COMME SI DE RIEN
L'Amourier, juin 2012
Il y a le temps. On ne sait pas. On y est, il vous traverse. On ne sait rien. On se retourne et que voit-on ? Un chemin ? Moins, peut-être, des traces qui se perdent. Moins, encore, ce miroitement évaporé. Comme si rien n’avait jamais été. Comme si de rien. Alors, pour voir, pour savoir quand même, on trouve quelques mots. Journal, dit-on. Oui, si dans « journal », c’est « jour » qu’on veut entendre. Écrire le jour, ses odeurs, ses lueurs, ses rumeurs. Ce qui s’approche, s’éloigne. Comment parler ce pli, cet instant où tout bascule ? Ce fil où l’on attend, en équilibre ? Avec le corps devenu écoute, regard. Chaque poème est comme une fenêtre. Un petit rectangle de mots qui donne sur ce qu’on ne sait pas. Sur la lumière et sur les ombres. Sur les visages et sur les gestes. Sur les paroles, sur les cris. Sur ce tissu du monde où, parfois, quand vient le silence, on entend que quelqu’un respire.
Il ne sait plus faire plus du tout
la montagne monte flotte
le train-train la tache
qui bouge sur l’œil ne cache
ni ne révèle rien il écoute
il regarde il attend il oublie
10 juillet
*
quelque part ce qui se cherche
comme un bourdonnement de mouche
deux genoux un pied l’après-midi
redevient bleue on entend
du silence – et autre chose
une sorte de stupeur sans fin
11 juillet
*
il a posé la tasse écouté
quelque chose qu’il était seul à entendre
sur la vitre le feuillage
semblait s’être arrêté dans sa chute
comment faire disait-il
un feu brûlait dans ses mains ouvertes
12 juillet
*
il a cru pouvoir dire mais non
sur les lèvres le silence
est resté intact et le spectacle
à quelques pas toujours immobile
comme un peu d’air qui n’entre pas il a cru
supprimer la distance mais non
13 juillet
*
le retour n’est jamais le retour
les mouches toujours et les feuillages
un marteau s’obstine il s’est remis
à compter il dit deux heures
l’instant bascule le vent s’arrête
la montagne ne se ressemble plus
14 juillet
*
et lui se ressemble-t-il
la chaleur le pied le balancier
de l’ombre comme si de rien n’était
l’éblouissement du trottoir vide
qu’il faut traverser pour retrouver
l’image le grain de temps
15 juillet
*
il écoute encore la corneille
s’égosille mais c’est autre chose
sous chaque bruit ça s’obstine
bruissement ou froissement comme d’un fleuve
d’images invisibles qui passe
ou rien ou le sommeil qui revient
16 juillet
*
il ne sait plus non une chaleur
trop bleue un cri et ses yeux
ne voient plus que du feu une poudre
grise un bruit de mobylette
trament le jour qui décline s’en va
personne pour parler ou se taire
17 juillet
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