En matière d'intelligence économique, beaucoup reconnaisse une (sainte?) trinité pour caractériser les fonctions ou modes de fonctionnement que cet ensemble de pratiques doit occuper dans les organisations : le fameux triptyque « veille », « protection », « influence ».
Le problème est que cette formule n'indique en aucun cas les réelles finalités fonctionnelles de l'intelligence économique (IE). En effet, si on s'arrête à ces trois notions, nous n'avons que des moyens et non des fins. L'IE cherche l'information, l'IE sécurise son patrimoine informationnel, l'IE utilise l'influence, oui mais pour quoi faire ? C'est à cette impasse qu'une autre triade répond très explicitement : celle que je vais appeler « la triade de Besson ».
Bernard Besson, homme libre de l'IE française, anciennement en charge des formations initiales et continues auprès du Haut responsable à l'intelligence économique, a en effet développé un autre triptyque à partir de pratiques dans les entreprises et qui décline les trois dimensions : « intelligence stratégique », « intelligence des risques », « intelligence inventive » (voir son ouvrage Intelligence Inventive avec Renaud Uhl, publié à compte d'auteur). Dès lors il apparaît que l'IE doit servir à 1) percevoir et exploiter son environnement (intelligence stratégique), 2) protéger l'organisation (intelligence des risques) et 3) innover (intelligence inventive).
Le dernier élément du triptyque – « l'intelligence inventive » – est le plus novateur par rapport aux visions habituelles de l'IE orientées en général sur les simples dimensions offensives ou défensives. À ce propos, Bernard Besson et Renaud Uhl remarquent : « A quoi sert de protéger une organisation au sein de laquelle les collaborateurs et les salariés ne savent pas ou ne veulent pas innover ? Un cimetière doté de firewalls et de remparts ultra performants reste un cimetière. Après avoir mis en pratique les aspects offensifs et défensifs de l'intelligence économique, Bernard Besson s'aperçoit que le risque majeur réside dans l'incapacité d'innover ». D'où cette troisième déclinaison de l'IE en « Intelligence Inventive ».
Cette vision a l'avantage d'apporter un éclairage transductif et processural de l'IE qui ne la réduit pas à un ensemble de moyens. La matière de l'IE – toujours la même, « l'information », peut alors être mutée en décision stratégique, gestion de crise ou innovation. L'IE étant le medium de ces transformations.