J’ai appris, stupéfait, que ce dimanche, on votait. Encore ! Apparemment, il y aurait besoin de renouveler l’Assemblée Nationale ! Sapristi ! Personne ne me dit rien, à moi !
Bon, j’exagère.
Évidemment, comme tous les Français disposant d’une boîte mail, j’ai été copieusement pourri de spam inintéressant relatif à l’un ou l’autre candidat de ces élections. Comme tous les Français, j’ai jeté un oeil distrait sur la presse, j’ai écouté la radio, et me suis tenu au courant des débats télévisuels. Et justement : les articles dans la presse ont été peu nombreux. La radio a bien organisé quelques rencontres et fourni quelques polémiques pour occuper l’auditeur entre deux publicités. Quant à la télé, elle n’intéresse plus (au point que certaines présentatrices vedettes s’en aillent), et n’a proposé aucun débat saillant.
En définitive, c’est la déroute molle d’une campagne morose (ou l’inverse). Quelque part, on sent confusément que les électeurs se sont entièrement investis pour la présidentielle, que les médias ont tout misé sur l’élection reine, que les politiciens eux-mêmes se sont dépassés pour porter à la tête du pays celui qu’ils estimaient le meilleur le moins mauvais. Et arrivées les élections législatives, l’implication s’est envolée, l’envie d’aller dérouler des arguments s’est évaporée.
En substance, la campagne législative aura ronronné sur deux thèmes, l’un porté par la gauche sur le mode « Il Nous Faut Une Majorité », dont on ne peut pas dire qu’elle soit vigoureusement originale, et l’autre, prôné par la droite, de la nécessaire balance des pouvoirs, puisqu’il est vrai que le pays, en cas de victoire socialiste, va se retrouver profondément monochrome des villes à la représentation nationale, en passant par les régions, les départements et le Sénat…
Plus que probablement, le taux d’abstention, réel baromètre de l’intérêt d’une campagne, va vraisemblablement s’établir autour de 40%. Ce qui veut dire qu’encore une fois, entre ces abstentionnistes, ceux qui auront voté blanc ou nul et ceux qui auront prudemment choisi la non-inscription, le premier parti de France est, de loin, celui des gens qui voudraient surtout qu’on leur fiche la paix ou qui ne trouvent pas leur bonheur dans l’offre électorale actuelle.
Est-ce étonnant ?
Tout comme la campagne présidentielle où chacun des candidats aura fait fort de proposer toujours plus d’intervention de l’Etat, toujours plus de collectivisation des pertes, des échecs et des solutions qui ne marchent pas, la campagne législative n’a, elle aussi, qu’assemblé dans les différentes circonscriptions des candidats très majoritairement anti-capitalistes, socialistes, mollement corporatistes et interventionnistes de tous crins. On peut timidement citer les représentants des rares partis libéraux, qui auront l’immense bonheur de décrocher un ou deux pourcent des voix et ne pèseront en rien dans les seconds tours qui se profilent à l’horizon aussi ennuyeux que les premiers.
Dans le même temps, pendant ce premier mois du quinquennat hollandiste, les avis de tempête financière et économique se sont succédé ; les plans sociaux, comme prévu on pourrait dire, se sont empilés sur les bureaux des clowns de permanence, Montebourg et Moscovici, qui ont mobilisé l’intégralité de leurs petites intelligences pour n’en rien faire du tout dans un ballet de froufroutage médiatique attendrissant de nullité. Pendant que les Français vont devoir choisir s’ils seront tondus sur le flanc droit ou sur le flanc gauche, l’Espagne rejoint ainsi la liste des pays en difficultés terminales : Hollande sera donc appelé, dans les heures qui viennent, à prendre des décisions qui engageront l’État qu’il représente entre deux hésitations.
Tout comme ses peu nombreuses décisions précédentes, et notamment le retrait millimétrique d’Afghanistan qui coûtera sans doute des vies supplémentaires à celles de cette fin de semaine, on peut parier que le résultat sera, là encore, le compromis et l’attentisme, traduit ici par l’accroissement de la dette européenne et française pour repousser l’inévitable de quelques semaines supplémentaires.
De ces événements, des « décisions » de Hollande, de ces difficultés économiques, de ces avis de tempêtes, il ne fut pas question pendant cette campagne. Les élus dits de terrain n’ont pas rebondi sur ces sujets. Soyons plus clair encore : tout le monde se fiche complètement des législatives, à l’exception des députés qui remettent en question leur fauteuil (et la sinécure qui y est attachée). Seuls les militants s’excitent sur les résultats putatifs de cette branlette politique dont on sait déjà tous pertinemment qu’il ne ressortira absolument rien de bon, pauvreté des débats, des programmes et des enjeux (volontairement aux ras des pâquerette), obligent.
La fracture entre les élus et le peuple est consommée et particulièrement flagrante quand on voit que les seuls événements marquants de cette campagne furent ceux qui se sont concentrés autour de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, autrement dit deux tenants du collectivisme avec la même capacité à éructer des arguments comme on n’en avait plus entendu depuis 60 ans au moins.
D’ailleurs, la satisfaction réelle de voir Mélenchon se prendre une sévère veste électorale sera largement tempérée par le fait que la presse n’en fera pas écho, ou de façon suffisamment sobre pour masquer le fait qu’un parti comme le Front National, qui rassemble régulièrement 15% du corps électoral, ne sera probablement pas présent à l’Assemblée Nationale, alors que celui du dit Mélenchon, qui peine à en rassembler 9% malgré les talents purement rhétoriques de son leader, n’aura aucun mal à y former un groupe complet.
Dans ces conditions, on comprend l’intérêt plus que modéré à participer à cette farce démocratique.
Quant au résultat final (cohabitation ou pas), il sera sans incidence sur la non-politique entreprise en France par la suite. En cas de cohabitation, le gel institutionnel sera total, ce qui assurera le gouffre pour la France. Et dans le cas contraire, les stupidités économiques d’apparat continueront de s’aligner sereinement, imprimant une poussée supplémentaire au vecteur vitesse du pays vers … le gouffre aussi.
Ce pays s’est morfondu dans une campagne léthargique. Il sait qu’il est foutu. Reste à ce que les élus s’en rendent compte.
Il y a du chemin à faire.
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