D’un sommeil plus tranquille à mes Amours rêvant
J’éveille avant le jour mes yeux et ma pensée,
Et cette longue nuit si durement passée,
Je me trouve étonné de quoi je suis vivant.
Demi désespéré je jure en me levant
D’arracher cet objet à mon âme insensée,
Et soudain de ses voeux ma raison offensée
Se dédit et me laisse aussi fol que devant.
Je sais bien que la mort suit de près ma folie,
Mais je vois tant d’appas en ma mélancolie
Que mon esprit ne peut souffrir sa guérison.
Chacun à son plaisir doit gouverner son âme,
Mytridate autrefois a vécu de poison,
Les Lestrigons de sang, et moi je vis de flamme.
Théophile de VIAU (1590-1626).
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LES COMMENTAIRES (1)
posté le 18 février à 12:31
Étrange est ce métier que l’on fait en rêvant. Le poète, emporté dans d’étranges pensées, Soit de l’instant présent, soit de sa vie passée, En imagination plus qu’en acte est vivant.
Il est vibrant de mots, au matin, se levant, Il voit devant ses yeux une image insensée, Sa syntaxe est parfois quelque peu défoncée Car ce qui est derrière eût pu être devant.
Sa versification est un jeu de folie ; C’est de folle passion et de mélancolie Qu’il fait proliférer les rimes sans raison.
L’écho d’anciens sonnets résonne dans son âme, Il mijote un breuvage, assemblant des poisons Qui tout au long des jours alimentent sa flamme.