En visite à New Delhi, Hillary Clinton tente de rallier ses hôtes aux sanctions contre l’Iran et son programme nucléaire.
Emmanuel Derville, New Delhi. Paru dans la Tribune de Genève/24 heures le 8 mai.
La crédibilité des sanctions contre l’Iran se joue en ce moment à New Delhi. Arrivée dans la capitale indienne lundi, Hillary Clinton tente de convaincre l’Inde de restreindre ses échanges commerciaux avec Téhéran. Le pays achète 12% de son pétrole à l’Iran pour 10 milliards de dollars par an. Si le gouvernement indien cédait aux pressions occidentales, le coup porté à l’économie iranienne serait terrible et pourrait dissuader Téhéran de poursuivre son programme nucléaire. Mais l’Inde n’envisage pas de stopper ses importations de brut iranien. Le taux de croissance de son PIB frôle les 7%. Les entreprises et les consommateurs ont besoin d’essence pour faire tourner leurs usines et leur voiture.
Fournisseur essentiel
Sur l’exercice fiscal 2011-2012, les importations de pétrole brut ont bondi de 5%. Chaque jour, l’Inde importe près de 3,5 millions de barils. « On ne peut pas arrêter de se fournir en Iran. D’ailleurs, ce scénario ne figure pas dans nos discussions avec les Américains », fait valoir un haut-responsable du ministère des Affaires étrangères à New Delhi. Néanmoins, Hillary Clinton fait pression sur le gouvernement indien pour qu’il réduise ses achats. Les raffineries indiennes ont déjà diminué leurs commandes à l’Iran de 15 à 20%. Insuffisant pour Washington. « Nous nous réjouissons des efforts qui ont été fait jusqu’à présent. Nous espérons que les Indiens iront plus loin », a lancé Hillary Clinton hier. Rien n’est moins sûr.
L’Iran est un partenaire indispensable pour l’Inde qui lorgne sur les gisements de gaz et de pétrole de l’Asie centrale. Elle est aussi très impliquée dans la reconstruction de l’Afghanistan où elle a investi environ 1 milliard de dollars depuis 2002. « Nos relations avec le Pakistan restent froides, note-t-on au ministère des Affaires étrangères. L’Iran est notre seule voie d’accès vers l’Afghanistan et l’Asie centrale. » Depuis 10 ans, l’Inde multiplie les chantiers d’infrastructures en Iran. Comme la construction du port en eaux profondes de Chabahar, au Sud du pays, sur la mer d’Oman. Chabahar est la dernière étape avant l’Afghanistan et l’Asie centrale.
Eviter le canal de Suez
Autre projet : l’aménagement d’une route et d’une voie de chemin de fer depuis Bandar Abbas, dans le Sud de l’Iran, jusqu’à Bandar Anzali, au bord de la mer Caspienne. Cet itinéraire offrirait aux transporteurs indiens un accès à la Russie et à l’Europe plus court que celui du canal de Suez. Au mois de janvier, le gouvernement indien a indiqué qu’il financerait le chantier.
L’Inde ne peut pas faire la sourde oreille aux demandes américaines. Elle doit ménager son allié israélien, qui demeure l’un de ses principaux fournisseurs d’armement. D’où certaines concessions. Elle a ainsi abandonné sa participation au projet de pipeline Iran-Pakistan-Inde. Pas sûr qu’elle aille plus loin. Une délégation d’hommes d’affaires iraniens est arrivée en Inde dimanche. Le même jour que Hillary Clinton.
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