Une nouvelle industrie est en train d'éclore à l'échelle internationale, celle des fonds d'investissement à visée sociale. Cette nouvelle génération de fonds, par exemple Acumen Fund aux Etats-Unis, Ignia au Mexique ou le Comptoir de l'innovation en France, investit avec l'objectif d'avoir un impact social positif tout en bénéficiant d'un possible retour sur investissement. Ils se distinguent des fonds d'investissement socialement responsables (ISR) classiques qui visent à faire des profits sans nuire à leur environnement naturel ou humain. Ces nouveaux fonds ont pour vocation de financer des entrepreneurs sociaux qui poursuivent une mission sociale tout en s'appuyant sur des activités commerciales pour générer tout ou partie des revenus nécessaires à leur fonctionnement. Les projections sur la taille de ce marché s'accordent pour dire que les investissements à visée sociale pourraient atteindre plus de 500 milliards de dollars (397 milliards d'euros) dans la décennie à venir
D'après une étude récente ("Insight into the Impact Investment Market", 2011) menée par JPMorgan Social Finance et le Global ImpactInvesting Network auprès de 52 fonds d'investissement à visée sociale, ces derniers prévoiraient d'investir à eux seuls 3,8 milliards de dollars en 2012.
OUTILS D'ÉVALUATION Pourtant, les entrepreneurs sociaux ont encore aujourd'hui du mal à lever les capitaux nécessaires au lancement puis au développement de leur organisation. Pour assurer une utilisation efficace des ressources disponibles, il est nécessaire que les fonds d'investissements, les entrepreneurs sociaux et les autorités publiques travaillent de concert. Les investisseurs doivent opérer un changement de mentalité. Il s'agit pour eux de valoriser l'impact social des organisations dans lesquelles ils investissent au moins autant que le retour financier qu'elles pourraient leur rapporter. Mais ils ont encore du mal à évaluer la performance sociale des organisations dans lesquelles ils investissent. Il est essentiel que les entrepreneurs sociaux participent activement au développement d'outils d'évaluation. Leur engagement auprès des créateurs de fonds à visée sociale permettra d'"éduquer" ces derniers, issus souvent du monde de l'investissement classique et qui doivent apprendre comment accompagner au mieux les entreprises sociales. Les autorités publiques ont, elles aussi, un rôle à jouer. Elles doivent notamment veiller à ce que l'environnement institutionnel facilite ces nouveaux types d'investissements et permette aux entrepreneurs sociaux d'accéder aux ressources qui leur sont nécessaires. Pour ce faire, elles devront poser les bases d'un cadre juridique propice au développement d'entreprises qui transcendent la division classique entre le secteur commercial à but lucratif et le secteur social à but non lucratif. Ces formes d'organisations hybrides, qui poursuivent une mission sociale tout en s'appuyant sur des activités commerciales pour générer les revenus nécessaires à leur fonctionnement, ouvrent la voie à une nouvelle façon de concevoir l'économie. A nous tous, investisseurs, entrepreneurs, gouvernants et consommateurs, de créer les conditions nécessaires au succès de ces initiatives.
Julie Battilana, professeure associée, Harvard Business School
Source : lemonde.fr