Les individus obtiennent des informations médicales par eux-mêmes, voire en créent en relevant régulièrement leurs mesures physiologiques. Une attitude qui oblige le médecin à un accompagnement différent.
Entretien avec Nicolas Postel-Vinay, praticien dans l'unité d'hypertension artérielle de l'hôpital européen Geroges Pompidou, et directeur du site automesure.com.
L'Atelier : La tendance à l'automesure va de paire avec une autonomisation des patients qui arrivent de plus en plus informés dans le cabinet du médecin. Comment réagissent les professionnels ?
Nicolas Postel-Vinay :Le médecin traditionnel se retrouve déboussolé par un patient qui réalise des recherches d'informations, qui prend des mesures de ses performances physiques et de ses indices physiologiques. Le médecin plus progressiste accepte cela et se dit qu'il doit désormais guider les gens. Mais cela n'est pas si récent. On peut prendre l'exemple de la contraception. Pour les femmes, il s'agissait de dire que leur corps leur appartenait et que cela les concernait elles, pas leur gynécologue.
Dans la même veine, l'automesure est loin d'être une habitude nouvelle. Prendre sa pression artérielle à domicile par exemple existe depuis longtemps.
Mais la multiplication des solutions qui permettent de le faire en combinant capteurs et mobile ou simplement via une application rendent cette pratique plus accessible ?
Oui, c'est vrai. Mais il ne faut pas confondre multiplicité des solutions qui existent et besoin. Cette accessibilité est intéressante si elle apporte véritablement un service. Si on se prend la pression artérielle toutes les cinq minutes, par exemple, cela n'a pas de sens.
Quel doit du coup être le rôle du médecin dans la mise en place de solutions d'automesure ?
Chacun doit faire comme il l'entend. La seule chose qu'il faut exiger c'est que le patient ait une information de qualité, et que la relation qu'il entretient avec son médecin soit bonne lorsqu'il a besoin d'une interprétation fine. Dans l'absolu, cela ne sert pas à grand chose de mesurer quotidiennement son rythme cardiaque, mais si une personne souhaite le faire, et si cela peut la motiver à faire de l'exercice, qu'elle le fasse ! Le médecin doit expliquer, encourager ou recadrer.
Doit-il aussi être prescripteur ?
Dans certains cas, oui. Ce qui est sûr, c'est que le praticien doit toujours chercher avant tout le bénéfice pour la santé d'un comportement ou d'une mesure. Il doit prendre une décision qui sera bénéfique à l'ensemble de la chaîne. Je prends l'exemple du poids. Si une personne souhaite enregistrer régulièrement son poids, cela peut avoir une incidence bénéfique si elle souffre d'obésité morbide, d'insuffisance cardiaque ou rénale. Sinon, cela n'a pas grand intérêt. Il ne s'agit donc pas de juger s'il est bien ou pas de se peser tous les jours, mais de le faire en fonction des situations.
Pour chaque thématique de mesure, le médecin dispose de tableaux de lecture qu'il adapte. C'est lui qui juge de ce qui a du sens ou pas.