Il a toujours fallu écrire des portraits, peu importe qu'ils soient réaliste ou non, peu importe qu'ils soient sur des personnes croisées furtivement dans le métro ou dans la rue. Ce fut toujours une nécessité parce que ces personnes deviennent des personnages sous ma plume. Je n'ai jamais été fichue d'écrire un roman ou une nouvelle, encore moins des poèmes -je laisse ça aux autres, sans doute plus doués que moi pour noter les sentiments et les vivre - alors la solution offerte aux doigts qui frémissent de prendre l'encre s'est rapidement imposée : il fallait écrire des portraits. Ils vivent, me permettent d'écrire comme la photographie inscrit sa lumière, par détails, par touches. Il fallait parce que sans cela jamais je n'aurais pu vivre correctement, dans le sens, où, jamais je n'aurais observé le monde avec les yeux grands ouverts.
C'est sans doute cela qui explique mon impossibilité à jouer d'un instrument de façon assidue. Un jour, fut un temps ancien, reculé, j'ai joué du piano, pour rire, pour faire plaisir. Mais rien ne m'enlevait des yeux ces magnifiques touches jouant avec la lumière du salon dans lequel je me trouvais. Ainsi, mes souvenirs musicaux sont sans cesse liés aux souvenirs picturaux. Rien n'y fait, ni l'avancée progressive d'une myopie ni même la lumière grisâtre d'une grande ville.