Au
commencement était le Verbe. Puis le Verbe s'ancra. Il fut lettre, puis mot pour transmettre à travers le temps et l'espace un parole. Du sacré au plus profane, en un raccourci délicat, les
livres se répandirent et avec eux, parfois, le mystère et le bouleversement.
Il est des livres fondateurs, qui vous soulèvent
l'âme, littéralement. Des auteurs qui font vaciller de fragiles constructions, jusqu'à la démesure parfois. Mishima, dont je lus au-delà des mots, en mon jeune âge, "L'ange en décomposition", fut
pour moi alors de cet ordre-là. Mais également, entre tant d'autres, "Le temps des déracinés" d'Elie Wiezel , qui conte une journée dans la vie d'un homme, Gamliel, hanté par des esprits, des
fulgurances...
Ce sont des livres compagnons de route, porteurs de folle espérance. Des livres que l'on offre, œuvres messagères de l'impossibilité parfois de dire, ou
simplement livres partage, juste pour le plaisir. Book-Crossing, sur internet, c'est le concept du livre errant, du livre voyageur. Livre que l'on "abandonne" telle une bouteille à la mer, pour
qu'il soit retrouvé, lu et laissé de nouveau pour un autre voyage vers un nouveau lecteur. Le "lâcher de livres" est un acte gratuit, volontaire, ludique et rayonnant d'altérité. De véritables
communautés se sont nouées autour de ce phénomène de société. Ces livres sont, comme les pigeons voyageurs, parfois "marqués", par un code, un identifiant, avec une adresse Internet, permettant à
l'heureux découvreur de laisser une trace , s'il le souhaite, de l'existence du livre dans sa vie. Puis il le dépose à son tour dans un lieu porteur pour lui.
Ainsi les livres poursuivent leur échappée libre,
parce que la culture, la littérature, la poésie appartiennent à tous et ne connaissent pas les frontières. Si d'aventure vous croisez la route d'un de ces livres errants, sur un banc à Jérusalem,
au creux d'un arbre dans un parc à Paris, sur une table à une terrasse d'un café à Prague, New-York ou Erévan, accueillez-le, lisez-le, peut-être y découvrirez-vous quelque chose, puis laissez-le
poursuivre son destin en lui rendant sa liberté. Vous pouvez même lui donner un ou deux compagnons de route, des écrits qui vous sont chers.