[Critique] ALIEN – LE HUITIÈME PASSAGER

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Alien

Note:
Origine : Angleterre/États-Unis
Réalisateur : Ridley Scott
Distribution : Sigourney Weaver, Tom Skerritt, Veronica Cartwright, Harry Dean Stanton, John Hurt, Ian Holm, Yaphet Kotto, Bolaji Badejo et Eddie Powell.
Genre : Horreur/Science-Fiction/Saga
Date de sortie : 12 septembre 1979

Le Pitch :
Alors qu’il fait route vers la Terre, le vaisseau de commerce Nostromo capte ce qui semble être un signal de détresse. L’équipage décide de se rendre sur la petite planète d’où l’appel est émis et découvre sur place un gigantesque vaisseau où repose une multitude d’étranges œufs. Pendant qu’il observe l’un de ces œufs, un des membres d’équipage se fait attaquer par une créature qui reste collée à son visage. La victime et son hôte sont vite rapatriés au vaisseau…

La Critique :
Lorsqu’il réalise Alien, Ridley Scott ne se doute peut-être pas qu’il est en train d’accoucher de l’un des modèles absolus du genre. Ce genre, c’est le film de monstres. Bien sûr, il y a eu, avant Alien, de nombreux films de monstres, mais rares sont ceux qui ont eu une telle résonance. Encore aujourd’hui, Alien reste une référence.

À l’heure actuelle, le film est de retour dans les forums de discussion et autres réseaux sociaux via des échanges passionnés au sujet de la légitimité de Prometheus qui, on le rappelle, est le prequel d’Alien. Nombreux sont les fans de l’œuvre originelle qui répudient Prometheus, pour des raisons que nous n’allons pas énumérer ici. Pour ces derniers, la jonction entre les deux n’est pas logique et la possibilité que les interrogations posées dans Prometheus trouvent leurs réponses dans les deux suites annoncées, n’est même pas envisagée. C’est souvent le cas quand on parle des grands chef-d’œuvres de l’histoire du cinéma. Alien est intouchable. Personne n’a le droit d’y revenir, ni même celui qui lui donna naissance. Et lorsqu’on revoit ce monument de la science-fiction horrifique aujourd’hui, difficile de ne pas comprendre un tant soit peu la vivacité de ces réactions.

Il est tout d’abord impressionnant de constater que 33 ans après sa sortie, Alien n’a pas pris ce méchant coup de vieux qui touche parfois les grands films. Les effets-spéciaux tout d’abord, sont toujours aussi immersifs. De l’atterrissage du Nostromo, impressionnant, à la découverte du vaisseau extra-terrestre, en passant par la créature elle-même, toujours terrifiante, difficile de ne pas tomber à genou devant l’extraordinaire prouesse visuelle. Une universalité imputable en grande partie à l’esthétique indémodable d’H.G. Riger, qui offre à l’intrigue un écrin fantastique fourmillant de détails. L’impression de se trouver aux côtés des sept passagers du Nostromo se fait plus insistante au fil des minutes. Seuls les lumières clignotantes et les ordinateurs vintage rappellent que le film date bien de la fin des années 70 (avant la vision du futur s’accompagnait souvent de lumières clignotantes). Des installations informatiques qui soulignent d’ailleurs l’un des rares défauts esthétiques de Prometheus : alors que les spationautes du prequel utilisent des programmes sophistiqués à grand renfort d’images holographiques en 3D, ceux d’Alien se coltinent de vieux Amstrad CPC qui font du bruit quand ils affichent des trucs à l’écran. Un détail regrettable tant Ridley Scott a soigné dans son dernier film l’esthétique des costumes et des intérieurs du vaisseau pour coller avec la patine 70′s d’Alien

Chef-d’œuvre de la science-fiction qui effleure certaines questions que le futur se chargera de développer (tout ce qui entoure notamment le Space Jockey, ce mystérieux pilote trônant au poste de pilotage de la navette extra-terrestre découverte dans Alien, qui excite les geeks depuis plus de trente ans), Alien est surtout un grand film d’horreur. Un trip redoutablement efficace, aussi simple qu’inventif, qui se repose sur des recettes de mise en scène impitoyables. La séquence du repas où l’alien surgit du bide de John Hurt est même carrément l’une des scènes les plus cultes du cinéma. Elle non plus n’a rien perdu de sa force au fil des années et des visionnages répétés. Gore mais pas trop, Alien utilise ses effets avec une parcimonie des plus respectables et tisse un schéma qui deviendra immédiatement une référence. Tout compte fait, ce n’est pas tant lorsque le monstre fait face à l’objectif que la peur est à son paroxysme mais plutôt lorsque sa présence, invisible, devient palpable. Au point de penser le voir tapi dans l’ombre à chaque recoin mal éclairé de l’écran.

Musique (superbe partition de Jerry Goldsmith) et effets de lumières renforcent le côté clautrophobique de l’action, tandis que les acteurs semblent totalement investis dans leur rôle. Sigourney Weaver, qui dessine le portrait de l’une des grandes héroïnes modernes, véritable figure de proue badass (et ici plutôt sexy) ; les excellents John Hurt, Tom Skerrit, Yaphet Kotto, Harry Dean Stanton et bien sûr Ian Holm, lui aussi d’une importance cruciale tant l’archétype de son personnage perdurera dans tous les épisodes de la saga (et non les Alien vs. Predator n’en font pas partie). Même le chat est plus vrai que nature. Ça paraît peut-être con de dire ça, mais il suffit de regarder le regard du greffier, alors que le monstre surgi derrière Harry Dean Stanton, lors de cette fameuse scène, pour être saisi d’effroi. Le génie réside justement dans les détails de ce genre…

Le premier Alien n’interroge pas la condition humaine ou ses origines, du moins pas directement. Même si le personnage de Ian Holm cristallise une somme de thématiques très métaphysiques dans leurs questionnements. Alien met en scène une traque en huis-clos. Il s’agit d’un pur film d’épouvante qui fait appel aux craintes humaines les plus fondamentales, comme la peur de l’obscurité. Il interroge les mécanismes de cette peur primale et ceux de la survie face à une menace inconnue. Comme Predator qui, quelques années plus tard prendra certainement exemple sur Alien pour déboucher sur une autre fameuse référence, le deuxième film de Ridley Scott emporte le spectateur comme peu d’œuvres savent le faire. Encore et encore, alors même que l’on connait le long-métrage par cœur, à la réplique près. Ingénieux, insidieux et surprenant, Alien appartient à la légende du septième-art et n’en finira jamais de terroriser des générations entières de nouveaux amateurs contents de trouver dans cette pierre angulaire tout ce que les ainés leur ont promis.

Et bien plus encore…

@ Gilles Rolland