance à vouloir tout bien ranger, tout ordonner car nous n’aimons pas le désordre, ni le changement d’ailleurs. En fait, nous supportons assez mal tout ce qui pourrait nuire de près ou de loin à un équilibre que nous avons déjà eu du mal à créer.
Si l’envie de perdre vos repères se fait sentir, Laurent Grasso saura vous satisfaire. Ici point de white cube mais un espace cloisonné avec un long couloir sombre communicant sur une multitude de pièces labyrinthiques. Des morceaux de murs ont été découpés pour inciter les visiteurs à tenter de voir, mais pas trop, les étranges objets exposés. Grasso joue sur les temporalités en mettant en scène des peintures ayant d’ancien seulement leur style, créées par l’artiste, et d’autres datées du XVème ou du XVIème siècle. A contrario, de nombreuses vidéos happent le spectateur tout en étant moins sujettes à interrogations quant à leur période de création et leur auteur. La référence première est, bien sûr, celle du cabinet de curiosité, lieu réservé aux lettrés et où l’on pouvait croiser des cornes de licornes, des médailles, des insectes empaillés, des squelettes ou bien encore des œuvres d’art.
Laurent Grasso, Studies into the past, Colle animale, résine mastic, huile cuite et pigments
sur panneau de bois. Collection de l’artiste. © Laurent Grasso / ADAGP, Paris, 2012
L’étrange, donc, mais aussi la peur particulièrement bien exploitée dans les vidéos de l’artiste, notamment celle où une caméra a été mise sur la tête d’un faucon dont on peut suivre la déambulation si près des arêtes montagneuses. La vidéo sur le parc secret de Bomarzo est également tout à fait fascinante. Situé en Italie, il est aussi appelé parc des monstres, il s’agit d’un lieu rempli de sculptures extravagantes construites au XVIè siècle et inspiré du livre fantasmatico-intello-amoureux Le Songe de Poliphile. Ce livre dans lequel pullulent les références à l’architecture et aux jardins aurait beaucoup inspiré les créateurs du parc de Bomarzo. De fausses grottes aux bouches béantes sont ainsi filmées sous tous les angles accompagnées d’une voix off qui n’explique rien, mais qui au contraire, rajoute du mystère à ses formes déjà irréelles.
Finalement, il me semble que tout cela s’adresse à nos croyances au sens large et non seulement religieuses. Toutes ces choses, ces êtres, auxquels on croit en dépit de toute rationalité. Peur, fantasme, inexplicable qui souhaitent le rester, tout simplement car nous en avons aussi besoin.
Laurent Grasso, Uraniborg
Jeu de Paume
Jusqu’au 23 septembre
1 place de la Concorde
75008 Paris