A la veille du prochain Sommet de la Terre "Rio+20", un consortium de 17 chercheurs en écologie tire la sonnette d'alarme et appelle les décideurs à concrétiser des politiques appropriées pour freiner la dramatique perte de biodiversité. donnez votre avis 6 6 personnes aiment cet article
"Nous sommes une espèce parmi des millions d'autres ; dans cette addition : l'espèce qui a développé le cerveau le plus riche en neurones. Ce n'est pas forcément une situation définitive. Tout va dépendre en grande partie de nous, du sort que nous réservons aux autres espèces, et au bout du compte à la nôtre. Depuis un siècle les soustractions amputent dramatiquement cette richesse, la faisant décroître vite. Nous éliminons plus de mille fois plus d'espèces qu'avant l'époque industrielle. Cette extinction massive, la sixième dans l'histoire de la terre, l'humanité en est la cause. Elle pourrait en être la victime."
Hubert Reeves, Président de la Ligue ROC
La biodiversité, la variété de la vie sur terre, disparaît à un rythme sans précédent et probablement à une cadence toujours croissante.
Quel est l'impact sur l'humanité de la perte accélérée de biodiversité constatée sur l'ensemble de la planète ? Pour répondre à cette question, 17 chercheurs en écologie ont analysé l'impact de la perte de biodiversité sur le fonctionnement et la stabilité des écosystèmes, et réalisé une analyse nouvelle de l'effet de cette perte sur les services écologiques dont l'humanité tire profit.
Deux semaines avant le début de la conférence internationale Rio +20, un article a ainsi été publié dans la revue Nature le 6 juin, qui dresse le bilan de cet analyse qui explique clairement que la perte de la biodiversité impacte les écosystèmes et les ressources de la planète.
Moins de biodiversité = moins de productivité
Un peu à la manière des rapports sur le changement climatique réalisés par le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), le consortium de chercheurs dégage dans l'article de Nature un consensus scientifique à partir de l'analyse de quelques 2000 papiers publiés ces 20 dernières années. À l'heure où les activités humaines détruisent des écosystèmes entiers, ils font ressortir six points qui font l'unanimité dans la communauté scientifique. Une de ces affirmations importantes est que la perte de biodiversité affecte négativement le fonctionnement et la stabilité des écosystèmes. Et que cette perte réduit notablement l'efficacité avec laquelle les écosystèmes captent des ressources essentielles, produisent de la biomasse, décomposent et recyclent des ressources biologiques.
Les chercheurs présentent par ailleurs une série de résultats émergents, qui, s'ils doivent encore être confirmés par la recherche, pourraient changer notre façon d'appréhender la biodiversité. Par exemple, les effets de la disparition d'espèces et de gènes sont plus importants lorsque l'échelle temporelle ou spatiale considérée est plus grande. Ainsi, si un nombre limité d'espèces peut constituer un petit écosystème en apparence stable sur une courte période de temps, des écosystèmes plus vastes, pris dans des conditions variant au fil du temps, ont besoin d'un plus grand nombre d'espèces pour maintenir leur fonctionnement. Autre point mis en avant par les chercheurs : les données récentes tendent à montrer que l'impact de la perte de biodiversité dans le monde est comparable à celui d'autres changements globaux comme le réchauffement climatique ou l'excès d'azote déversé par l'agriculture.
Les chercheurs offrent aussi une analyse nouvelle de l'impact de la perte de biodiversité sur de nombreux services écologiques dont dépend le bien-être des sociétés, et notamment la productivité liée aux ressources de notre planète. Ainsi, un consensus se dégage sur le fait que la diversité en espèces et la diversité génétique au sein de celles-ci permettent d'augmenter la productivité des cultures, des pêcheries et des plantations d'arbres. En revanche, l'importance de la biodiversité semble moins claire pour d'autres services comme la pollinisation par les insectes ou la purification de l'eau dans les zones humides.
Le travail de ces chercheurs devrait permettre d'alimenter les discussions lors de la conférence internationale Rio +20, qui se tiendra du 20 au 22 juin 2012. Il servira également de base de travail à l'IPBES (Intergovernmental science-policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services), l'équivalent du GIEC pour la biodiversité qui doit être mis en place cette année. De plus, en mettant en évidence les lacunes scientifiques, il pourrait servir à mettre en place des programmes de recherche visant à les combler. Enfin, il devrait aider les décideurs à mettre en place des politiques appropriées pour freiner la dramatique perte de biodiversité.
Mathilde Emery